Dans une lettre ouverte au Chef de l’Etat Félix Tshisekedi et ayant pour toile de fond l’arrestation et la détention à l’ANR du Conseiller spécial du Chef de l’Etat depuis plus d’un mois, le Collectif Free François Beya Kasonga dénonce de graves violations des droits et libertés dont est victime le détenu, après son arrestation sans mandat par les services de sécurité, le 5 Février dernier.
Soit dit en passant que cette association, qui a vu le jour au lendemain de cette arrestation, qu’elle juge arbitraire, pointe du doigt Jean Hervé Biosha, actuel administrateur général de l’Agence Nationale de Renseignements -ANR-, et quelques-uns de ses agents, notamment des éléments de la détection militaire des activités anti-Patrie, la DEMIAP, ainsi que le Commandant de la 14èmè Région militaire, le général Ilondo.
Avant de solliciter l’implication personnelle du magistrat suprême, elle commence par lui rappeler l’espoir, suscité au sein de la population congolaise par ses promesses de campagne, lesquelles s’articulent autour de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme à travers le pays.
«Vous avez fait vôtre le concept de l’Etat de droit qui suppose la prééminence, dans un Etat, du droit sur les Pouvoirs Publics ainsi que le respect, par chacun, gouvernants ou gouvernés, de la loi», souligne ce collectif, ajoutant que trois ans après la prise du Pouvoir par Félix Tshisekedi, une nette différence entre l’ancien régime et le sien a été observée en ce qui concerne la situation des droits de l’homme dans le pays.
Et de constater cependant que, sous le même mandat, il y ait des violations incessantes de ces droits qui soulèvent des inquiétudes, laissant craindre un recul significatif de l’Etat de droit. C’est ce constat préoccupant, qui, selon ce collectif, constitue un motif valable pour adresser cette lettre ouverte au premier citoyen du pays. Parlant du motif de l’arrestation de François Beya, l’association relève «qu’il lui serait reproché d’avoir participé à des activités portant atteinte à a sûreté intérieure de l’Etat et de tentative de déstabilisation des institutions».
A en croire cette association de fait, des thèses diverses sur cette association ont fleuri dans l’opinion publique évoquant une tentative de coup d’Etat. «Ce qui est totalement faux»,soutient-elle. Non sans se référer aux propos tenus sur le plateau de la télévision nationale congolaise par le porte-parole du président de la République, Tharcice Kasongo Mwema, selon lesquels les enquêteurs avaient des indices sérieux attestant d’agissements contre la sécurité.
Tandis que jusqu’à ce jour, constate le collectif, les enquêtes n’ont donné aucun résultat et surtout, n’ont établi aucune charge contre François Beya. Et poursuivant, cette absence de preuves a alimenté les doutes de la population congolaise sur la réalité des faits retenus à sa charge, au point qu’il lui sera difficile, en l’absence de la synchronisation des faits, de croire à la confection des charges qui seront mises sur le compte du détenu. Pour cela, le Collectif relève qu’il ne s’agit là que d’une guerre du palais. Ci-dessous la lettre en intégralité.
JeJe MBUYAMBA
Lettre ouverte à Son Excellence Monsieur le Président de la République Démocratique du Congo Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO.
(avec l’expression de nos hommages les plus déférents)
Kinshasa, le 07 Mars 2022
Objet: Graves violations des Droits et libertés de Monsieur François Beya Kasonga à l’ANR.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Depuis votre élection comme Président de la République en janvier 2019 et après 18 ans de pouvoir du Président Joseph Kabila, la République démocratique du Congo a vécu sa première alternance pacifique à la tête de l’Etat. Votre arrivée à la tête du Congo a été saluée dans l’ensemble du pays et par la Communauté internationale. Elle a par ailleurs suscité de nombreux espoirs au sein de la population congolaise de voir le Congo se placer sur la voie de l’Etat de droit. Vous avez fait vôtre le concept de l’Etat de droit qui suppose la prééminence, dans un Etat, du droit sur les pouvoirs publics ainsi que le respect de chacun, gouvernants et gouvernés, de la loi. Dans cette optique, la puissance publique est soumise au droit.
Trois ans après votre accession au pouvoir, une nette différence entre le régime KABILA et le vôtre peut être soulignée en ce qui concerne la situation des droits de l’Homme dans le pays. Cependant, des violations incessantes de ces droits sous votre mandat soulèvent de vives inquiétudes laissant craindre un recul significatif de l’Etat de droit. Eu égard à ce constat préoccupant, le Collectif Free François BEYA KASONGA souhaite vous adresser la présente lettre. Le Collectif Free François BEYA KASONGA est une association de fait regroupant des personnes éprises de justice et de paix. Des Défenseurs des Droits de l’Homme évoluant au pays et à l’étranger qui militent et mobilisent pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme. En effet, ce collectif a vu le jour à la suite de l’arrestation et la détention arbitraires de votre Conseiller Spécial en Matière de Sécurité, M. François BEYA KASONGA, par les services de Sécurité, sans mandat. M. Jean-Hervé MBELU BIOSHA, actuel Administrateur général de l’Agence Nationale de Renseignements «ANR» en sigle et quelques-uns de ses agents , des éléments de la Détection Militaire des Activités anti Patrie, la DEMIAP, ainsi que le Commandant de la 14ème région militaire le Général ILONDO, ont arrêté François BEYA KASONGA le 5 février 2022, en sa résidence, quoi que malade, sur instruction de la hiérarchie et l’ont emmené, manu militari, à destination des locaux de l’ANR.
Il lui serait reproché d’avoir participé à des activités portant atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et de tentative de déstabilisation des Institutions. Des thèses diverses sur cette arrestation ont fleuri dans l’opinion publique évoquant une tentative de Coup d’Etat. Ce qui est totalement faux. Lors de son allocution télévisée sur la chaine nationale RTNC le 8 février 2022 concernant cette arrestation et face au tollé général que cette affaire a suscité au sein de la population congolaise, votre porte-parole, Tharcisse KASONGO MWEMA, avait déclaré que les enquêteurs avaient des «indices sérieux attestant d’agissements contre la sécurité nationale».
Les enquêtes n’ont à ce jour donné aucun résultat et surtout n’ont établi aucune charge contre François BEYA KASONGA. Cette absence de preuves a alimenté les doutes de la population congolaise sur la réalité des faits lui reprochés. Il sera difficile à la population congolaise, en l’absence de la synchronisation des faits, de croire à la confection des charges qui seront mises sur le compte de François BEYA KASONGA.
A cet égard, le Collectif a régulièrement fait remarquer que l’arrestation et la détention arbitraires de François BEYA KASONGA s’expliquent notamment par une guerre de palais, au sein de la Présidence congolaise, suite à sa gestion d’un conflit minier impliquant un autre conseiller présidentiel, M. Fortunat BISELELE et l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille NANGAA, pour ne citer que ceux-là. Cette guerre de palais a en outre été relayée par Jeune Afrique dans son article du 1er décembre 2021 intitulé «RDC: Beya, Biselele, Nangaa… Discrète guerre de palais dans le premier cercle de Tshisekedi», par AfricaReport dans son article du 2 décembre 2021 intitulé DRC: A discreet palace war is taking place within Tshisekedi’s inner circle, ou encore par Africa Intelligence dans son article du 10 janvier 2022 intitulé « Felix Tshisekedi’s innercircle in a panic over mining deal dispute ».
Monsieur le Président de la République,
Lors de votre discours d’investiture à la Magistrature suprême le 24 janvier 2019, vous avez exprimé votre volonté d’instaurer l’application de la rigueur de la loi, l’instauration «d’un Etat de droit», une volonté que nous, Défenseurs des Droits de l’homme, avons applaudi, afin de tourner le dos aux mauvaises pratiques d’injustices longtemps décriées par vous et nous, contre vos prédécesseurs, qui ont fait de l’injustice un mode de gouvernance publique. En référence à votre interview sur la Radio Top Congo en décembre 2018, vous affirmiez, sans l’ombre d’un doute, que dès le premier jour de votre accession à la Magistrature Suprême, tous les cachots politiques dont ceux de l’ANR, seraient immédiatement fermés.
Mais fort malheureusement, Monsieur le Président de la République, nous constatons que les promesses de changement peinent à se concrétiser depuis votre arrivée à la tête de notre pays. A cet égard, l’injustice devient de plus en plus du vécu quotidien. Nous assistons quasi-systématiquement à des violations graves des droits et libertés par les services de sécurité. Ces violations rappellent celles qui avaient cours dans un système que nous avons ensemble combattu hier, avec vivacité et courage. Le Collectif Free François BEYA KASONGA tient à rappeler que les services de sécurité doivent travailler pour le peuple. Cependant, ces services qui enfreignent régulièrement la Constitution et les lois de la République par des méthodes et pratiques illicites, ne permettent pas de parler d’un réel et véritable État de droit sous votre mandature. Nous aurions souhaité que cet état de choses n’ait pas lieu, vous étiez notre espoir.
Plus préoccupant encore à ce jour, plus de trente jours se sont écoulés depuis que votre proche collaborateur, M. François BEYA KASONGA est détenu à la suite d’une procédure irrégulière et arbitraire par l’Agence Nationale de Renseignements (ANR). Jusqu’à ce jour, il ne bénéficie d’aucune assistance juridique ni judiciaire ni médicale appropriées alors qu’il est malade et sa santé se détériore davantage. Pire encore, il n’a même pas le droit de parler à sa famille.
Il est triste de constater que ces faits se passent sous votre mandat dit «État de droit».
Le Collectif vous interpelle sur des violations systématiques et graves que M. MBELU BIOSHA, actuel Administrateur général de l’ANR est en train de commettre dans ce dossier. Sa nomination procédait pourtant de votre volonté de changer et d’humaniser ce service. Les violations que M. François BEYA KASONGA subit risqueraient de ternir votre image en tant qu’autorité de tutelle de cette agence et surtout, indiqueraient que vous recourez à ces services à des fins de règlements politiques, services que vous aviez à l’époque qualifié de cachots politiques. Votre intervention dans ce dossier sera un acte très louable face à l’injustice qu’il vit actuellement (voir lettre ouverte du Collectif adressé le 4 mars 2022 à l’AG de l’ANR, M. MBELU BIOSHA).
Monsieur le Président de la République,
Le Collectif s’inquiète du danger que court M. François BEYA KASONGA au regard d’éléments nouveaux dans le dossier. Faute de charges concrètes contre M. François BEYA KASONGA en ce qui concerne le Coup d’Etat, le Collectif désapprouve les pratiques de l’Agence Nationale de Renseignements qui viseraient à fabriquer et monter de faux éléments pouvant être mis à sa charge en vue de le conduire droit devant un juge et y obtenir une condamnation excessive. Par ailleurs, le Collectif a été informé, de sources dignes de foi, que quelques proches collaborateurs de M. François BEYA KASONGA et certains conseillers à la Présidence de la République seraient consultés afin d’obtenir de leur part, de faux aveux et témoignages sur une présumée participation à un Coup d’Etat contre votre pouvoir, dont l’initiateur serait M. François BEYA KASONGA. Ainsi, le Collectif Free François BEYA KASONGA s’interroge sur le pourquoi de ce montage et attire votre attention sur le danger que court ce brave compatriote qui a démontré sa loyauté par ses services auprès de vous et de la Nation congolaise depuis plus de quatre décennies. Le Collectif s’inquiète que ce type de pratiques de constitution de faux dossiers se poursuit sous votre Présidence. Depuis l’arrestation irrégulière et arbitraire de François BEYA KASONGA, le Collectif constate la violation systématique et grave des droits et libertés de ce dernier par M. MBELU BIOSHA de l’ANR.
Le Collectif dénonce vivement de telles violations qu’il considère non conformes aux dispositions légales et réglementaires en la matière. Il est d’avis, en effet, que cette arrestation arbitraire suivie de détention prolongée contrevient, jusqu’à ce jour, à la Constitution et aux lois de notre pays ainsi qu’aux outils internationaux dûment ratifiés par notre pays: la Convention universelle des droits de l’Homme et la Charte africaine des droits de l’Homme, pour ne citer que celles-là.
Monsieur le Président de la République,
Le Collectif Free François BEYA KASONGA considère que l’arrestation et la détention précitées ne confortent pas cette volonté de changement et d’humanisation des services de sécurité. A cet égard, le Collectif est d’avis que les missions d’enquêtes de l’ANR en vue de veiller à la sûreté de l’Etat doivent impérativement se faire dans le respect de la Constitution et des lois du pays qui prônent la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme. De ce qui précède, le Collectif Free François BEYA KASONGA implore Votre implication personnelle, en tant que Père de la Nation et Garant du bon fonctionnement des institutions, pour la libération immédiate et sans condition de ce dernier, de son secrétaire particulier M.Guy VANDA, de son protocole M. David CIKAPA ainsi que de son garde du corps M. Jean-Pierre KALENGA, en l’absence des charges concrètes et précises. Le Collectif considère enfin que l’affaire BEYA pourrait ternir durablement l’image de l’ANR sous votre mandat, parce qu’elle fait de François BEYA KASONGA un prisonnier politique du nouveau régime, un régime qu’il a servi honorablement. En Vous remerciant de la suite réservée à la présente, veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de nos hommages les plus déférents.
Pour le Collectif Free François BEYA KASONGA
Victor TESONGO
Activiste et Défenseur des droits de l’Homme
Exécutif-Director of the Ligue for Promotion and Defense of Human Rights DRC
Me Marie-Thérèse NLANDU
Avocat
Amnesty International Prisonner of Conscience 2006-2007 (RDC)
E-mail: freefrancoisbeyakasonga@gmail.com
Blog: Free François BEYA KASONGA