Alors qu’entre temps, les preuves et autres traces, techniquement incontestables, sont susceptibles de disparaître au fil des jours, le public commence à interroger pourquoi tarde la mise en place de la Commission d’enquête indépendante comprenant la RD-Congo, la MONUSCO, la France, la Belgique, les États-Unis d’Amérique, l’Afrique du Sud, la Grande-Bretagne et le Canada…
A Kinshasa, la commission annoncée par le gouvernement pour enquêter sur l’assassinat du député et opposant Chérubin Okende tarde à être constituée. Mais huit jours après, le public est préoccupé non seulement par la suite de cette affaire mais et aussi par les garanties pour l’indépendance des enquêteurs au regard, d’une part, du comportement des responsables de la Justice et, d’autre part, du contexte politique caractérisé par la fièvre électorale. L’impatience s’installe. Des questions fusent. Comme celle de savoir pourquoi la Commission d’enquête indépendante, comprenant la RD-Congo, la MONUSCO, la France, la Belgique, les États-Unis d’Amérique, l’Afrique du Sud, la Grande-Bretagne et le Canada, tarde-t-elle à voir le jour, parce qu’entre temps, les preuves et autres traces, techniquement incontestables, disparaissent au fil des jours! Le jeudi 13 juillet, tôt matin, au moment de la découverte du corps criblé de balles du député national Chérubin Okende, les empreintes digitales, au volant, de la personne qui avait conduit le véhicule du défunt, risquent de disparaître après un temps!
Selon les experts, les téléphones du défunt, après son enlèvement, à la Cour constitutionnelle, ont tous été fermés. Qui les avait fermés et les détenait? De la Cour constitutionnelle au lieu où le véhicule et les téléphones ont été retrouvés, quel itinéraire ces objets ont-ils suivi? Il faut qu’on mette à l’épreuve les nouvelles technologies en la matière, mais à temps! Des inquiétudes sont également soulevés quant aux assurances d’une enquête réellement indépendante. «Des garanties doivent être données quant à l’indépendance des enquêteurs, la rapidité et l’exhaustivité des enquêtes, ainsi que la transparence, qui inclut la communication sur l’évolution des enquêtes et la publication des résultats finaux. Enfin, les autorités doivent veiller à ce que les auteurs et les commanditaires éventuels soient traduits devant la justice et jugés par un tribunal civil de manière équitable, et que la famille du défunt ait pleinement accès à la vérité et aux réparations», a recommandé Jean Mobert Senga, chercheur à Amnesty International, relayé jeudi par le confrère «actualite.cd».
Au conditionnel? Les graves dénégations du PG Cassation
Le Procureur général près la Cour de cassation se montre très actif alors que l’enquête préliminaire voulue pluridisciplinaire a déjà été confiée au Parquet de grande instance de Kinshasa-Gombe, ont déploré des observateurs. Mercredi 19 juillet, Firmin Mvonde s’est illustré par des contradictions graves, en reniant ses propres propos du mercredi 13 juillet sur la cause de la mort du député national. «Si vous regardez le film, je n’ai jamais été affirmatif. J’avais dit et je le redis aujourd’hui: ‘Monsieur Chérubin Okende avait été trouvé dans son véhicule, le moteur encore en marche, la climatisation allumée, la ceinture de sécurité en place sur son corps, avec une arme à côté de lui, avec une balle qui lui avait traversé le corps, la mort est venue par balle», a-t-il dit, nuançant ses précédentes affirmations, jurant qu’il avait parlé au conditionnel, disant qu’il faut attendre l’autopsie pour déterminer la cause et les circonstances de la mort de Chérubin Okende et confirmant que le principal suspect reste le garde du corps, présentement entre les mains de la Justice.
Mais la révision de la vidéo du 13 juillet ne donne pas raison à Monsieur le Procureur général Mvonde, elle confirme qu’il a été affirmatif. «La Police, naturellement scientifique, a été requise, étant donné que la mort a été donnée par balle, avec une arme à côté. Présentement, le corps se trouve à la morgue du cinquantenaire. J’ai dit tout à l’heure que les investigations ont commencé. Les premiers éléments révèlent que la mort est survenue par balle…», avait-il déclaré, sans prendre les précautions de recourir au conditionnel.
Tollé sur Twitter où l’avocat Hervé Diakiese a émis de sérieux réserves en ces termes: «Donc le garde du corps tue son patron, en abandonnant l’arme dans le véhicule, rentre à la maison, repart le soir à la Cour constitutionnelle vérifier si son patron -qu’il aurait tué- y était revenu, reste tranquillement sur place pour qu’on vienne l’arrêter. Élémentaire, Watson».
Halte à la spéculation, insiste Ensemble
«Le dossier devient de plus en plus suspect pour les autorités judiciaires du pays! Ces contradictions du PG/Cassation ajoutées à l’étrange silence du président de la Cour Constitutionnelle, éclaboussé par Christian Mwando et mis au défi de brandir les preuves de transmission de la correspondance destinée à l’ancien Min’Etat, rendent illisible l’évolution de l’enquête», a commenté un avocat sous le sceau de l’anonymat. De son côté, Ensemble pour la République, le parti de Chérubin Okende, a jugé douteux le schéma du Procureur général près la Cour de cassation, l’invitant à arrêter de spéculer. En conférence de presse jeudi 20 juillet, via son Secrétaire général Dieudonné Bolengetenge, Ensemble pour la République a rappelé à l’ordre le PG Cassation. «A ce stade, la loi dit que l’instruction est secrète. Personne n’a le droit de spéculer. Tenons-nous à attendre les conclusions d’une commission d’enquête internationale impartiale. Surtout que le Président de la République a déclaré que c’est la justice qui détruit notre nation», a exhorté Bolengetenge.
«Il est tout à fait troublant que le maître de l’action publique en personne, ici le Procureur général près la Cour de cassation, annonce une conclusion selon laquelle l’honorable Chérubin est mort par balles, sans autopsie et sans enquête sérieuse. Comment peut-on violer de manière aussi éhontée le sacro-saint principe du secret de l’instruction», s’est indigné le Secrétaire général d’Ensemble pour la République, condamnant en même temps la sortie des membres du gouvernement au sujet de cet assassinat.
«Beaucoup de ministres ont quitté le gouvernement. Pourquoi c’est seulement Chérubin Okende qui a été invité à justifier son patrimoine?», a-t-il également questionné, faisant peser des soupçons sur la justice, notamment la Cour constitutionnelle. Surtout qu’une Note confidentielle évoquée par Jeune Afrique, signée de la main du juge constitutionnel Sylvain Lumu le 13 juillet, le jour de la découverte des restes de Chérubin Okende, donne à réfléchir et tend à confirmer que seul Okende était dans les viseurs de la Cour constitutionnelle. «En l’espèce, faute d’adresse précise et d’un numéro de téléphone pouvant permettre à mes services de courrier d’atteindre Madame Véronique Kilumba Nkulu, seul Monsieur Chérubin Okende Senga a reçu l’invitation le 12 juillet 2023 en fin d’avant-midi à travers son collaborateur en la personne de Monsieur Nico Kabunda (…), et a accusé réception en sollicitant un report pour le vendredi 14 juillet 2023 par sa correspondance déposée le même jour à 16 h 02’par le même collaborateur», a relaté le juge Lumu.
Difficile d’admettre que la plus haute juridiction du pays puisse incroyablement arriver à manquer l’adresse et le numéro de téléphone d’une personnalité qui venait à peine de quitter le gouvernement de la République.