Risque d’irruption des fake news dans le débat électoral en République Démocratique du Congo. Lundi 26 mars, les réseaux sociaux ont servide canal à une tentative de désinformation de la population de la RD-Congo dont les yeux sont rivés sur le déroulement du processus électoral. Pour le pire, des anonymes ont balancé simultanément sur WhatsApp, Twitter et Facebook, une liste des 170 personnalités désignées d’office pour siéger à la prochaine Assemblée nationale! Cette mouture est naturellement attribuée à la Majorité présidentielle, qui travaillerait en connivence avec des équipes de la Cellule d’informatique et vérification de la CENI. Ce débat n’est pas sans rappeler ceux qui ont traversé le Royaume-Uni après le vote en faveur du Brexit, les Etats-Unis après la victoire de Donald Trump ainsi que l’Espagne après le vote en Catalogne en octobre 2017. Ou même en France, quand Emmanuel Macron s’est proposé de minuter une Loi contre les fausses nouvelles en période électorale. Mais sans trop relier les situations aussi différentes, une réelle forme de désinformation est observée dans le cas de la liste mise en circulation lundi sur les réseaux sociaux. Des fake news se mêlent dans la partie électorale en République Démocratique du Congo. Une analyse froide de ce document de 4 pages non signé ressemblant à un tract, permet de réaliser qu’il s’agit d’un faux grossier, caractérisé par plusieurs incohérences logiques et fautes d’orthographe.
Le doc est présenté comme négocié entre la Majorité et la CENI mais il comporte aussi des noms de certains opposants. Problème principal: la fameuse «Cellule d’informatique et vérification» où la fraude doit s’opérer n’a jamais existé à la Centrale électorale. «La CENI tient à dénoncer avec la plus grande fermeté les documents fallacieux qui circulent avec une pseudo-liste des prétendus élus aux élections à venir. La machine des fake news n’ébranle en rien notre détermination à offrir les élections crédibles au peuple de la RDC», a réagi sur Twitter le président de la CENI, Corneille NangaaYobeluo. La presse parue mardi a déduit qu’il s’agit d’une manœuvre dont l’objectif est de discréditer à la fois la CENI, le processus électoral et la Majorité présidentielle, accusée de truquer les élections en sa faveur. Au moindre passage au peigne fin, il y a de quoi être surpris par l’objet du document: «Scanner les noms sur le serveur central avant traitement des dossiers des candidatures aux députés nationaux». Et un analyste de chercher à savoir s’il s’agit des personnes à débaucher le moment venu ou déjà débauchées et pourquoi tout le monde est déjà désigné comme «honorable» alors que tous ne le sont pas actuellement.
L’invraisemblable dans cette liste réside aussi sur le fait que parmi ces députés nommés on reprend Clément Kanku, le président du MR en séjour prolongé à l’étranger depuis qu’il a été cité dans le dossier KamuinaNsapu, ou Ne Muanda Nsemi, gourou de BDK entré dans la clandestinité depuis son évasion de la prison de Makala. Bien que leurs noms figurent sur la liste, la situation est telle qu’il leur sera difficile de postuler ou de participer aux élections de décembre 2018, à moins de bénéficier des mesures de décrispation. Le document serait destiné à contacter ces personnalités pour qu’elles fournissent certaines données. Mais on en voit qui sont à l’étranger ou séjournent ici au pays avec des numéros bouchés ou hors du périmètre cellulaire. Cité parmi les 170 «privilégiés», Jonas Tshiombela, coordonnateur de la Nouvelle Société civile du Congo -NSCC- et l’un des animateurs du Comité laïc de coordination -CLC- hostile au pouvoir de Kinshasa, estime que «cette liste est une fausseté, une histoire montée de toutes pièces».
Une réaction isolée certes mais des analyses qui suffisent pour remettre en cause l’authenticité du document en circulation, où la Majorité présidentielle retranscrirait mal les noms de certains de ses cadres et accepterait de partager de manière quasi équitable les 170 sièges convoités avec des personnalités membres de l’Opposition.
A titre d’exemple, le nom de Richard Ndambu est repris deux fois, aux numéros 91 et 104. KimbembeMazunga devient KimbembeMazunda. Les noms de Toussaint Mika, Jean-Claude Baende, Ngoyi Kasanji, Maker Mwangu sont également massacrés.
Pour un document supposé sensible, destiné à planifier une fraude électorale, cela parait trop beau et facile pour être vrai.
Tino MABADA