Le Premier ministre Matata Ponyo, le ministre des Transports et Voies de communication Justin Kalumba et la ministre du Portefeuille Louise Munga interpellés alors que la nouvelle compagnie aérienne commence à piquer du nez seulement quelques mois après son lancement
De gros nuages sombres s’amoncèlent présentement dans le ciel. Le climat est à l’orage qui risque d’éclater à tout moment. L’espace aérien de la RD-Congo est en proie à de violentes perturbations à même de compromettre durablement son exploitation dans des conditions optimales de sécurité et de sûreté.
Lorsque la chaîne onusienne Radio Okapi a balancé sur ses antennes l’information relative au maintien au sol, depuis plus de deux mois à l’aéroport international de N’Djili, du court-courrier Bombardier Q400 «Kimpa Vita» et de la suppression d’emplois en cours au sein de la compagnie aérienne d’économie mixte Congo Airways, beaucoup de gens n’ont pas voulu accepter cette évidence. Pour le commun des mortels, il est inconcevable qu’un transporteur aérien porté pourtant à bout de bras par tout le gouvernement Matata à grand renfort de battage médiatique, puisse en si peu de temps commencer à piquer du nez au risque de…
La compagnie aérienne tant vantée avec «ses avions pimpant neufs et de nouvelle génération», ne peut pas, en moins quelques mois d’exploitation, se retrouver dans le creux de cette grosse vague. Créée dans le but de servir de substitution ou sur les cendres de la première compagnie aérienne nationale LAC-Sarl, Congo Airways peine à trouver ses marques au point de continuer à faire regretter à tous les RD-Congolaises et RD-Congolais l’absence prolongée du «Léopard volant» de l’espace aérien national.
Si une importante frange de l’opinion semble sidérée devant cette triste réalité, dans les milieux de la profession aéronautique, les experts ne semblent nullement surpris de la descente imminente aux enfers de Congo Airways si l’on n’y prend garde. AfricaNews, dans ses éditions antérieures, a offert ses colonnes aux cracks de l’aviation civile qui ont plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme sur les conditions nébuleuses de la création et de l’acquisition des aéronefs de cette compagnie.
Déficit chronique sur une période de cinq ans
Comme les autorités RD-congolaises ont la fâcheuse manie de négliger les compétences nationales, d’importants décaissements de fonds ont été opérés pour commander des études de faisabilité en Occident en rapport avec la création d’une nouvelle compagnie aérienne en RD-Congo. Et pourtant, plusieurs compagnies aériennes nationales de la sous-région de l’Afrique centrale et au-delà doivent leur existence au travail intellectuel des experts Rd-congolais encore en vie et dont les compétences sont souvent sollicitées à l’extérieur du pays qu’en RD-Congo.
Pour revenir aux conclusions des études menées par Air France Consult sur la création de Congo Airways, elles indiquent un déficit chronique sur une période de cinq ans considérée par les experts. Ces derniers se sont gardés de parler de la suite.
La bonne gouvernance en pareil cas aurait dû retenir l’attention particulière des décideurs avant de se lancer dans une aventure sans issue. Hélas, comme il s’agissait d’une course contre la montre, les surdoués ont cru que le montage d’une compagnie aérienne était aussi aisé que celui d’un transporteur de surface à l’image de Transco sur les cendres de Stuc et Citytrain. Aujourd’hui, les travailleurs de ces deux sociétés ne cessent de battre le pavé devant la primature et d’autres ministères de tutelle pour réclamer leurs droits socioéconomiques bafoués au grand jour par les gestionnaires de la res publica.
Des entreprises du Portefeuille de l’Etat mises à contribution
Des entreprises du Portefeuille de l’Etat ont été mises à contribution pour dégager les fonds nécessaires à la constitution du capital social de Congo Airways. Jusqu’à ce jour, ces apporteurs de capitaux frais dont certains ont des budgets déficitaires, se trouvent sous la menace de leurs travailleurs.
Les études effectuées par les constructeurs Boeing et Airbus, à la demande de l’actuel ministre des Transports et Voies de Communication Justin Kalumba Mwana Ngongo, avaient déjà démontré la non-rentabilité économique pendant de longues années de ce projet de création d’une nouvelle compagnie aérienne.
Bien au contraire, ces études et bien d’autres encore, ont toujours proposé au gouvernement de la République de relancer plutôt la compagnie aérienne nationale existante qui dispose de beaucoup d’atouts tant matériels qu’immatériels pouvant être mobilisés rapidement avec des moyens relativement modestes. Ces fonds ne dépassent même pas les 25 millions de dollars Us, montant que les surdoués prétendent avoir dépensé pour l’achat d’un Airbus A320.
L’opinion se souviendra qu’à la réception des aéronefs composant la flotte de Congo Airways, des voix se sont élevées pour fustiger le passage en force de certains membres du gouvernement, foulant aux pieds les dispositions pertinentes de l’Arrêté ministériel n° 113F/CAB/MIN/TVC/2011 du 12 novembre 2012 règlementant les conditions d’importation des aéronefs et des produits aéronautiques en RD-Congo, dans sa section 2 relative aux conditions techniques.
Respect des inspections structurales prescrites par le constructeur
L’article 5 de cet Arrêté décline les conditions obligatoires à remplir par un aéronef ou produit aéronautique avant toute importation.
En voici le libellé:
Présenter un état technique satisfaisant, confirmé à la suite d’un contrôle effectué par les inspecteurs de navigabilité au pays où se trouve basé l’aéronef;
Etre certifié suivant les normes internationales prévues pour le transport international aérien civil;
Avoir subi une inspection majeure pour la cellule, le moteur et éventuellement pour les hélices dans un atelier agréé;
Avoir ses sous-ensembles suffisants en heures, cycles et en temps calendaires;
Disposer de la documentation technique et administrative, rédigée en français et en anglais;
Avoir été fabriqué depuis 15 ans au maximum.
A la lumière de l’ AOG -Aircraft on ground- du Q400 Bombardier «Kimpa Vita» cloué au sol depuis plusieurs semaines déjà, la grande question que l’opinion continue de se poser est celle de savoir si tous les aéronefs de Congo Airways ont effectivement subi toutes ces inspections structurales prescrites par le constructeur de manière à disposer des potentiels résiduels importants en conformité avec la loi et dans l’intérêt majeur de ce transporteur.
Péril en la demeure avec la suppression massive d’emplois
Dans les couloirs de l’Autorité de l’aviation civile, structure appelée à faire respecter les normes aéronautiques, des plaintes fusent sur les interférences des politiques qui, pour des raisons difficilement défendables, continuent de se montrer réfractaires aux instructions pertinentes en matière de respect des normes aéronautiques.
L’empiètement de certains membres du gouvernement qui se substituent en gestionnaires bis des entreprises de l’Etat, est à la base des dégâts incommensurables. Evidemment, en cas de crash, ce sont ces mandataires transformés en fusibles qui paient les frais.
La situation qui prévaut à Congo Airways est plus alarmante qu’elle ne paraît. S’il est vrai qu’aucun aéronef n’est à l’abri d’un incident ou d’un accident, il est aussi vrai que certaines pannes sont évitables si l’avion bénéficie d’une bonne prise en charge en conformité avec les exigences du constructeur. Lorsque les dirigeants de cette entreprise qui se trouve encore au stade des balbutiements, en arrivent à des mesures extrêmes de suppression massive d’emplois, c’est qu’il y a péril en la demeure.
Tous les géniteurs et exécutants doivent rendre comptes
Inaptitude des uns à la formation, recrutements fantaisistes d’autres, prédominance des candidats issus des territoires de Kasongo, de Kabambare ne répondant pas à la règlementation, etc. Ca va dans tous les sens.
La réalité objective apparaît aujourd’hui. Elle est inéluctable car, d’une part, ce projet n’a pas pu compenser plus de 1.500 emplois mis en veilleuse dans l’opération téméraire et non réussie de dissolution et liquidation illégales de LAC-Sarl. Et d’autre part, en plus d’une trentaine d’agents congédiés, Congo Airways vise à ramener ses effectifs de 400 à 250, si pas moins.
Avec cette politique de dégraissage du personnel de Congo Airways pour des raisons de rentabilité économique, à moins de deux ans de son existence, le gouvernement Matata a-t-il résorbé le chômage ou l’a-t-il exacerbé ? La création de 400 emplois comparée à la suppression de plus de 1.600 autres équivaut à autre chose qu’à des pratiques de la bonne gouvernance.
Sous d’autres cieux, tous les géniteurs et exécutants de ce projet devraient rendre comptes, car la Nation a décaissé beaucoup d’argent dans ce projet. Au moment où tous les espoirs placés en ce projet sont transformés en chaleur et en fumée, ce dossier s’invite de soi-même sur la table du Conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Maintien hypothétique de la transfusion financière
Ceci n’est un secret pour personne, le gouvernement Matata est au crépuscule de son mandat. Les opérateurs politiques RD-congolais qui ne se retrouvent jamais autour du tapis vert sans conclure par le partage du gâteau, ont déjà annoncé les couleurs dans les coulisses de la Cité de l’Union africaine. Le prochain gouvernement va-t-il maintenir la politique de transfusion financière administrée mensuellement à Congo Airways pour soutenir son fonctionnement ?
La rentrée parlementaire est prévue ce jeudi 15 septembre 2016. L’opinion attend de voir les députés à l’œuvre dans des dossiers aussi croustillants que ceux de Congo Airways et de Lignes aériennes congolaises. Cette dernière s’invite au débat du fait de sa dissolution et sa liquidation illégales qui n’ont pas pu se concrétiser devant les décisions de justice et du combat citoyen mené par ses agents et cadres.
Depuis lundi 12 septembre 2016 a expiré le mandat hautement négatif et dramatique de douze mois renouvelable une fois confié au comité de liquidation mis en place en violation de la loi. Les membres du gouvernement qui se disent hommes et femmes d’Etat, vont-ils persister dans la voie de la suppression de plus de 1.600 emplois des Rd-Congolaises et Rd-Congolais éparpillés dans toutes les provinces du pays au moment où le transporteur aérien de substitution sur qui ils fondaient tous leurs espoirs, a du plomb dans les ailes jusqu’à lâcher du lest ?
Le gouvernement appelé à s’assumer
Les experts en aéronautique tant de l’AAC que d’autres compagnies aériennes battant pavillon congolais, les exploitants étrangers estiment que le moment est venu pour le gouvernement de la Rd-Congo de s’assumer et de revenir sur les multiples recommandations formulées par les études objectives antérieures sans omettre les résolutions des Concertations nationales, les recommandations du Sénat en faveur de la réhabilitation, la modernisation et la relance de LAC-Sarl.
Les cerveaux abondent ainsi que les plans musclés de relance.
Le tout est fonction de la mise sur pied d’un management crédible, responsable et avisé doublé d’une volonté politique réelle des institutions de la République. La survie de Congo Airways est étroitement liée à la remise à flots de LAC-Sarl. La République Sud-africaine vient d’annoncer son soutien de 309 millions de dollars Us en faveur de South African Airways… Suivez mon regard.
Tino MABADA

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