Il était lointain et illusoire pour certains mais le projet d’une Zone africaine de libre échange s’est concrétisé le 15 juin 2016 à Windhoek, en marge de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, quand les participants ont voté à l’unanimité le rapport et le texte des résolutions y afférentes, œuvre d’un compatriote, l’ancien ministre RD-congolais de l’Economie
Forcément historique, l’adoption le 15 juin 2016 à Windhoek en Namibie, par l’Assemblée paritaire ACP-UE, du rapport sur la création de la Zone africaine de libre échange -ZALE- et du texte des résolutions y afférentes, fruit des réflexions intellectuelles du député RD-congolais Jean-Marie Bulambo Kilosho, est un événement sans précédent. Cette naissance ouvre une nouvelle ère dans le continent noir tant il vise la structuration, d’une part, du commerce intra africain, sa libération effective et son élargissement à l’ensemble de 54 Etats d’Afrique représentant un marché de l’ordre d’un milliard d’habitants et un PIB de 1,2 billions de dollars et, d’autre part, la gestion efficiente de l’accroissement des échanges consécutifs à cet effet d’élargissement et l’amélioration de l’offre continentale des biens et services trop en deçà de la demande interne, nécessitant des importations compensatoires. Ce vote a une signification particulière et constitue un motif de fierté pour la RD-Congo du fait du rôle joué par Bulambo. «La création de la ZALE est aussi justifiée en termes de croissance attendue de l’intensification des échanges intra africains mais aussi de la libération des énergies créatrices des PME et PMI à impliquer dans l’amélioration de l’offre intérieure du continent», explique Bulambo, désormais entré dans l’Histoire. Il ajoute que la ZALE, appelée à fédérer ou coordonner l’action des zones de libre échange et communautés actives en Afrique, s’intéressera aux désordres du commerce transfrontalier entre Etats du continent pour en capitaliser les flux au profit de l’intérêt général. Il assure que cette structure travaillera pour améliorer l’offre intérieure toujours déficitaire par le renforcement des capacités managériales, techniques et financières -accès aux crédits bancaires- des PME et PMI, qui constituent le tissus économique de base, à l’effet de produire qualité et quantité, et de créer des emplois à l’échelle continentale. En appui à ces agents économiques primaires, qui sont à la fois sous-traitants, fournisseurs et clients, viendront les pôles économiques, les corridors de développement et les projets intégrateurs redimensionnés pour tirer par le haut les économies africaines.
«L’intégration économique est la clé et l’unification des politiques économiques du continent est une stratégie prioritaire pour stimuler l’économie de 54 Etats». Ce message, leitmotiv de l’équipe du Gabonais Jean-Ping, ancien président de la Commission de l’Union africaine, a fait un grand écho sur le continent. Si l’Afrique s’illustre par un taux de croissance positive ces dernières années, les crises économiques de 2008 et de 2015-2016 démontrent la vulnérabilité de l’économie du continent, dépendant de ses ventes vers l’Europe, l’Amérique et l’Asie. La Banque mondiale estime qu’actuellement, la part des exportations intra africaines est en moyenne de 12% contre 70% en Europe! La mise en œuvre d’une feuille de route continentale s’imposait en vue de rectifier le tir. Depuis, l’Assemblée paritaire ACP-UE a désigné le député RD-congolais Jean-Marie Bulambo Kilosho, ancien ministre de l’Economie et des PME, rapporteur pour initier les études devant déboucher sur la création de la Zone continentale de libre échange en Afrique avec possibilités de stimuler les échanges intra africains et avantages éventuels pour les ACP et l’Union européenne.
Faits historiques
Depuis la création de l’Union africaine en 1963, la volonté pour l’Afrique des pères fondateurs était de faire diligence pour la mise en place d’une communauté économique continentale. Dans la ligne droite de cette volonté, les chefs d’Etat réunis à Addis-Abeba à la faveur du 18ème sommet du 23 au 30 janvier 2012, ont décidé de lancer le processus de création de cet ensemble appelé à coiffer tout le continent, actuellement morcelé en huit petites zones. Notamment CEDEAO, CEAC, SADEC, COMESA, CENSAD, UEMOA, CEMAC, IGAD. Le 22ème sommet tenu organisé les 30 et 31 janvier 2014 s’est attelé à formaliser cette idée en incluant dans le programme de travail l’Agenda des priorités de l’Afrique de ce jour à 2063, dénommé «Agenda 2063».
Ce qui fait dire à Bulambo, croisé après son retour de Windhoek, que la création de la zone de libre échange en Afrique est la matérialisation de la décision des chefs d’Etat réunis en 2012 dans la capitale éthiopienne. Mais le député avoue que le déclic a eu lieu à l’issue de l’Assemblée parlementaire ACP-UE à Suva, capitale des Fidji, quand la Commission de développement économique, des finances et du commerce dont il est membre permanent pour compte de la RD-Congo reçoit l’autorisation d’établir un rapport, conformément à l’article 2 paragraphe 8 de son règlement, sur la création de la zone économique, possibilité. Puis quand, à la faveur de sa réunion paritaire des 24 et 25 septembre 2015, la Commission le nomme comme rapporteur et avec comme co-rapporteur la députée UE Marielle de Sarnez.
Bulambo se met tout de suite au travail. Son projet de rapport aussitôt adopté devient le draft pour la suite du processus. Examiné successivement au cours des réunions des ACP en décembre 2015 et au Parlement européen le 17 mars 2016, le rapport Bulambo est adopté formellement, ensemble avec le projet des résolutions y afférentes soumis pour amendement à tous les députés ACP et Union européenne.
Le RD-Congolais a trois mois pour rencontrer les 67 amendements reçus de ses pairs. Réunie du 7 au 16 juin à Windhoek, la plénière paritaire ACP-UE a examiné et adopté le rapport définitif ainsi que ses résolutions, bien avant la clôture de la session. Historique, le rapport Bulambo est voté à l’unanimité de tous les membres. Il était lointain et illusoire pour certains mais le projet d’une Zone africaine de libre échange s’est concrétisé… grâce au génie d’un RD-Congolais!
La session paritaire a chargé les coprésidents, Balde Bhoye pour les ACP et Louis Michel pour l’UE, de transmettre les résolutions adoptées au Conseil des ministres des ACP et de l’Union européenne, au Parlement européen, à la Commission européenne, au Conseil européen, à l’Union africaine, au Parlement panafricain, aux parlements nationaux et régionaux des Etats membres, aux organisations régionales ayant trait aux pays ACP ainsi qu’à la Banque européenne d’investissement.
Promouvoir l’incontournable intégration
Commentant l’essentiel de ce travail, Bulambo affirme être parti non seulement de l’idée qu’il se fait «de l’Afrique et de la conviction qu’aucune solution ne doit être donnée clé à la main mais doit être issue des spécificités et des réalités du terrain du continent africain. Mais surtout, de la certitude que la réalisation de ce vaste projet sera, au-delà de la volonté politique, le fait de la bonne appropriation par chaque peuple et chaque pays africain».
Outre cette motivation, Bulambo estime que malgré les zones économiques en activité sur le continent, l’Afrique est toujours sous développée et ses populations pauvres. «L’idée d’une croissance théorique que l’on ne peut chiffrer en termes des revenus distribués hante les esprits et les inégalités de développement entre Africains sont une réalité», assène-t-il. La part du commerce intra africain est insignifiante. Elle avoisine 12% des flux. Le reste c’est les importations. L’Afrique donne une image controversée: riche en ressources naturelles mais avec des populations pauvres. Le déséquilibre entre l’offre et la demande africaines est un casse-tête. Les législations africaines sont désuètes par rapport aux pays eux-mêmes ou dents de scie sinon non-conformes. Les codes des mines sont dictés par l’extérieur. Conséquences: fraude au zénith, corruption systématique, contrebande, commerce triangulaire -l’exemple des produits achetés en Namibie mais aux factures émises au Liban ou Monaco-, l’évasion fiscale -chaque année 60 milliards de dollars partent du continent à destination des paradis fiscaux. «Les zones économiques et de libre échange qui existent sont paralysées par des barrières psychologiques, certains pays craignant de perdre les recettes douanières et de devenir un marché pour les autres faute d’avoir de quoi offrir en retour. Certains pays encouragent la libre circulation, d’autres sont à l’union douanière quand d’autres pensent déjà à l’union monétaire», décrit Bulambo, fondant ses espoirs, les bons, sur l’incontournable intégration avec la création de la zone continentale de libre échange. «Ce vaste ensemble représente un marché de plus d’un milliard d’habitants et un PIB de 1,2 billions de dollars», projette-t-il, affirmant que cette initiative est une bonne chose au niveau des transactions quantifiables et viendrait fédérer toutes les structures existantes.
Le député RD-congolais insiste cependant sur les 3 piliers essentiels au succès du projet: la production en vue de résoudre et améliorer l’offre intérieure du continent. Ici, l’action en direction des PME et PMI est salvatrice: elles créent et augmentent les emplois sûrs. Cette action doit favoriser aussi l’accès de ces secteurs au financement qui leur fait cruellement défaut. Et pour faire complet, Bulambo préconise d’étendre l’action sur le tissus économique de base à la stimulation du travail des paysans pour en améliorer le rendement, créer une autosuffisance individuelle et collective et les amener à épargner les excédents.
En appui à ces agents économiques primaires, qui sont à la fois sous-traitants, fournisseurs et clients, viendront les pôles économiques, les corridors de développement et les projets intégrateurs -dont le redimensionnement est un préalable pour tirer par le haut les économies africaines. Parmi les projets intégrateurs aux effets multiplicateurs et d’entraînement, le député cite entre autres Grand Inga, le gaz méthane du lac Kivu, l’assèchement du lac Tchad en récréant les équilibres environnementaux et écologiaues sans pourtant chercher à altérer la structure naturelle du bassin du fleuve Congo et de la forêt Equatoriale, décrétés zones protégés et patrimoines de l’humanité. Pas besoin d’un dessin pour comprendre que l’intensité des échanges suscités aura des effets sur les ACP et l’Union européenne dans leur globalité.
Toutefois, l’auteur du texte fondateur de la zone africaine de libre échange attire l’attention de tous sur l’harmonisation indispensable des textes législatifs respectifs et appelle à éviter la recolonisation de l’Afrique dont les pays ne se seront pas organisés pour créer les conditions des échanges combinés.
Achille KADIMA MULAMBA
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