L’ONG Justicia ASBL dénonce une affaire politiquement motivée quand Maitre Hervé Diakiese, porte-parole du CLC, s’étonne de vivre, pour la première fois dans l’histoire de la procédure pénale, une conférence de presse des OPJ pour rendre publiques des qualifications pénales alors que le ministère public ne s’est pas prononcé…
Salomon Idi Kalonda, conseiller spécial et plus proche collaborateur de Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle de décembre, a été inculpé lundi 5 juin, soit une semaine après son «enlèvement crapuleux» par les agents des renseignements militaires au tarmac de l’Aéroport international de N’Djili, pour «incitation des militaires à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline, atteinte à la sûreté de l’Etat et détention illégale d’armes».
Au cours d’une conférence de presse organisée à Kinshasa, le porte-parole de l’armée a étalé sa liste de griefs retenus contre le spécial de Katumbi, suscitant une vive polémique.
Depuis, le camp Katumbi multiplie des sorties médiatiques pour dénoncer ce «montage grossier». Député national et haut cadre du parti Ensemble pour la République, Christian Mwando a le sentiment que le dossier collé à Salomon Kalonda ressemble à une «mauvaise copie de l’affaire des mercenaires» sous le régime Kabila.
«Le dosier est vide et tout se fait dans la confusion. Comme on sait que le peuple RD-congolais est très remonté contre le Rwanda à cause de l’agression, il faut maintenant jeter Ensemble en pâture auprès du peuple RD-congolais et, même temps, faire peser une épée de Damoclès sur le président d’Ensemble, Moïse Katumbi, qui serait le Katangais pour lequel on voudrait faire le putsch. C’est une honte pour la République», a-t-il déclaré mardi devant la presse, suscitant une vive polémique.
En 2006, les services avaient sorti de nulle part une affaire similaire contre le candidat à la présidentielle Oscar Kashala, accusé d’avoir enrôlé 32 mercenaires pour renverser Joseph Kabila, candidat à sa propre succession. Neuf ans plus tard, les services sont revenus à la charge contre Moïse Katumbi, lancée dans la course à la présidentielle, poussant le Parquet à l’inculper pour recrutement de 600 mercenaires. Les coups s’étaient avérés de vrais bidons!
Comme Christian Mwando, Maitre Diakesse, avocat et membre du Comité laïc de coordination, a laissé éclater son indignation, s’étonnant de vivre pour la «première fois dans l’histoire de la procédure pénale» une conférence de presse des OPJ pour rendre publiques «des qualifications pénales, alors qu’à ce stade, le ministère public ne s’est pas encore prononcé».
Tortures morales et physiques
Justicia ASBL, une organisation de promotion et de protection des droits humains et du droit humanitaire basée en RD-Congo, n’a pas caché sa préoccupation face à ce qu’elle a qualifié des «manœuvres mises en scène par les services de renseignement militaire pour justifier l’enlèvement ainsi que la détention arbitraire de Salomon Idi Kalonda».
Selon les informations rapportées par cette ASBL, l’audition de Salomon Kalonda qui a «subi des tortures morales et physiques», trois jours après son arrestation par une commission mixte composée de l’Agence nationale des renseignements -ANR-, du Conseil national de sécurité -CNS- et l’Etat-major du renseignement, aurait plutôt porté sur les «évènements malheureux survenus à Kindu le jour de son enrôlement et de son implication supposée dans la guerre d’agression que le Rwanda impose à la RD-Congo». Sans user de gants, Justicia ASBL a dénoncé une détention à la fois «illégale» et «arbitraire», sans «soubassement judiciaire» mais politiquement motivée.
L’ABSL soupçonne, derrière l’affaire Kalonda, une intention du pouvoir de «museler l’Opposition politique qui réclame à l’instar de la Société civile RD-congolaise, la tenue des élections réglementaires démocratiques, inclusives, libres et transparentes prévues pour le mois décembre 2023». Des «stratégies» qui pourraient s’étendre, selon Justicia ASBL, sous couvert de «n’importe quel alibi» à d’autres acteurs politiques majeurs, à des militants des droits humains, à des membres des mouvements citoyens ainsi qu’à des journalistes. Des «méthodes d’autres fois» que Justicia ASBL a dénoncé avec la dernière énergie, invitant la population RD-congolaise «à se lever comme un seul homme pour lutter contre les injustices sociales et les violations des droits humains».
«La RD-Congo a souscrit aux engagements internationaux contenus dans la Constitution et des lois spécifiques qui garantissent l’exercice et la jouissance des libertés publiques et pacifiques auxquelles elle doit se conformer», a rappelé Maitre Timothée Mbuya, président de Justicia ASBL.
Pour cette ASBL, le Président Tshisekedi, dans ses obligations constitutionnelles de «garantir indistinctement à tous les citoyens RD-congolais la jouissance paisible de leur droit», doit «ordonner à l’Etat-major du renseignement de libérer Salomon Idi Kalonda et de faire cesser les poursuites judiciaires politiquement motivées contre des opposants politiques, militants des droits de l’homme, des journalistes ainsi que des activistes pro-démocratie». En même temps, Justicia ASBL appelle l’Opposition à jouer son rôle de contrepoids politique afin de «tout mettre en œuvre de manière pacifique pour empêcher la prise en otage de la démocratie par une certaine classe politique dirigeante». Par ailleurs, Justicia ASBL n’exclut pas l’usage des mécanismes internationaux dans le but d’obtenir des «sanctions individuelles contre les auteurs des violations des droits humains constatées depuis une période donnée en RD-Congo».
Natine K.