Le patron de l’ESU n’a fait qu’exécuter une décision prise depuis 2013 par ses prédécesseurs. Si ces derniers n’ont pas pu le faire, a rappelé Arthur Mbumba, doctorant en Economie, c’est en grande partie suite aux interventions intempestives des hommes politiques qui sont pour la plupart propriétaires de ces universités
Le ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire -ESU-, Muhindo Nzangi, a, à l’issue des états généraux de son secteur, tenus dernièrement à Lubumbashi, pris la décision de fermer des facultés de Médecine non viables de certaines universités de la RD-Congo. Pour Arthur Mbumba Ngimbi, chercheur RD-congolais et doctorant en Economie à l’Université de Kinshasa -UNIKIN-, rien ne peut justifier des protestations contre la décision salutaire du ministre de l’ESU de la part des dirigeants et des étudiants des établissements frappés par cette mesure.
«Cette décision devrait au contraire être encouragée», a-t-il lancé, soulignant que le ministre Muhindo Nzangi a raison et mérite d’être encouragé. Mbumba a affirmé que le patron de l’ESU n’a fait qu’exécuter une décision prise depuis 2013 par ses prédécesseurs. Si ces derniers n’ont pas pu le faire, a rappelé ce doctorant en Economie, c’est en grande partie, suite aux interventions intempestives des hommes politiques qui sont pour la plupart propriétaires de ces universités.
«Ceux qui aujourd’hui mènent cette campagne de dénigrement ne voient que leurs petits intérêts égoïstes», a indiqué Arthur Mbumba. Pour lui, la décision du ministre vient à point nommé d’autant plus que d’après certaines enquêtes, la surmortalité déplorée actuellement dans des formations médicales est due pour une large part à la qualité médiocre du personnel soignant, particulièrement des médecins mal formés. Ci-dessous, la tribune d’Arthur Mbumba Ngimbi.
Christian BUTSILA
Le ministre Muhindo Nzangi de l’ESU a raison et mérite d’être encouragé
La décision du ministre Muhindo Nzangi de l’Enseignement supérieur et universitaire, relative à la fermeture des facultés de médecine non viables de certaines universités, prise à l’issue des états généraux tenus dernièrement à Lubumbashi, continue de susciter des vives protestations de la part des dirigeants et des étudiants des établissements concernés.
A notre avis, rien ne peut justifier de telles protestations contre cette décision salutaire qui devrait au contraire être encouragée. Il convient de rappeler à ce sujet que le ministre Muhindo n’a fait qu’exécuter une décision prise depuis 2013 par ses prédécesseurs. Si ces derniers n’ont pas pu le faire, c’est en grande partie, suite aux interventions intempestives des hommes politiques qui sont pour la plupart propriétaires de ces universités.
Il y a aussi lieu de préciser que les décisions des états généraux ne sont que la concrétisation des propositions émises régulièrement par le personnel enseignant du supérieur, au regard de la dégradation avancée de la qualité de notre enseignement.
La décision du ministre vient à point nommé d’autant plus que d’après certaines enquêtes, la surmortalité qu’on déplore actuellement dans nos formations médicales est due pour une large part à la qualité médiocre du personnel soignant, particulièrement des médecins mal formés. Car dans aucun pays sérieux, on ne peut accepter que des assistants dispensent des enseignements, même au niveau des doctorats ou l’absence des infrastructures adéquates comme les cliniques universitaires.
Nous pensons que ceux qui aujourd’hui mènent cette campagne de dénigrement ne voient que leurs petits intérêts égoïstes. Car l’histoire du monde montre que tous les pays devenus aujourd’hui puissants et riches se sont développés en faisant de la qualité de l’enseignement supérieur une exigence.
On peut citer à titre d’illustration, les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Chine et le Japon qui sont des véritables puissances éducatives mondiales.
C’est depuis de nombreuses années que le Congo n’apparaît pas dans les classements universitaires internationaux, notamment celui de Shangani lancé en 2003 et qui retient 500 meilleures universités du monde.
Pourtant jusqu’à la fin des années 1960, l’université congolaise comptait parmi les meilleures d’Afrique par la qualité de ses enseignements, de ses enseignants et de ses infrastructures.
La preuve en est qu’à cette époque le Congo recevait sur son sol un grand nombre d’étudiants étranges, africains et même européens. Il se situait ainsi au troisième rang africain des pays d’accueil après l’Afrique du Sud et le Nigeria.
Le cas de Lovanium, construit en 1954, devenu aujourd’hui Université de Kinshasa laisse rêveur. En effet, avec ses professeurs de renommée internationale, ses installations sportives comme sa piscine splendide, ses terrains de football, de basket-ball, de volley-ball, de tennis, ses salles des cours toutes équipées, Lovanium rivalisait sur tous les plans avec les meilleures universités du monde comme Louvain et même Harvard. Malheureusement cette belle image d’hier n’est plus aujourd’hui qu’un fait historique et un lointain souvenir. Le génie destructeur congolais est passé par là et a fait son œuvre.
La destruction de l’université congolaise a commencé en 1971 avec la réforme hâtive, mal inspirée et mal préparée, décidée par Mobutu pour punir les étudiants qui s’étaient révoltés en juin 1969 contre son régime dictatorial.
La dégradation s’est ensuite accélérée après la Conférence nationale souveraine de 1992, consacrant la libéralisation du marché éducatif et la commercialisation de l’éducation par des privés. L’une des conséquences en est que l’enseignement élitiste s’est substitué à l’enseignement de masse, provoquant ainsi l’explosion du nombre d’étudiants et sacrifiant la qualité.
C’est dire que la situation ne concerne pas seulement les facultés de médecine de quelques universités mais également toutes les autres facultés de nos universités.
Si le Congo veut devenir une grande puissance africaine de la connaissance et du savoir, il ne doit plus se permettre de relâcher son effort éducatif pendant qu’un grand nombre des pays africains marquent le pas. Il doit mettre l’accent sur la qualité de son enseignement comme cela fut le cas dans le temps. Le cas des pays voisins qui étaient en retard dans ce domaine par rapport à nous et dont beaucoup d’étudiants ont même été formés par nos professeurs offre un bel exemple. Ils ont mis en œuvre des stratégies de rattrapage offensive qui leur ont permis de combler leur retard.
Avec son abondant vivier des compétences du personnel enseignant, notre pays est capable de relever le défi.
Pour y arriver, il doit prendre conscience de la nécessité d’investir dans son système d’enseignement supérieur comme l’a fait la Chine.
Mais il ne suffit pas de former pour former et d’avoir le capital humain. Il faut aussi l’utiliser. A quoi sert-il de diplômer chaque année des milliers des jeunes si ceux-ci doivent rester éternellement chômeurs après leurs études? Le plus inquiétant est qu’il ressort des études du ministère du Travail et Prévoyance sociale que chaque année, 30.000 jeunes arrivent sur le marché du travail alors que 10.000 emplois seulement sont créés.
C’est pourquoi nous pensons qu’il est temps de songer à fermer des options des certaines facultés des sciences humaines comme les Lettres, les Sciences sociales, réduire au strict minimum le nombre d’étudiants admissibles au niveau de la première année de graduat dans des facultés comme le Droit et l’Economie, pour privilégier les filières techniques qui offrent davantage des débouchés sûrs à nos jeunes: médecine, agriculture, polytechnique, sciences… comme cela se fait d’ailleurs dans beaucoup de pays africains.
Il est également nécessaire de cibler la formation professionnelle et technique, autres talons d’Achille de notre pays. Pour cela il faut investir dans l’ouverture des nouveaux instituts de formation professionnelle et des centres d’experts.
Enfin on ne peut parler de l’amélioration de la qualité de l’enseignement, du personnel et des infrastructures sans songer à l’assainissement de l’environnement des sites de nos universités et instituts supérieurs. Ils sont devenus des lieux de négoce, régulièrement envahis par des vendeurs ambulants des cartes, des fournitures de bureau, des denrées alimentaires… L’université doit rester, à l’instar de ce que fut Lovanium, comme une petite ville à part, avec son calme favorable à la concentration, contrastant avec le bruit des rues agitées de la cité.
Certes le chemin à parcourir reste encore long et le prix à payer sera lourd mais on peut être assuré qu’un tel effort ne manquera pas de porter des fruits sur le long terme pour le devenir de notre jeunesse et l’avenir de notre pays.
Arthur MBUMBA NGIMBI
Chef de travaux et Doctorant en Economie à l’Université de Kinshasa