«L’avidité des matières premières, la soif d’argent et du pouvoir ferment les portes à la paix et représentent un attentat aux droits à la vie», a cogné le Cardinal Pietro Carolin lors d’une messe célébrée dimanche au siège du Parlement
Alors que la République démocratique du Congo et l’Église catholique ont signé la veille des accords de collaboration qualifiés d’historiques, l’émissaire du Pape François et Premier ministre du Vatican, le Cardinal Pietro Carolin, a fustigé, dimanche 3 juillet au cours de la messe dite à l’esplanade du Palais du peuple, siège du Parlement RD-congolais, la nouvelle guerre de l’Est.
«L’avidité des matières premières, la soif d’argent et du pouvoir ferment les portes à la paix et représentent un attentat aux droits à la vie», a cogné le n°2 de Vatican.
Pour sa part, le Cardinal Ambongo a imploré l’implication personnelle du Pape pour la paix en République démocratique du Congo -lire message intégral en Page 3. Empêché pour raison de santé, le Pape François s’est adressée au peuple RD-congolais par visioconférence pendant cette messe pour ainsi témoigner son amour, son affection et sa considération pour la population de la République démocratique du Congo, peuple qu’il porte dans son cœur surtout en cette période cruciale, marquée par les guerres et l’insécurité à l’Est du pays.
Faute de l’entendre de la bouche du Saint Père dont la visite en République démocratique du Congo a été repoussée à une date ultérieure, certains cercles à Kinshasa ont bien accueilli ces propos du Cardinal Pietro Carolin, «venus mettre du baume au cœur de la communauté nationale après la déception récemment causée par le vote de la reconduction de l’embargo sur les armes émis par la majorité de pays membres du Conseil de sécurité des Nations unies, jugé défavorable à la République démocratique du Congo, pourtant objet d’une nouvelle agression par le Rwanda. Il s’agit d’un sévère réquisitoire à l’égard de tous les pays et toutes les multinationales trempés dans la conspiration contre la République démocratique du Congo».
Crucial, le sujet relatif à la nouvelle guerre avec l’insécurité et les déplacements des populations qu’il engendre ainsi que la santé du Pape ont figuré au menu des échanges, samedi le 2 juillet à la Cité de l’Union africaine, entre le Président Félix Tshisekedi et le Cardinal Pietro Carolin.
Le Président, après avoir demandé des informations sur la santé du Pape et réitéré la grande attente de la population pour sa visite en République démocratique du Congo, a exprimé le désir de paix et de stabilité pour les régions de l’Est du pays marquées par des conflits armés. Au cours de leur réunion, il a été souligné la nécessité de la collaboration entre l’Église et les autorités civiles en faveur des RD-Congolais.
Collaboration désormais intensifiée avec la signature, le même jour entre le gouvernement de la République démocratique du Congo et la Conférence épiscopale du pays, des accords sur les cinq points d’entente qui définissent le statut juridique de l’Église dans les domaines de la santé, des finances, de la pastorale et du social. Pour le Cardinal Parolin, ces accords sont «la pierre d’angle d’une nouvelle collaboration plus pacifique et fructueuse de l’Église avec les autorités civiles». Pour le Cardinal Ambongo, «c’est un pas attendu depuis six ans».
Accords historiques entre l’Église et l’État
La République démocratique du Congo et la Conférence épiscopale du pays ont signé samedi 2 juillet des accords sur les cinq points d’entente qui définissent le statut juridique de l’Église dans les domaines de la santé, des finances, de la pastorale et du social.
Les médias proches du Vatican sont d’avis que pour l’Église de la République démocratique du Congo, le 2 juillet 2022 sera désormais une «date historique». Les accords spécifiques signés reconnaissent la nature propre de l’Église, jusqu’à présent enregistrée par l’État comme une association sans but lucratif. La cérémonie a eu lieu à la Primature, en présence du Cardinal Secrétaire d’Etat, Pietro Parolin, juste après sa rencontre avec le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde.
L’Accord-cadre de 2016 entre le Saint Siège et la République démocratique du Congo
L’État RD-congolais était représenté par les ministres des Affaires étrangères, de la Santé, de la Justice, des Finances, de l’Enseignement supérieur et universitaire et de l’Intérieur; et la CENCO par son président, Mgr Marcel Utembi Tapa. Avec ces accords spécifiques sera désormais mis en œuvre l’Accord-cadre signé entre le Saint Siège et la République démocratique du Congo le 20 mai 2016 sur les matières d’intérêts communs.
Cet accord avait été signé au Vatican entre Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les Rapports avec les États, et le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Raymond Tshibanda N’Tungamulongo. Prenant acte de l’indépendance et de l’autonomie respectives de l’Église et de l’État, cet accord fixe le cadre juridique des rapports réciproques et, en particulier, sanctionne la position juridique de l’Église catholique dans le domaine civil et sa liberté dans l’activité apostolique et dans la régulation des matières propres.
Le Décret du Premier ministre
Ratifié en 2019, entré en vigueur en 2020, l’Accord-cadre n’a toutefois jamais été appliqué pleinement. Un décret du mois de juin dernier du Premier ministre Sama Lukonde demandait son application et donc la reconnaissance de l’Église comme entité juridique.
Après plusieurs mois de négociations et une grande implication de la CENCO, de la nonciature apostolique et des ministères concernés, une commission a ainsi rédigé cinq accords spécifiques portant sur les domaines de l’enseignement de la religion dans les écoles, des institutions éducatives catholiques, de l’activité d’assistance caritative de l’Église, de la pastorale dans les institutions pénitentiaires et hospitalières, du régime patrimonial et fiscal.
Le début d’une collaboration plus intense!
«Cette étape est la manifestation de la volonté du Président d’honorer votre visite», a déclaré le Premier ministre Sama Lukonde au Cardinal Parolin. Le Secrétaire d’État du Saint-Siège a souligné pour sa part que «l’Accord consolide le partenariat qui unit depuis des siècles l’Église catholique et les autorités politiques de ce pays, au service de toute la population».
«L’intérêt de l’Église, dans ses relations avec les autorités civiles, est essentiellement orienté vers la collaboration pour le développement humain intégral de toute la personne, sans distinction ethnique ou religieuse, et surtout les plus pauvres et nécessiteux», a-t-il observé. Il a également souhaité que l’Accord-cadre ne représente pas seulement «la fin d’un processus, mais plutôt “la pierre d’angle” d’une nouvelle collaboration, plus intense et ordonnée, [c’est-à-dire] la collaboration pacifique et fructueuse de l’Église avec les autorités civiles et la juste reconnaissance de sa contribution au bien commun».
Un nouvel élan, à en croire le Cardinal Ambongo
En marge de cette cérémonie, l’Archevêque de Kinshasa, le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu, a déclaré à «Vatican News» que ce 2 juillet 2022 était «un jour historique pour l’Église congolaise», attendu «depuis plus de six ans». «À partir d’aujourd’hui, pour nous, tout devient facile dans les domaines de l’éducation, de la santé, du social, pour tout ce que nous faisons pour les pauvres, pour tout le travail que nous faisons depuis des années. En République démocratique du Congo, l’Église fait en effet beaucoup pour la population: elle gère plus ou moins les 50% des écoles, surtout celles primaires et secondaires; dans le domaine de la santé, elle possède 40% des structures sanitaires. Mais jusqu’à présent, l’Église était enregistrée comme une ONG, une organisation non gouvernementale. Mais l’Église n’est pas une ONG, elle n’a jamais été dans ce statut».
L’accord, a souligné le Cardinal Ambongo, «donne donc un nouvel élan. Si avant, nous travaillions, mais personne, à commencer par un évêque dans son diocèse, ne savait pas ce qu’étaient les droits et les devoirs de l’Église envers le gouvernement, à partir d’aujourd’hui les choses sont plus claires. Et nous savons que tout le travail effectué advient à l’intérieur d’une législation reconnue par l’État».
Avec Agences
Le Cardinal Ambongo implore l’implication du Pape pour la paix en République démocratique du Congo
Mot de circonstance de Son Eminence Fridolin Cardinal Ambongo, à l´occasion de la messe célébrée par le Cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’Etat du Saint-Siège.
République démocratique du Congo
Excellence Monsieur le Président de la République,
Eminence,
Excellences messeigneurs les Evêques,
Honorables Présidents de l´Assemblée nationale et du Sénat,
Excellence Monsieur le Premier ministre,
Chères autorités politico-administratives,
Frères et sœurs dans le Seigneur,
- C´est avec joie et gratitude que nous accueillons aujourd´hui parmi nous son Eminence le Cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d´Etat du Saint-Siège, qui va célébrer pour nous et avec nous cette Sainte Eucharistie. Au nom de tous les évêques et de tous les fidèles catholiques ici présents, ainsi qu´au nom de l´ensemble de notre peuple, je vous souhaite à vous Eminence et cher Frère une cordiale bienvenue en République démocratique du Congo, à Kinshasa précisément. Nous sommes vraiment heureux de vous compter parmi nous en votre qualité de Secrétaire d´Etat du Saint-Siège et d´Envoyé de Sa Sainteté le Pape François.
- Oui, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit celui que le Saint-Père a daigné envoyer pour nous apporter la Bonne nouvelle de l´espérance! En effet, regrettant profondément de ne pas pouvoir, pour raison de santé, effectuer la visite tant attendue et tant désirée en République Démocratique du Congo, notre pays, le Saint-Père a décidé de dépêcher son Eminence le Cardinal Pietro Parolin pour nous apporter son message et pour prier avec nous à Kinshasa. C´est là une preuve éloquente de la grande considération et de la sollicitude pastorale qu´il a pour notre pays et pour notre Peuple. Voilà pourquoi j´exprime ma profonde gratitude au Pape pour cette bienveillance, et surtout pour l´appel pressant à la confiance et à l´espérance de nous retrouver le plus vite avec lui, dès que possible. Son message nous console et nous réconforte. Car notre espérance de voir le Pape fouler le sol de nos ancêtres, de l´écouter et de prier avec lui est vive et elle demeure inébranlable.
- Eminence et cher Frère, le peuple congolais qui vous accueille aujourd´hui est un peuple qui souffre énormément, malgré d´énormes potentialités dont est pourvu notre pays. Outre la crise économique qui sévit chez nous, je note également la violence imposée à notre peuple, surtout à l´est du pays, par les groupes armés, principalement les trois suivants: 1) La CODECO dans l´Ituri; 2) L´AFD qui sévit à Beni; 3) Le M23 surtout à Rutsuru dans le Nord-Kivu. A ces trois groupes il faut ajouter le groupe armé Mai-mai. Si tous ces groupes ne sont pas rapidement maîtrisés, le Congo va courir tout droit vers l´une des plus grandes catastrophes humanitaires de notre temps.
- Voilà pourquoi nous demandons l´implication du Saint-Père pour la paix au Congo à travers le soutien à la diplomatie de bon voisinage menée par Son Excellence Monsieur le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Chef de l´Etat. Ce dernier est en quête de la paix et de la cohésion avec nos voisins, singulièrement avec le Rwanda, qui apporterait un soutien militaire au groupe armé M 23. Nous en appelons ainsi à l´unité de notre peuple, et nous encourageons les initiatives que prend son Excellence Monsieur le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo non pas dans le sens de faire la guerre, mais de chercher toujours des solutions diplomatiques et politiques dans le conflit qui oppose notre pays au Rwanda.
- Toutefois, il est aussi clair que l´on doit éviter de faire de l´amalgame entre le Rwanda et les Tusti ou la population dite rwandophone. Car parmi nos populations, il y a les Tutsi congolais, qui ont autant que les autres populations, droit à la protection et à la paix. La stigmatisation d´une partie de notre peuple ne pourra jamais servir la cause légitime d´un Congo, victime de l´abondance de ses richesses naturelles.
- Eminence et cher Frère, c´est dans ce contexte que le peuple congolais continue d´attendre la visite apostolique du Saint-Père, toujours avec le même enthousiasme, afin de communier avec lui, le Pasteur universel, dans une célébration eucharistique, qui soit source de grand réconfort. Le Pape est donc toujours le bienvenu chez nous!
Chers Frères et sœurs dans le Seigneur,
- Au moment où nous nous retrouvons ici à l´autel du Seigneur autour de son Eminence le Cardinal Pietro Parolin, le Pape François offre le Saint sacrifice de la messe pour nos frères et sœurs de la communauté congolaise de Rome, réunis à la Basilique St Pierre. Nous voulons être ainsi en totale communion spirituelle avec Sa Sainteté qui prie pour nous et pour la paix et le développement de notre pays. Nous portons également au Seigneur nos ferventes et humbles prières pour un prompt rétablissement de son Serviteur, le Pape François.
- A vous Eminence et cher frère, j´exprime enfin toute notre affection, et je confie votre ministère à la puissante intercession de la Bienheureuse Vierge Marie. Bana ba libota ya Nzambe, boboto! Esengo na moto akoya o nkombo ya Mokonzi! Esengo na Ntoma wa Mosantu Papa François azali lelo o kati ya biso. Toyamba ye na nsai, mpe tobanda misa ma biso ma nkembo. Je vous remercie.
Kinshasa, le 03 juillet 2022
Fridolin Cardinal Ambongo
Archevêque Métroplitain de Kinshasa