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RDC: Comibakat roule l’Etat, Fifi Masuka se cache derrière

Des informations fouillées, documentées et inédites détaillent des indications sur la maffia orchestrée dans le secteur minier au Lualaba avec des complicités au plus haut sommet de la province. Une enquête menée pendant plusieurs mois, au péril de leur vie, par deux journalistes d’investigations vivant à Kolwezi, Ben Akili et Henry Le Vôtre Kalala, complétée par des recherches d’«AfricaNews», analysant le parcours et les activités obliques de la Coopérative pour le bien-être des artisanaux du Katanga -COMIBAKAT. Cette structure a obtenu, le 30 avril 2021, via un courrier officiel signé de la main de Madame le vice-gouverneur et gouverneur a.i. du Lualaba, Fifi Masuka Saini, l’autorisation d’encadrer les exploitants miniers artisanaux sur le site de Kimbalasani.

«J’accuse bonne réception de votre lettre sans référence du 28 avril courant dont l’objet est mieux émargé en exergue et vous en remercie. Subséquemment à votre demande, compte tenu de vos affirmations que vous détenez des moyens financiers, techniques et matériels conséquents pour cet encadrement sollicité, de ce fait, je vous autorise cet encadrement et ce dans le strict respect des lois et règlements ainsi que du manuel de traçabilité des produits miniers marchands de notre pays», a écrit Fifi Masuka. Problème, le site de Kimbalasani est un des périmètres concédés à l’entreprise minière Boss Mining.

Les fouilles des investigateurs ont démontré que, au-delà de Kimbalasani, COMIBAKAT a frauduleusement élargi ses activités sur neuf autres périmètres, parmi les plus riches, dont «AfricaNews» a obtenu la liste. Il s’agit de Tshala, Pumpi, Tulizembe, Kisangu, Kapombo, Mashamba, Kabundji-Menda, Disele et UCK.

Les enquêteurs ont aussi constaté que COMIBAKAT a basculé dans l’exploitation industrielle de cuivre à Kabundji-Menda. En tant que coopérative, COMIBAKAT triche en utilisant les machines sans avoir au préalable le contrat avec les concessionnaires. Selon Ben Akili et Henry Le Vôtre Kalala, citant des statistiques vérifiables auprès du ministère provincial des Mines, de la Division provinciale des Mines et du Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle -SAEMAPE-, COMIBAKAT a sorti 42.000 camions de janvier à juin 2021, à raison de 120 camions le jour, sans payer les droits.

«La Loi interdit qu’une structure exploite simultanément de manière artisanale et industrielle. Si une coopérative d’artisans miniers s’adonne à une exploitation industrielle, elle est tenue de payer la redevance minière. Ce qui n’est pas le cas pour COMIBAKAT, qui ne paie pas non plus les taxes imposables aux coopératives», a accusé un responsable de la Division des Mines du Lualaba. Il suffit de multiplier 42.000 camions par 400 dollars ou 800 dollars taxés selon que la cargaison se déplace dans les frontières du Lualaba ou en dehors de celles-ci pour réaliser le manque à gagner enregistré par le Trésor public.

Le rôle de Fifi Masuka

Le directeur provincial du SAEMAPE, Georges Nyembo Kitungua, a cru nécessaire d’alerter Mme le gouverneur Fifi Masuka via la copie de la correspondance datée du 24 mai 2021, écrite à l’attention du chef de Division provinciale des Mines du Lualaba.

«Considérant que plusieurs périmètres miniers concédés ont fait ou font l’objet d’une exploitation minière artisanale, nous vous saurons gré de nous transmettre les contrats des opérateurs industriels avec les concessionnaires afin que nous prenions les dispositions nécessaires car l’exploitation minière artisanale ne peut se faire concomitamment avec l’exploitation industrielle», a aussi expliqué le responsable provincial du SAEMAPE. Erreur. Il s’en est tiré avec des mises en garde et des menaces de licenciement depuis le Cabinet de Mme le gouverneur a.i, à en croire les auteurs de cette alerte.

A0596_2013

Et depuis, Georges Nyembo a toujours fait parvenir directement ses rapports à Mme le gouverneur a.i. plutôt qu’au ministre provincial des Mines et au chef de Division provinciale des Mines dont dépend directement le SAEMAPE/Lualaba. En témoigne son courrier du 6 juillet 2021 portant transmission du répertoire des avis techniques des coopératives et des sites, envoyé à Mme le vice-gouverneur et gouverneur a.i, plutôt qu’au ministre provincial et au chef de Division provinciale des Mines, du reste contraints de lire en copie.

«AfricaNews» a creusé et fini par découvrir; à la grande surprise, pourquoi Fifi Masuka se montre complaisante à l’égard de COMIBAKAT, cette coopérative qui a reçu l’agrément via l’arrêté 0596 du 05 octobre 2013 signé par l’ancien ministre des Mines, Martin Kabwelulu Labilo. Mme le gouverneur a.i du Lualaba tient un rôle capital au sein de cette mutuelle. Les statuts joints à l’arrêté d’agrément délivré par Kabwelulu renseignent que Fifi Masuka est le président du Conseil de gestion de COMIBAKAT, suivant l’extrait du procès-verbal de l’Assemblée générale du 15 novembre 2012, alors que son frère Kevin Masuka Saini y assume les fonctions de secrétaire. Comme pour flouer l’opinion, la coopérative est actuellement dirigée par Alain Kapupa Izamba, membre délégué, comptable au gouvernorat du Lualaba à l’époque des Commissaires spéciaux, réputé cousin de Fifi Masuka.

Moralité: n’allez donc pas demander à Mme le gouverneur a.i du Lualaba d’appliquer les Lois et règlements miniers vis-à-vis d’une structure trempée dans la fraude minière et fichée par les services compétents de la province et à laquelle elle est étroitement liée! «Par sa lettre du 30 avril 2021 envoyée à COMIBAKAT pour opérer dans le périmètre de Kimbalasani, Mme le gouverneur a.i s’est donc saisie elle-même via le directeur placé aux commandes de cette boîte. Les statuts prouvent à suffisance que l’autorité provinciale se cache derrière, sinon les deux personnes physique et morale, notamment Fifi Masuka et COMIBAKAT, ont des intérêts communs et travaillent au détriment à la fois de la province et du pays», a commenté à Kolwezi un activiste d’un mouvement anti-corruption.

KISUNGU KAS

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