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RDC : Kambinga remet en cause la méthode Kabedi à la BCC

«Cette mesure sera insuffisante pour entraîner une appréciation notable du franc congolais au point de constater une baisse du prix qu’il faut mettre en franc congolais pour acquérir des dollars et cela à cause des phénomènes de viscosité qui influent sur l’élasticité des prix à la baisse même en cas de mise en œuvre de mesures de correction», insiste-t-il

Caractérisé par l’honnêteté intellectuelle, le savoir-faire ainsi que le devoir d’Etat sur fond de responsabilité, Germain Kambinga, ancien ministre de l’Industrie, interviewé par le trihebdomadaire «AfricaNews», sur la dépréciation du franc congolais, ne mâche pas ses mots. Sans douter des capacités de la gouverneure de la Banque centrale du Congo, Kabedi Malangu, une économiste au CV élogieux, il constate simplement que, jusque-là, son bilan à la tête de cette institution est introuvable alors même qu’elle a les moyens, de réellement faire bouger les choses. «Je pense qu’elle doit ajuster ses stratégies pour les adapter d’une part aux impératifs sociaux qui se posent avec acuité au peuple RD-congolais et d’autre part aux contraintes d’ordre politique liées à la perspective des échéances électorales qui pointent à l’horizon. Ne pas tenir compte de ces paramètres serait suicidaire», estime cet ancien membre du gouvernement.

Kambinga en est arrivé là en scrutant les mesures prises par la BCC à l’issue de la réunion du Comité de conjoncture économique -CCE- présidée par le Premier ministre Sama Lukonde. Mesures de publier au quotidien le taux de change dans les médias pour stopper la spéculation sur le marché de change en RD-Congo. Aux yeux de l’ancien patron de l’Industrie, la gouverneure de la BCC a pris une mesure inefficace. «Ce n’est pas une mesure mais une mesurette et compte tenu de l’impact politique et sociale de la dégradation du taux de change, il nous semble plutôt nécessaire de voir émerger des mesures contracycliques d’ordre économique, financier et monétaire plutôt qu’une annonce totalement incompréhensible de publicité des taux comme si donner la température d’un malade était un remède à l’infection à l’origine de la fièvre», fustige Kambinga.

Il émet le souhait de voir la BCC jouer son plein rôle sans tergiverser. «La BCC se comporte plus comme une caissière plutôt que comme banquier principal de l’Etat, banque des banques et conseiller économique du gouvernement. Les externalités nécessaires à l’assainissement du système financier RD-congolais, nous les connaissons et, à titre d’exemple, nous pouvons citer la question de la régulation et de la réglementation du métier de changeur de monnaie», martèle-t-il. Selon lui, «notre BCC est tantôt caissière tantôt agent servile des institutions de Bretton Wood au détriment de son rôle de conseiller écofin principal du gouvernement». Et de s’interroger: «sinon comment comprendre le choix hasardeux de signer avec le FMI une contrainte excessive pour la non utilisation des réserves de change comme instrument d’ajustement conjoncturel?». Interview.

Pour mettre fin à la spéculation observée sur le marché de change, le Comité de conjoncture économique -CCE- a annoncé, par la bouche de la gouverneure de la Banque centrale du Congo -BCC-, la publication régulière par voie des médias du taux de change par la BCC. Vous semblez ne pas être de cet avis et vous estimez qu’il s’agit d’une blague. Sur quoi fondez-vous votre réaction?

De mon point de vue ce n’est pas une mesure mais une mesurette et compte tenu de l’impact politique et sociale de la dégradation du taux de change, il nous semble plutôt nécessaire de voir émerger des mesures contra-cycliques d’ordre économique financier et monétaire plutôt qu’une annonce totalement incompréhensible de publicité des taux comme si donner la température d’un malade était un remède à l’infection à l’origine de la fièvre. Et ce, d’autant plus que dans la pratique le taux est déjà public et publié régulièrement et mis à la disposition de qui le cherche! Lorsque les mamans, le 8 mars, crient devant le Chef de l’Etat que «Dollar ekita» cela veut dire que le vécu des RD-Congolais est fortement bousculé et que la ligne sociale cristallisée autour du slogan «Le peuple d’abord», cher au Président de la République, est fortement menacée.

Pareille décision paraît, à vos yeux, comme un aveu d’impuissance…

Tout à fait et cela nous paraît incompréhensible car, si l’on s’en tient aux indicateurs macroéconomiques -réserve de change principalement- régulièrement publiés par la BCC, il semble pourtant que nous soyons en position de nous défendre et de protéger notre monnaie face aux chocs exogènes -inflation importée du fait de l’extraversion de notre économie- et même endogènes -spéculation par défaut ou faiblesse de la régulation institutionnelle.

Le 7 mars dernier, la Banque centrale a cédé 50 millions de dollars aux banques commerciales. Cette autre mesure, ajoutée à l’affichage préconisé, ne pourrait-elle pas aider à contenir la situation?

La deuxième partie de votre question concernant l’affichage me laisse perplexe et je reste convaincu que cela n’aura aucun impact. Par contre, l’intervention direct sur le marché de change avec 50 millions de dollars -on pourrait l’assimiler l’Open Market en tenant compte des spécificités locales- est une mesure conjoncturelle classique et régulièrement utilisée par la BCC pour équilibrer jusqu’au niveau souhaité le prix du franc congolais sur le marché.

Donc, en principe, pour autant que ce montant soit à la hauteur du déficit conjoncturel entre l’offre et la demande de franc congolais face au dollar sur le marché intérieur, nous avons la certitude que cela peut stopper la dépréciation du franc congolais. Néanmoins, il faut le souligner pour mieux le regretter que cette mesure sera insuffisante pour entraîner une appréciation notable du franc congolais au point de constater une baisse du prix qu’il faut mettre en franc congolais pour acquérir des dollars et cela à cause des phénomènes de viscosité qui influent sur l’élasticité des prix à la baisse même en cas de mise en œuvre de mesures de correction. Voilà pourquoi, de façon prospective, il est toujours mieux de travailler pour éviter une dépréciation du taux de change en RD-Congo.

Vous avez également évoqué des externalités à structurer comme le démantèlement des réseaux mafieux, la régulation du marché de change et recensement des changeurs de monnaie. Vous estimez donc que la Banque centrale du Congo a échoué ou est en train d’échouer sur ce terrain?

Absolument. Il est évident que le Boarding de la BCC n’a en rien innové en cette matière. La BCC se comporte plus comme une caissière plutôt que comme banquier principal de l’état, banque des banques et conseiller économique du gouvernement. Les externalités nécessaires à l’assainissement du système financier RD-congolais, nous les connaissons et, à titre d’exemple, nous pouvons citer la question de la régulation et de la réglementation du métier de changeur de monnaie. Comment voulez-vous, à moyen terme, maîtriser le taux de change si l’origine interne des phénomènes spéculatifs n’est pas maîtrisable? Combien de changeurs de monnaie avons nous en RD-Congo et ce métier subsistera jusqu’à quand?

A quand le démarrage de la mutation du système financier RD-congolais de système d’endettement en système des marchés financier en vue d’augmenter le nombre d’instruments financiers à la disposition des acteurs du secteur pour l’atteinte d’un optimum aussi bien du taux de change que de la mobilisation des moyens financiers à la disposition du secteur privé avec tout ce que cela peut avoir comme impact sur les perspectives de développement de la RD-Congo? Jusqu’à ce jour nous n’avons rien vu de tout cela. Notre BCC est tantôt caissière tantôt agent servile des instituons de Bretton Wood au détriment de son rôle de conseiller éconofin principal du gouvernement.

Sinon comment comprendre le choix hasardeux de signer avec le FMI une contrainte excessive pour la non utilisation des réserves de change comme instrument d’ajustement conjoncturel. Peut-elle nous dire aujourd’hui en quoi est-ce judicieux pour un pays en reconstruction comme la RD-Congo, avec des besoins énormes en investissement divers d’immobiliser plus de milliards qu’il en faut à court et moyen terme pour maîtriser l’équilibre de notre balance de paiement? Pour rappel, de 2010 à 2106, le taux de change est resté en dessous de 950 avec des réserves de change de moins 1,5 milliard de dollars. Ce qui sous-entend que le seuil d’équilibre de la soutenabilite de notre politique de change est en dessous de 2 milliards de dollars en terme de réserve de change et ce malgré les risques de chocs exogènes.

Cette tendance à vouloir administrer le taux de change n’est-elle pas à l’origine de la flambée des prix sur le marché et, finalement, préjudiciable à toute l’économie?

Nos économies sont des économies embryonnaires et elles ont besoin d’un accompagnement pour leur maturation et le suivi du taux de change est une des mesures phares de toute politique macroéconomique à l’échelle des Etats ou des ensembles régionaux. En effet, elle a un lien direct avec la lutte contre l’inflation et donc le pouvoir d’achat des populations. Et en RD-Congo nous ne pouvons pas faire l’impasse sur cette vigilance. Néanmoins, il faut intégrer, à terme, la nécessité pour notre pays de mettre en place certaine mesures et d’adopter certaines réformes.

Face à la crise économique en RD-Congo, j’ai eu à proposer ma solution: réduire la part des réserves de change d’origine interne pour, entre autres, les grands travaux dans les chefs-lieux de nos provinces avec effet multiplicateur d’investissement; investir dans un mécanisme de soutien à l’équilibre offre/demande bien de consommation courante afin de créer une hausse permanente de l’offre des biens à travers tout le territoire national; réduire les réserves de change pour le financement massif des PME des RD-Congolais; financer la guerre, intervenir sur le marché de change; améliorer le financement des sources énergétique fossiles et autres; passer de l’économie d’endettement à l’économie des marchés financiers comme le Botswana, par exemple, et travailler pour la mise en œuvre des externalités positives pouvant faciliter à la BCC son travail de veille sur le niveau de notre inflation.

Vous doutez donc des capacités de Madame la gouverneure à pouvoir sauver la situation?

Je ne peux pas douter des capacités d’une économiste au CV élogieux comme la gouverneure de la BCC. Je constate simplement que, jusque-là, son bilan à la tête de cette institution est introuvable alors même qu’elle a les moyens, de réellement faire bouger les choses. Je pense qu’elle doit ajuster ses stratégies pour les adapter d’une part aux impératifs sociaux qui se posent avec acuité au peuple RD-congolais et d’autres part aux contraintes d’ordre politique liées à la perspective des échéances électorales qui pointent à l’horizon. Ne pas tenir compte de ces paramètres serait suicidaire.

Propos recueillis par AKM

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