Depuis quelques temps, plusieurs mois, avant même la passation pacifique du pouvoir au sommet de l’État, des abus se sont accumulés et commencent aujourd’hui à poser problème dans la gouvernance de nos provinces. Ces abus se caractérisent par le séjour prolongé à Kinshasa, devenu un alibi pour les autorités provinciales de contourner leur devoir de redevabilité devant l’organe délibérant ou, pour les présidents des Assemblées provinciales -PAP- et leurs autres collègues membres du Bureau, de répondre devant l’Assemblée plénière. Ce qui n’est pas une bonne pratique pour la gouvernance de nos provinces.
Les principes démocratiques et le devoir de redevabilité voudraient que les responsables des institutions provinciales rendent compte devant l’organe délibérant provincial pour s’assurer d’une gestion ordonnée, orthodoxe et qui tienne compte de l’intérêt général. Il faut craindre que le jour où on aura un ministre de l’Intérieur pas très sérieux, l’on assistera au monnayage, si cela n’a pas encore été le cas, des ordres de mission pour Kinshasa pour soustraire les autorités provinciales du contrôle de l’organe délibérant.
Dans les couloirs de la justice, les praticiens sont convaincus qu’il faudrait que les autorités provinciales sachent qu’avec la position de la Cour constitutionnelle, on ne peut pas justifier son absence de la province en se fondant sur des autorisations ou des ordres de missions à durée indéterminée ou qui auraient des objets qui ne sont pas aussi contraignants que l’obligation de répondre de ses actes devant l’Assemblée provinciale. En clair, disent-ils, «en dehors des cas de maladies sérieuses qui doivent être établis et prouvés par au moins trois médecins, l’absence d’un gouverneur de province des débats sur une initiative de contrôle ne peut s’expliquer qu’en cas d’un motif sérieux, supérieur à sa bonne volonté et d’une durée relativement courte».
L’idée est surtout de décourager les ordres de missions ou les invitations qui tombent au moment où une motion -ou pétition- a été notifiée à une autorité provinciale. Ce phénomène commence à déranger au niveau des institutions judiciaires compétentes pour arbitrer les conflits dans les provinces.
Depuis quelques jours, les réflexions sont faites pour le décourager après des constats déplorés dans les différentes provinces. D’après la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle, le respect des droits de la défense a comme corolaire le principe de contradiction qui veut que l’accusé soit mis à même de discuter les griefs formulés contre lui en présentant ses moyens de défense. C’est le principe contradictoire ou de la contradiction. Cependant, dans plusieurs cas, la Cour a eu à déclarer fondées toutes requêtes par lesquelles les requérants ont été déchus de leurs postes sans avoir été mis dans les conditions de présenter leurs moyens de défense, ce, alors qu’ils étaient en missions officielles en dehors de la province. Dans le cadre d’un requérant qui est en mission officielle, est-ce qu’il est fondé d’invoquer la violation du droit de la défense, lorsqu’après un long séjour, en dehors de sa province, il venait à être déchu par une Assemblée délibérante? La question vaut son pesant d’or.
En RD-Congo, le juge constitutionnel n’a pas manqué de recadrer certains requérants qui ont voulu s’appuyer de manière abusive sur sa jurisprudence, en invoquant les prolongations injustifiées des missions officielles en dehors de la province alors qu’ils étaient notifiés des griefs portés à leurs charges et régulièrement notifiés des dates prévues pour présenter leurs moyens de défense. On a souvent constaté que la Cour a fait observer qu’il était étonnant que le requérant qui avait déjà sollicité et obtenu un report d’un mois pour bien analyser les griefs mis à sa charge, soit le même à solliciter un nouveau report pour un rendez-vous à Kinshasa avec l’équipe de contrôle de l’IGF, alors qu’aucune pièce du dossier ne renseigne qu’il a été officiellement invité par cette institution.
Sa conclusion est sans appel; le requérant a usé des procédés dilatoires pour faire échec à l’initiative du contrôle parlementaire. Cette jurisprudence a abouti à la conclusion selon laquelle le requérant a été mis dans les conditions d’exercer ses droits de la défense du fait de l’information portée à sa connaissance avec indication des faits, de la date et du lieu pour présenter ses moyens, même s’il invoque qu’il était en mission officielle en dehors de la province, dès lors qu’il n’a pas présenté aucune pièce lui accordant une prolongation de sa mission au-delà de la date prévue pour son audition devant l’Assemblée délibérante.
Enfin, la jurisprudence a voulu démontré qu’en dehors d’un cas de force majeure, il relève de la responsabilité de l’Exécutif provincial de répondre en priorité à l’invitation de l’organe délibérant et ne pas se fonder sur un allongement indéterminé du séjour en dehors de la province sur base d’un ordre de mission signé par l’autorité provinciale devant faire l’intérim.
Tino MABADA