Le débat autour de la révision constitutionnelle est sur toutes les lèvres depuis le séjour européen du président Tshisekedi durant lequel il a soufflé le chaud et froid. À Paris, le Chef de l’État a rejeté les appels de la Diaspora l’appelant à révision la Loi fondamentale. «Ne faites pas de moi un dictateur. Cette démarche ne relève pas seulement de mes compétences, mais plutôt de la population à travers ses représentants à l’Assemblée nationale», répondait-il à son assistance. Deux jours plus tard à Bruxelles, le même Félix Tshisekedi s’est montré beaucoup plus attentif. «Je mettrai en place une commission qui réfléchira sereinement sur comment nous doter d’une Constitution digne de notre pays», a même promis le Président de la République.
Revenu au pays, le Chef de l’État, qui attend toujours de former le premier gouvernement de son second mandat, a trouvé ce débat sur la révision constitutionnelle dans tous les salons alors que des voix divergent sur la faisabilité. Parmi les dispositions sur la ligne de mire du président figure notamment le cumul des mandats électifs alors que les élections indirectes du mois passé ont démontré l’institutionnalisation de la corruption.
«Boite à Pandorre»
Dans son camp, à l’UDPS, l’on ne semble naturellement pas opposé à cette démarche. Avant même cette sortie du président, le SG Kabuya s’était refusé, en mars dernier, de parler de second mandat devant les militants du parti réunis à Limete, préférant plutôt «deuxième mandat», la nuance vaut son pesant d’or. «Qui vous a dit que ceci est le dernier mandat? -du chef de l’État, NDLR-», a alors interrogé le chef du parti présidentiel. Seulement dans l’Opposition comme dans la Société civile, l’on craint que cette révision constitutionnelle, de bonne foi fusse-t-elle, vienne consacrer l’ouverture d’une boite à Pandore et permette de franchir la ligne rouge: toucher aux dispositions verrouillées, notamment la limitation des mandats pour le Président de la République à deux.
Dans un communiqué publié lundi 6 mai, le parti politique Ecidé de Martin Fayulu s’est opposé «à tout changement de la Constitution ou toute révision de ses articles verrouillés, comme son Conseil national 2024 l’a affirmé dans sa résolution numéro 9». Pour protéger la constitution, Fayulu compte notamment sur la détermination du peuple «à ne pas se laisser manipuler par les mensonges et la démagogie» du régime.
Protéger la constitution, c’est aussi la mission que s’était assignée la vingtaine de députés nationaux d’Ensemble pour la République. S’il continue de contester la victoire de Tshisekedi à la présidentielle de décembre, l’opposant Moïse Katumbi à autoriser aux députés de son parti, élus le même jour que Tshisekedi, à siéger au Parlement afin de «bloquer toute tentative de révision de la Constitution». Même dans la Société civile, l’on juge inopportune cette révision. L’activiste Jean-Claude Katende a ainsi estimé que «cette Constitution reste l’unique instrument qui met les RD-Congolais ensemble», exhortant le régime à prioriser plutôt «la sécurisation de l’Est du pays».
Adolphe Muzito acquiesce
Dans sa démarche, le président Félix Tshisekedi, à qui l’on attribue -à tort ou à raison- des idées de vouloir sécuriser un troisième mandat, peut compter sur un soutien de taille, celui de l’opposant Adolphe Muzito qui a planté le décor des points constitutionnels devant faire l’objet d’une révision. L’ancien Premier ministre évoque notamment la répartition des recettes entre le gouvernement central et les provinces, le transfert effectif des compétences exclusives aux provinces, le passage à un régime présidentiel, la Loi Bakajika, la titrisation des terres mais aussi le financement de partis politiques.
Toutefois, la révision constitution reste encore suspendue à la levée de l’état de siège en vigueur dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri depuis mai 2021. En effet, l’article 219 de l’actuelle constitution dispose: «Aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la Présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement».