Les Evêques catholiques sont parvenus à s’entretenir avec Edem Kodjo, la Majorité présidentielle ainsi que l’Opposition politique dans sa diversité en vue de trouver un terrain d’entente sur la tenue du dialogue politique national et inclusif en RD-Congo et épargner au pays un bain de sang
L’Eglise catholique aurait-elle pris l’option de se placer au milieu du village en rapport avec la tenue du dialogue politique en RD-Congo? La démarche entreprise par la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO- laisse entrevoir que les choses vont dans le sens de converger les vues des parties en présence. Depuis deux jours, à partir du mercredi 10 août, la CENCO, dirigée par Mgr Marcel Utembi avec l’aide du Secrétaire général, l’abbé Santedi, a entamé les consultations avec toutes les parties impliquées dans la tenue du dialogue politique en RD-Congo. Après avoir reçu le facilitateur Edem Kodjo et le G7 mercredi, elle a poursuivi les consultations avec la Majorité présidentielle -MP, la Dynamique de l’Opposition ainsi que l’UDPS et alliés.
Si la délégation de la MP, conduite par le sénateur She Okitundu, exprime son désir de participer au dialogue sans poser des conditions, le Rassemblement de l’Opposition campe sur sa position. Il réclame le départ de Kodjo, la libération des prisonniers politiques et d’opinion ainsi que le respect de la Constitution et se dit prêt à participer au dialogue selon l’esprit et la lettre de la Résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU. She Okitundu, Mokonda Bonza, Freddy Matungulu et Lisanga Bonganga se sont respectivement confiés à la presse à l’issue de leurs entretiens avec la CENCO.
L’organisation du dialogue politique national et inclusif en RD-Congo, l’Eglise catholique prend les choses en main. A l’invitation de la Conférence épiscopale du Congo -CENCO-, les parties impliquées dans l’organisation et la participation à ce forum national ont été reçues au Centre interdiocésain à Kinshasa Gombe.
Le tout commence le mercredi lorsque le Nonce apostolique rend visite à Edem Kodjo dans la matinée. Après leur entretien, l’ancien Premier ministre togolais est reçu le premier par Mgr Marcel Utembi, président de la CENCO, et son staff. Leur causerie tourne autour du dialogue. Le même jour, le G7, plateforme affilié au Rassemblement de l’Opposition ayant déclaré la candidature de Moïse Katumbi à la présidentielle de 2016, est signalé au Centre interdiocésain.
Jeudi 11 août, la CENCO poursuit ses consultations avec les délégations de la Majorité présidentielle -MP- et de l’Opposition. Motif: trouver un terrain d’attente pour baliser le chemin à la tenue du dialogue.
Avant ces consultations, la CENCO avait déjà envoyé des messages de soutien au dialogue à la population de Kinshasa via les églises locales. C’est clair, l’Eglise catholique prend sa responsabilité sociale pour sauver le peuple RD-congolais du carnage. Cependant, il ressort des dires des personnes consultées la radicalisation de leurs anciennes positions politiques.
Pour le sénateur She Okitundu, chef de la délégation de la Majorité présidentielle, sa plate-forme est prête à participer au dialogue sans poser des conditions. Il affirme que plusieurs préalables posés par l’Opposition dont la libération des prisonniers politiques ont trouvé de réponse.
Il souligne également qu’actuellement, la liste des personnes à libérer est sur la table du Président de la République et sera examinée au cas par cas. Tout en rappelant que le Chef de l’Etat a déjà pris par le passé des mesures de grâce individuelles et collectives, She Okitundu laisse entendre que le dossier de libération des prisonniers relève de la compétence du ministère de la Justice.
Pour sa part, Florentin Mokonda Bonza, à la tête d’une délégation de la Nouvelle initiative pour le Congo, décide de participer au dialogue sans récuser Edem Kodjo. Il exhorte le Président Kabila à écouter la classe politique qui réclame la libération des prisonniers politiques et l’élargissement de l’espace politique et médiatique. «Nous n’étions pas partie prenante au dialogue, mais parce que la CENCO nous a invités, nous avons acceptés», affirme Mokonda Bonza.
A son tour, Freddy Matungulu Mbuyamu, modérateur de la Dynamique de l’Opposition, commence par remercier la CENCO pour l’initiative qu’elle a prise de consulter les parties en présence sur les questions brulantes de l’heure.
«C’est important en tant que pays pour que nous trouvions des solutions à toutes ces questions politiques pour avoir demain un pays démocratique économiquement fort», dit-il. La Dynamique s’inscrit dans la logique de travailler pour la mise en œuvre de la Résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU en vue de tenir un dialogue qui sera en conformité avec les exigences de la Constitution. «Nous avons relevé à l’attention de la CENCO notre refus de travailler avec Kodjo conformément à la position du Rassemblement donné par le président Tshisekedi le 31 juillet dernier», précise Freddy Matungulu.
Pour la Dynamique, le processus électoral est en panne et la responsabilité relève de Joseph Kabila qui n’a pas su gérer les institutions de la République de façon à amener le peuple aux élections crédibles. Selon Matungulu, la CENCO traduit le souhait de la Dynamique. «Ce que nous espérions c’est un cadre et des acteurs au niveau de la gestion du processus et nous sommes convaincus qu’avec l’initiative de la CENCO, les uns et les autres vont travailler pour que les conditions soient réunies en terme des structures que nous mettons en place et également en terme des acteurs qui gèrent le processus de telle sorte que la Constitution soit respectée», espère-t-il.
Enfin, la délégation de l’UDPS et alliés, dont fait partie le tout nouveau secrétaire général adjoint Félix Tshisekedi, s’est également entretenue avec la CENCO dans la soirée.
Jean-Pierre Lisanga Bonganga, porte-parole de cette délégation, tient à préciser que le fait que la CENCO ait reçu séparément le G7, la Dynamique de l’Opposition et l’UDPS et alliés ne veut pas dire qu’il y a division au sein du Rassemblement de l’Opposition. «Pour preuve, nous avons été reçus séparément G7, Dynamique et UDPS et alliés, nous avons donné les mêmes points de vue», se félicite-t-il. Et d’ajouter: «nous sommes venus répondre à l’invitation de la CENCO parce que nous lui faisons confiance. Si d’autres personnes nous appelaient, nous n’allions pas venir». Allusion à Edem Kodjo. Pour ce groupe, l’Eglise catholique doit s’impliquer dans la facilitation comme il y a déjà le Groupe de soutien afin que les choses aillent de l’avant.
«Nous avons dit à la CENCO que nous sommes pour le dialogue. Le président Tshisekedi qui avait signé une feuille de route ne peut pas aujourd’hui aller à l’encontre du dialogue. Nous n’irons pas à n’importe quel dialogue mais à celui traduisant la Résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU qui évoque à son article 7 un dialogue véritable», dit encore Lisanga.
Il déclare avoir expliqué aux évêques qu’avant d’aller au dialogue, il doit y avoir une décrispation du climat politique au pays. «Nous avons échangé avec les prélats catholiques en leur disant qu’étant que pères spirituels, ils doivent chercher un autre facilitateur qui sera à côté d’eux avec le Groupe de soutien pour avancer les choses, car nous avons déjà récusé Kodjo et nous n’y reviendrons pas car le temps presse», rappelle-t-il. On attend les résultats des consultations menées par la CENCO dans les prochains jours.
Octave MUKENDI

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