de l’exonération accordée de janvier à avril 2012, du reste, en violation du Code des douanes et du Code des accises
Deo Rugwiza ignore-t-il que l’application de la clause transitoire n’appelle aucune interprétation ni anticipation parce que tout est prévu dans le Code des douanes et le Code des accises? Le souci de prorogation de l’exonération du ciment gris est-il de la compétence du service mobilisateur des recettes qu’est la DGDA, contrainte d’appliquer les dispositions légales? D’autres mobiles ont-ils dicté l’application de l’exonération ou sa prorogation automatique? Une note de service d’un Directeur général a-t-elle désormais primauté sur la loi? Des questions fusent depuis que le scandale de la fraude due à la prorogation illimitée de l’exonération du ciment gris importé a éclaté.
Des soupçons de violation du Code des douanes et du Code des accises pèsent sur la direction générale de la DGDA. Ils se fondent sur l’étrange et longue prorogation observée après l’expiration, le 20 avril 2012, de l’exonération que le Directeur général de la DGDA Deo Rugwiza a accordée en date du 20 janvier 2012, qui permet aux importateurs bénéficiaires d’échapper à l’impôt et autres droits et taxes à l’importation.
Une enquête précédemment publiée dans ces colonnes constate que cette exonération accordée sur base des licences d’importation viole l’article 86 du Code des douanes qui conditionne l’octroi de la clause transitoire à l’exhibition du dernier titre de transport. Mais Rugwiza n’a visiblement pas tenu compte de cette disposition légale. Même après l’expiration de la clause transitoire, les importateurs ont continué à bénéficier de l’exonération y consécutive comme l’attestent les grilles disponibles dont les dernières datent de novembre 2015.
On constate aussi la prorogation automatique de cette exonération malgré les dispositions pertinentes de l’ordonnance-loi n°011/2012 du 21 septembre 2012, promulguée dans l’entretemps, instituant un nouveau tarif des droits et taxes d’importation.
Précisément son paragraphe 18 où il est stipulé: «A la date d’entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires instituant ou modifiant les mesures douanières ou fiscales, les marchandises qu’on justifie avoir été expédiées à destination du territoire douanier de la République Démocratique du Congo avant la date d’application de ces textes, sont admises au régime antérieur plus favorable lorsqu’elles sont déclarées pour la consommation sans avoir été placées en entrepôt ou constituées en dépôt. Les justifications doivent résulter de derniers titres de transport créés avant la date d’entrée en vigueur à destination directe ou exclusive d’une localité du territoire douanier de la République Démocratique du Congo. Les marchandises non déclarées dans les six mois qui suivent la date de publication ne pourront plus bénéficier de la clause transitoire».
Deo Rugwiza ignore-t-il que l’application de la clause transitoire n’appelle aucune interprétation ni anticipation parce que tout est prévu dans les deux lois précitées? Le souci de prorogation de l’exonération du ciment gris est-il du service mobilisateur des recettes qu’est la DGDA, contrainte d’appliquer les dispositions légales? D’autres mobiles ont-ils dicté l’application de l’exonération ou sa prorogation automatique?
AfricaNews a appris qu’à l’origine il y a eu une note technique de la Direction générale de la DGDA adressée à Matata Ponyo, alors ministre des Finances en 2011. Des investigations ont permis l’accès à ce document signé par la DGA Gabriel Mwepu pour le Directeur général «empêché». Il y est notamment écrit: «1. Dans le but de soutenir, d’une part, la construction des infrastructures et, d’autres part, l’habitat dans notre pays, le gouvernement avait décidé d’exonérer totalement le ciment gris à l’importation en ce qui concerne les droits de douane et ICA à l’importation. 2. En exécution de cette décision, les ministres des Finances et de l’Economie nationale ont signé, en date du 17 novembre 2008, l’Arrêté interministériel n°002/CAB/MIN/FINANCES/2008 et n°008/CAB/MIN-ECONATCOM/2008 portant dispositions particulières applicables à l’importation du ciment gris».
Puis: «3. Néanmoins, l’application effective de cet avantage est intervenue en 2009 après la signature de la Note n°DG/DD/DT/ADG/2009/013 du 14 janvier 2009 portant dispositions applicables à l’importation du ciment gris. 4. L’arrêté précité a fait l’objet de prorogations plusieurs fois dont la dernière en date est celle prévue par l’Arrêté ministériel n°0025/CAB/MIN/FINANCES/2011 du 15 juin 2011 du ministre des Finances portant dispositions particulières applicables à l’importation du ciment gris en République Démocratique du Congo qui est arrivé à échéance le 15 juillet 2011».
On constate au point 5: «Il convient de préciser que les prorogations successives de cet avantage sont justifiées par son impact réel sur l’approvisionnement en ciment du marché intérieur à un prix raisonnable suite à l’augmentation de la demande induite notamment par les cinq chantiers et le boom immobilier. La production intérieure est actuellement insuffisante pour combler le besoin total du marché».
On constate également au point 6: «La réinstauration des droits de douane et de l’ICA avant le 1er janvier 2012 ou la TVA à l’importation, à l’intérieur ainsi que sur les différents services après cette date peut donc entrainer une augmentation sensible du prix du ciment et, par ricochet, une pénurie par l’effet possible de la diminution des importations».
Puis, au point 8: «Par ailleurs, il a été constaté que plusieurs opérateurs économiques ont passé des commandes fermes auprès de leurs fournisseurs en prenant en compte le fait que le ciment était admis à un régime de faveur». Une question s’impose à ce stade: comment les services de la DGDA ont su qu’il ya des sociétés qui avaient passé des commandes fermes et ainsi suggérer une violation intentionnelle des dispositions légales au point de porter préjudice au Trésor? Une deuxième question fuse: l’auteur de la Note technique ne savait-il pas que ces suggestions et leurs conséquences devaient finir par handicaper les sociétés locales comme CILU et CINAT qui, elles, ont continué et continuent d’importer les intrants en régime commun, c’est-à-dire sans exonération et, donc, à payer les impôts et les taxes?
Alors que la Note technique affirme que l’arrêté ministériel n°0025/CAB/MIN/FINANCES du 15 janvier du ministre des Finances Matata Ponyo est arrivé à échéance le 15 juillet 2011, on constate que la Direction générale de la DGDA a fermé les yeux sur la prorogation de l’exonération malgré l’expiration de sa propre clause transitoire de trois mois, le 20 avril 2012. On constate aussi qu’il n’y a plus jamais eu un autre arrêté du ministre des Finances instruisant une nouvelle prorogation. Une note de service d’un Directeur général a-t-elle désormais primauté sur la loi? A qui la faute? On présume que la maffia se porte bien. Doit-on également présumer qu’elle a des ramifications jusqu’au ministère des Finances? Mais où sont donc passé les institutions compétentes pour contrôler le gouvernement, les entreprises publiques et les services publics de l’Etat?
On remarque que la Note technique de la DGDA a piégé l’ancien ministre des Finances.
Un confrère paru le 10 décembre a tenté de soutenir que les codes 920 et 921 étaient retirés en 2013 mais n’a pas poussé loin son exercice arithmétique pour s’apercevoir que 2012 et 2013, ça fait 2 ans, période qui ne couvre pas la clause transitoire alors que le ciment gris a continué à être importé en exonération pendant tout ce temps et cette situation a favorisé une concurrence déloyale: le prix de revient du ciment gris produit sur place ne pouvait ni ne peut concurrencer le prix de vente du ciment gris importé. Et dire que l’un des objectifs de la douane est de protéger l’industrie locale.
AKM