L’objectif est d’affaiblir Moïse Katumbi, a expliqué l’opposant et frère aîné de SK Della, Moïse Moni Della, alertant que les éléments trouvés dans les installations de la Demiap ont refusé à ce dernier le droit d’accéder à la nourriture et aux produits pharmaceutiques lui apportés…
Scène ubuesque mardi 30 mai au tarmac de l’Aéroport international de N’djili à Kinshasa où Salomon Kalonda, conseiller spécial et Haut-représentant de Moïse Katumbi dans la région du Kivu, a été violemment interpellé et acheminé dans un pick-up de couleur blanche par un groupe de gens dont certains en uniformes de l’Armée.
Les vidéos montrant cet «enlèvement» sont vite devenues virales, non sans rappeler les vieilles méthodes. Les faits se sont produits au moment où Salomon Kalonda s’apprêtait à embarquer dans le jet privé de Moïse Katumbi à destination de Lubumbashi.
«C’est aux pieds de l’avion que des personnes non identifiées sont arrivées et l’ont embarqué, devant une assistance médusée», a relaté Moïse Moni Della, frère ainé de Salomon Kalonda, qui dénonce «des pratiques d’un autre âge».
Aux dernières nouvelles, le bras droit de Katumbi est détenu par les renseignements militaires connus comme «Détection militaire des activités anti-patrie -DEMIAP». A en croire Moïse Moni Della, Salomon Kalonda est privé de ses droits les plus élémentaires. «Les éléments trouvés sur place lui ont refusé le droit d’accéder à sa nourriture et ses produits pharmaceutiques que je lui ai apportés», a dénoncé celui qui est également président du parti politique Conservateurs de la nature et démocrates -CONADE.
Spéculations autour du motif de l’interpellation
Les rumeurs vont bon train quant à la cause de l’arrestation de Kalonda. Première thèse: le port illégal d’armes. Parmi les défenseurs de cette thèse, le président de l’Assemblée nationale s’en serait allé d’un commentaire. «Nous sommes dans un Etat de droit où il y a une loi que tout citoyen doit respecter. Même dans la forêt, la discipline existe. Comment dans un pays normal, un civil peut avoir une arme à feu sur lui à l’aéroport?», se serait interrogé Christophe Mboso, à en croire un tweet d’un journaliste habitué aux sales boulots, récemment chassé de la Cellule de communication de la Présidence de la République. Vrais ou faux, ces propos attribués au speaker de l’Assemblée nationale? Il s’agit d’un argument au ras des pâquerettes selon l’entourage de Katumbi.
«Ils ne sont pas sérieux. Salomon Kalonda ne détient aucune arme et encore moins à feu. Il ne pouvait donc détenir aucune arme sur lui ce mardi. Au moment de son enlèvement, il avait déjà franchi le portique de détection. Il n’y a donc rien qui pourrait justifier son arrestation sur base de cette histoire montée de toutes pièces», a dénoncé un cadre d’Ensemble qui rappelle que Kalonda a séjourné à Kinshasa durant plus de deux semaines sans être inquiété.
Comme lui, l’opinion est restée dubitative face à cette évocation. «Donc Mboso était au courant que Salomon Kalonda avait une arme?», s’est interrogée la journaliste Paulette Kimuntu dans un ton ironique.
Le régime «précipité du mauvais côté de l’histoire»
L’autre thèse avancée par des pro-pouvoir soutient que Kalonda serait détenteur de la nationalité belge et a donc été interpellé pour «usurpation de nationalité» après avoir obtenu récemment sa carte d’électeur. Là encore, la pilule ne passe pas d’autant plus que Kalonda a obtenu son dernier passeport en 2019 «avec la bénédiction du régime».
Dans les deux cas, plusieurs acteurs sont d’avis que cette arrestation a pour seul but d’affaiblir Katumbi. C’est le cas du député national Claudel André Lubaya qui, dans un tweet, a condamné un «acte d’une méprisable lâcheté qui renvoie une sombre image du pays et discrédite davantage ses institutions». Pour l’élu de Kananga, l’interpellation «brutale» du collaborateur de Katumbi a pour but «d’atteindre ce dernier».
Lubaya est convaincu que le pouvoir de Tshisekedi se retrouve «à la bifurcation entre le progrès et le recul», avec une Union dite «sacrée» qui semble avoir choisi un raccourci vers le «mauvais côté de l’histoire», c’est-à-dire «imposer la terreur, restreindre les libertés publiques, polluer la vie politique et exacerber les tensions». Pour cet ancien gouverneur du Kasaï occidental, la voie adoptée par la famille politique de Tshisekedi est «exécrable et extrêmement périlleuse pour tous».
Dans l’opposition, personne ne semble disposée à avaler ces couleuvres alors que des médias avaient alerté le week-end dernier sur l’existence d’un plan pour arrêter Salomon Kalonda, Olivier Kamitatu, Don Pierrot Sadiki, Prince Epenge, Lexxus Legal Dende et Franklin Tshiamala, tous hommes de main des 4 leaders de l’Opposition qui dérangent les plans de Tshisekedi de rempiler au Palais de la nation.
A l’unisson, les 4 signataires de la déclaration de Lubumbashi ont tonné face à ce nouveau «pas en arrière dans la marche vers la démocratie». Sans aller par quatre chemins, Matata Ponyo a regretté «la mort de la démocratie», protestant immédiatement contre la «dictature». Comme lui, Delly Sesanga a condamné une «pratique propre aux dictatures» avec pour objectif de «réduire au silence» les opposants.
«L’arrestation brutale et illégale de Salomon Kalonda est une illustration de plus de la dérive dictatoriale en cours en RDC. Le rétrécissement des libertés publiques et l’arbitraire ramènent notre pays en arrière. Nous assistons aux signes avant-coureur d’un régime sur la fin», a fustigé pour sa part Martin Fayulu.
Finalement parti pour Lubumbashi sans son spécial, Katumbi s’est également fendu d’un tweet face à un «enlèvement crapuleux», sans «aucune base juridique». Pour le chairman d’Ensemble, c’est clairement la «fin de l’Etat de droit».
Dans un communiqué publié le même mardi, Ensemble pour la République a «dénoncé avec la dernière énergie l’enlèvement crapuleux de Salomon Kalonda» et rappelé que «les citoyens ont des droits que personne n’est autorisée à bafouer». Le parti de Katumbi a remarqué que plusieurs «actes de vexations et de violences» sont dirigés contre lui depuis quelques mois «sans aucune justification légale», dénotant ainsi «la mauvaise foi des autorités en place».
Ensemble pour la République a également noté que la situation de la RD-Congo va à vau-l’eau «en raison d’une gouvernance chaotique des affaires publiques caractérisée notamment par des appétits de jouissance des dirigeants, la corruption et l’impunité généralisées».
La Société civile a également fustigé l’arrestation «arbitraire» de Kalonda. «Je condamne les circonstances de l’arrestation de M. Salomon Kalonda Della, proche collaborateur de Moïse Katumbi, à l’aéroport de Ndjili à Kinshasa, car ayant porté atteinte à l’article 17 de la Constitution. J’exige sa libération et une enquête judiciaire crédible», a tonné Georges Kapiamba d’ACAJ.
Pour Justicia Asbl, l’enlèvement d’un opposant politique majeur pendant que le pays se prépare à aller aux élections générales est une entorse à l’inclusivité et à la transparence du scrutin à venir. «Ce durcissement de ton par le pouvoir, la pratique des méthodes dictatoriales pour museler l’opposition politique ainsi que la restriction des libertés publiques comme le droit des manifestations publiques et pacifiques, sont autant des signes qui prouvent que le gouvernement RD-congolais attend faire un passage en force et présage des stratagèmes politiques pour organiser des élections chaotiques et bâclées», a relevé Justicia Asbl, alors que la situation politique en RD-Congo va de charybde en scylla.
Sur les réseaux sociaux, des internautes se sont amusés à exhumer les tweets du Président Félix Tshisekedi quand il cassait du sucre sur le dos de Kabila. «C’est du déjà vu cette histoire des armes, on prend les mêmes et on recommence», a écrit un internaute avec, en illustration, un tweet du Président Tshisekedi du 12 mai 2017: «La Kabilie s’apprête à placer des armes au siège de l’Udps pour faire le lien avec la milice ‘Kamwena Nsapu’! Honte à ce régime aux abois». Un autre a préféré exhumé un tweet du 10 novembre 2017 dans lequel Félix Tshisekedi condamnait une arrestation aux méthodes apparentées à celle de Kalonda: «L’arbitraire se porte bien sous la Kabilie. L’honorable Gérard Mulumba (Gécoco) est détenu en ce moment dans un cachot de l’aéroport de Ndjili, par des éléments de la GR, garde républicaine et rapprochée du dictateur. Il s’y était rendu pour obtenir la libération d’un ami arrêté».
Natine K.