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RDC : entre Bahati et l’Union sacrée, l’idylle se poursuit malgré les frustrations

Dans le Top 3 des forces politiques du pays, l’AFDC-A a crié à la «marginalisation» alors qu’elle n’a obtenu que deux portefeuilles ministériels. En levant l’option de demeurer dans la majorité, cette formation politique n’abdique cependant pas dans son combat pour réclamer sa place dans les institutions…

Sa parole est rare, excepté quand il présidait les plénières à la Chambre haute du parlement durant le premier mandat de Félix Tshisekedi ou pour parler science, très souvent à l’ex-ISC où il est professeur. Lui, c’est Modeste Bahati Lukwebo, président statutaire et autorité morale de l’Alliance des forces démocratiques du Congo & alliés -AFDC-A. Lundi 3 septembre, il est pourtant sorti de sa cachette, le temps d’une conférence de presse animée à la salle de la CENCO à Kinshasa, pour réaffirmer son appartenance à l’Union sacrée de la nation. Pas de divorce donc entre Modeste Bahati et Félix Tshisekedi, du moins pour le moment.

Alors que des voix au sein de son clan appelaient à la clarification de sa position, l’ancien speaker du Sénat a renouvelé son «engagement à accompagner le Chef de l’État dans ses efforts de ramener la paix à l’Est de la République et de remettre le pays sur la voie du développement». Devant les cadres et militants de son parti venus en masse, le n°1 de l’AFDC-A a «résolu de calmer la tempête» après s’être «référé une fois de plus au Président de la République, garant de la justice et de la paix sociale». La décision de Modeste Bahati de se maintenir dans la majorité présidentielle intervient près de 3 mois après la publication du gouvernement Suminwa dans lequel son AFDC-A, pourtant dans le Top 3 des forces politiques, n’a obtenu que deux «maigres» portefeuilles: l’Emploi, amputé de la Prévoyance sociale, et la Formation professionnelle. Une «injustice» que Bahati a dénoncé avec véhémence, dépité par la «haine» et la «jalousie» qui plombent la cohésion au sein de l’Union sacrée de la nation.

Pour l’actuel deuxième vice-président du Sénat, l’AFDC-A, qui compte en tout 13 sénateurs, 40 députés nationaux, 77 députés provinciaux et 94 conseillers communaux, est victime d’une «marginalisation» et d’un «acharnement politique» qui ne lui ont pas permis de «tirer avantage de son dur labeur tel que l’a décidé  le peuple RD-congolais dans les urnes en décembre 2023». Du haut de sa quarantaine d’élus nationaux, ce grand bloc de l’Union sacrée espère que justice sera faite. «Nous réclamons haut et fort notre véritable place dans les institutions de la République», a tonné Modeste Bahati, sous une salve d’applaudissements, avant de rappeler la confiance qu’il voue au Président de la République, malgré les nombreux «laborantins des clichés» qui l’entourent.

«J’invite aussi mes camarades de l’AFDC-A à lui faire confiance car j’ai toujours dit qu’en politique la patience est une vertu même lorsque les gens se coalisent pour vous nuire, vous accuser faussement parfois par paresse et sur fond de jalousie et de haine», a-t-il exhorté. En attendant d’être remise dans ses droits, l’AFDC-A sera en Congrès extraordinaire prochainement pour «déterminer -la- marche à suivre». Pour Bahati, qui a rappelé ne pas être le seul à décider au sein de cette famille politique, la convocation du congrès est aussi une réponse aux multiples appels des fédérations. «Je ne peux m’opposer à la volonté de la grande base disséminée sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger. Je comprends et je partage leur chagrin et leur douleur de voir les autres récolter là où ils n’ont pas semé. C’est vrai que nos cœurs saignent!», a-t-il reconnu. Et d’enchainer: «En réponse à cette  demande générale d’un congrès extraordinaire, je voudrais rassurer mes camarades que dès la fin de la semaine en cours, une commission préparatoire sera mise sur pied pour définir les TDR, l’organisation, le budget et la date dudit congrès».

Favorable à toute démarche de cohésion nationale

De l’avis des observateurs de la politique RD-congolaise, le maintien de l’AFDC-A dans l’Union sacrée est une «preuve de constance» alors que cette formation a été la première à offrir des béquilles au Président Tshisekedi après son divorce d’avec Joseph Kabila. Ce choix avant-gardiste avait valu à Bahati d’être nommé informateur en vue de l’identification de la majorité avant d’être désigné par la suite membre du présidium de l’Union sacrée. Trois ans après la reconfiguration de la majorité au pouvoir qui a apporté un nouveau souffle au président Tshisekedi, Bahati Lukwebo et son AFDC-A ne s’en cachent plus. «Si c’était lié aux postes, nous aurions déjà claqué la porte. Nous avons été lésés et un droit resté un droit, tout travail mérite salaire. Un droit se réclame», a vociféré Bahati qui promet cependant de «continuer à être patient».

Cette patience se justifie également par le contexte très particulier du pays qui est soumis à une «guerre d’agression» dans sa partie orientale. Aux côtés du président Tshisekedi, l’AFDC-A rêve d’un retour rapide de la paix durable dans cette partie du pays mais aussi ailleurs, notamment à Kwamouth et ses environs, en proie à la milice Mobondo. «Toute voie qui nous mènera à cette paix, elle est la bienvenue. Qu’elle soit militaire, diplomatique  ou économique. Tant qu’elle épargnera des vies humaines, qu’elle mettra fin aux déplacés de guerre, aux violences de toute nature, à la violation massive des droits humains, au pillage de nos ressources naturelles, cette voie-là bénéficiera de notre soutien», a fait savoir Bahati Lukwebo.

Cette paix voulue par tous exige cohésion nationale, un message qui prend de l’épaisseur ces derniers jours avec notamment les virées de l’opposant Fayulu. Bahati, lui, a supplié «les éventuels faucons, extrémistes, personnes aux cœurs d’acier et même les supposés courtisans de s’éloigner du Chef de l’Etat» afin d’épargner la vie des innocents. «Si nous sommes jaloux de conserver notre vie, acceptons qu’il en soit ainsi pour ces papas, ces mamans, ces jeunes, ces enfants qui sont fauchés sans raison en Ituri, au Nord Kivu et ailleurs», a-t-il insisté, non sans faire observer la minute de silence en mémoire des victimes de la barbarie rwandaise.

Lui-même originaire de la région du Kivu, Bahati garde frais dans sa mémoire la genèse de cette crise, vieille de 30 ans quand la RD-Congo a accepté d’héberger des réfugiés rwandais. «Notre pays paie le prix de son hospitalité. Les efforts fournis jusque-là par le gouvernement de notre pays pour mettre fin à cette guerre d’agression n’ont pas donné des résultats satisfaisants à cause des trahisons et des  complicités internes», a-t-il déploré, proposant en même temps d’assainir les troupes en général et les officiers en particulier afin de migrer vers une armée républicaine et dissuasive.

Pour gagner cette guerre, Bahati a plaidé pour une «attention particulière» à l’endroit des hommes et femmes en uniforme servant sous le drapeau, tout en renforçant la bonne gouvernance notamment par l’accentuation de la lutte contre la corruption et l’impunité qui, selon lui, demeure un grand fléau en RD-Congo.

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