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Gouvernement-importateurs: profond désaccord autour de la structure des prix des surgelés

L’annonce de la baisse des tarifs des produits surgelés a certes réjoui les gagne-petit mais elle a révélé les tensions entre le ministre de l’Economie et les importateurs encadrés par la Fédération des entreprises du Congo qui évoquent la violation de l’article 6 de la Loi n°18/020 du 09 juillet 2018 relative à la liberté des prix et à la concurrence ainsi que des principes de l’économie du marché…

Le gouvernement du Président Félix Tshisekedi veut baisser les prix des produits de première nécessité. A l’issue du Conseil des ministres du vendredi 25 juin, l’Exécutif a annoncé que les prix suivants proposés par le ministre de l’Economie devraient être appliqués sur les surgelés: moins de 10 dollars pour un carton des cuisses de poulet de 10 kilos, autour de 10 dollars le carton de poulet de 10 kilos, 15 dollars par carton des côtes de porc de 10 kilos et 17 dollars par carton de 30 kilos des chinchards 16+. Les tarifs ainsi revus à la baisse devraient contribuer au renforcement du pouvoir d’achat de la population.

La nouvelle a certes réjoui les gagne-petit mais elle est susceptible de provoquer la guerre des prix entre le gouvernement et les importateurs des vivres frais encadrés par la Fédération des entreprises du Congo -FEC- étant donné que l’annonce gouvernementale a révélé les tensions entre les deux parties et l’échec des pourparlers initiés le 24 juin par le ministre de l’Economie. Derrière la sérénité affichée par le ministre Jean-Marie Kalumba Yuma pendant la présentation du dossier au Conseil des ministres se cachait le constat des négociations orageuses.

Plainte et arguments de la FEC

Via son administrateur délégué, Kimona Bononge, le patronat avait déjà décidé de briser le silence dans une correspondance adressée au Premier ministre Sama Lukonde le 25 juin, sollicitant une audience en vue de lui soumettre leurs «préoccupations majeures en rapport avec la problématique de la structure des prix des produits en discussion avec le ministre de l’Economie nationale».

Le patronat a également fait savoir au Premier ministre qu’aucun compromis n’a été trouvé entre Kalumba et les opérateurs économiques sur la structure des prix proposée par le Cabinet du ministre. Sauf que la correspondance de la FEC a été transmise le jour même, précisément à 15 heures, pendant que le Chef du gouvernement s’apprêtait à boucler le Conseil des ministres et, par voie de conséquence, sa demande n’a pas pu être examinée, alors que le ministre de l’Economie a eu le temps de faire passer ses propositions à la réunion du gouvernement à appliquer, selon la lettre de la FEC, à partir de mardi 29 juin 2021.

Tout en soutenant les efforts du gouvernement tendant à améliorer le vécu quotidien de la population, la FEC a voulu rappeler au Premier ministre que la République Démocratique du Congo est dans une économie de marché, système que le pays a librement adopté, où les prix des produits sont fonction de l’offre et de la demande.

La FEC a, à ce propos, évoqué l’article 6 de la Loi n°18/020 du 09 juillet 2018 relative à la liberté des prix et à la concurrence qui stipule que les prix des biens et services sont librement fixés par ceux qui en font l’offre. Ils ne sont pas soumis à homologation préalable mais doivent, après qu’ils aient été fixés, être communiqués, avec le dossier y afférent, au ministre ayant l’Economie nationale dans ses attributions pour un contrôle a posteriori. Le ministre Kalumba, son cabinet et l’ensemble du gouvernement semblent avoir ignoré ces dispositions légales et la mesure édictée vendredi le 25 juin tombe, aux yeux des patrons, dans l’illégalité.

Comment en est-on arrivé là? La FEC a révélé les menaces proférées aux importateurs par le ministre. Dans une autre correspondance datée du 25 juin 2021, le patronat a dénoncé avec «toute véhémence» l’attitude «menaçante» du ministre de l’Economie, révélant que les importateurs ont été victimes des «menaces et propos désobligeants» pour les «contraindre à appliquer» une structure hors «vérité des prix».

Enquête en Belgique auprès des producteurs

En fait de vérité des prix, les observateurs parlent des tarifs appliqués par les pays producteurs des surgelés, notamment 24, 29 dollars par carton de poulet au Canada et en Europe,  et 21 dollars pour un carton des cuisses de poulet de 10 kilos, et se demandent comment et pourquoi obliger les importateurs à écouler les mêmes produits à 10 dollars le carton après importation vers la République Démocratique du Congo sans l’amélioration préalable de la politique de l’offre nationale en la matière ou la réforme de la fiscalité et de la parafiscalité.

Le gouvernement, a expliqué dimanche le ministre de la Communication et des Médias Patrick Muyaya, a de toute évidence levé l’option de travailler dans le sens proposé par le ministre de l’Economie mais ce n’est pas lui qui va fixer les prix. «Des arrêtés et autres décisions qui seront pris se feront en accord avec la FEC», a-t-il fait comprendre. Le porte-parole du gouvernement a été appuyé par un Conseiller du ministre de l’Economie qui a condamné le comportement des opérateurs économiques, accusés de n’avoir pas été coopératifs et de manipuler les valeurs déclarées à la douane, soutenant que ces derniers «sont libres de négocier leur marge FOB à l’extérieur mais ne peuvent pas empêcher le gouvernement, notamment le ministre de l’Economie, de jouer son rôle de régulateur des tarifs intérieurs».

Ce même dimanche, un proche collaborateur du Premier ministre a eu les explications suivantes: «Le gouvernement n’a pas encore pris une dernière décision sur les prix des surgelés. Les enquêtes vont continuer en Belgique auprès des producteurs pour déterminer les vrais prix à appliquer. Beaucoup de médias ont mal interprété le compte-rendu du Conseil des ministres prenant les prix proposés par le ministre de l’Economie pour des prix qui seront mis en application sur le marché de Kinshasa».

Le Conseiller a cependant précisé qu’en cas de persistance du désaccord, le gouvernement, soucieux de soulager la misère de la population et décidé de ne pas céder aux présumés caprices des hommes d’affaires, pourrait envisager la création de ses propres centres d’approvisionnement comme du temps de Mzee Kabila.

AKM

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