Sama Lukonde arrive à la Primature quelques semaines après les consultations politiques menées par le président de la République Félix Tshisekedi à l’origine de la naissance de l’Union sacrée. Reçu le 15 février 2021 au Palais de la Nation, le tout nouveau premier ministre promet de faire de la sécurité le domaine prioritaire de l’action de son gouvernement. S’il prend les manettes de commande le 26 avril 2021, l’état de siège, sa recette proposée pour ramener la paix et la sécurité au Nord-Kivu et en Ituri, est décrété début mai, soit moins d’une semaine après l’investiture de son équipe. Mais depuis lors, estiment ses détracteurs, il y a un manque de résultat concret.
Un ancien ministre de l’Intérieur devenu critique en chef l’accuse à plusieurs reprises, en privé, d’être à court d’inspiration et d’idées pour en finir non seulement avec les ADF mais aussi le M23, ce mouvement militaire appuyé par le Rwanda, qui a pris le contrôle de Bunagana depuis le 9 juin 2022. «La chute de Bunagana, en plein état de siège, et l’inefficacité de toutes les autres mesures prises dans la foulée par le gouvernement Sama pour vaincre les forces négatives, ajoutées au douloureux anniversaire du conflit communautaire et meurtrier entre les Teke et les Yaka, sont les preuves que le dossier sécurité échappe au contrôle du Premier ministre», commente cet ancien ministre de l’Intérieur, évoquant des placards empuantis à la Primature, faisant l’inventaire de cinq autres dossiers que le chef du gouvernement ne sait gérer jusqu’à présent et qui constituent les tâches noires de sa gouvernance.
Il s’agit notamment du Décret organisant son propre cabinet, du Décret de déguerpissement de la Police nationale du QG du Casier judiciaire et de celui levant les mesures sur le Coronavirus ainsi que la gestion désastreuse des finances publiques qui, à ses yeux, poussent et risquent de pousser davantage les administrés à se montrer critiques à l’égard du Chef de l’Etat. «Au lieu qu’il soit le bouclier du président de la République, comme c’est le cas presque partout à travers le monde, c’est le Président Félix Tshisekedi qui, au contraire, reçoit tous les coups et devient le bouclier du chef du gouvernement», gronde encore l’ex-patron de l’Intérieur affirmant que «la grogne gagne tous les secteurs et la situation n’est pas bonne à six mois des élections contrairement à ce que l’on fait croire à Félix Tshisekedi».
Primature, QG du Casier judiciaire et levée des mesures Covid-19: ces Décrets jamais signés!
«La décision ne nous appartient pas. Nous attendons tous que l’autorité compétente lève ces mesures pour ne plus vous soumettre au contrôle sur le Coronavirus» vocifère mardi 27 juin dans la journée un agent du Programme national de l’hygiène aux frontières -PNHF-, lassé comme ses autres collègues en poste à l’aéroport international de Ndjili de subir la colère des voyageurs étonnés d’être encore soumis aux mesures de contrôle de Covid-19. L’agent du PNHF ne raconte pas sa vie. Ce problème figure parmi les soucis qui font poser des questions sur les capacités de réaction du premier ministre. Alors que les mesures de contrôle de Covid-19 aux frontières internationales ont depuis été levées, les tracasseries pour cette pandémie continuent jusqu’à présent dans les frontières de la République Démocratique du Congo, notamment à l’Aéroport international de Ndjili, où les voyageurs énervés sont peu tendres avec le Président de la République aux sorties et aux entrées des aérogares nationale et internationale de Ndjili.
Jeudi 22 juin, une dame et ses deux filles en partance pour Lubumbashi ont été contraintes au paiement de 135 dollars parce qu’elles avaient laissé à la maison leurs papiers Covid-19, témoignent des sources aéroportuaires. L’incident se déroule dans la salle d’attente pour passagers. La dame sort les derniers billets de 10 dollars rangés dans son sac avec une mimique traduisant sa déception et sa douleur d’être extorquée. Selon les informations recoupées, «les services compétents, l’INRB en particulier, ont plusieurs fois écrit à Sama Lukonde pour lever ces mesures mais certains intérêts bloquent encore le Décret du premier ministre. Aussi longtemps que c’est Fatshi qui reçoit les coups, lui il s’en fiche», tonne un cadre à l’INRB.
Même rage au Casier judiciaire, dans les locaux du Palais de justice, où un Inspecteur se demande s’il faut «une nouvelle campagne de vulgarisation pour que certains dirigeants et concitoyens comprennent que la gestion administrative, financière et politique des services publics de l’État incombe au premier ministre et non au Chef de l’État, selon la Constitution de 2006».
L’ire de cet inspecteur se fonde sur le fait que «le premier ministre Sama tarde à signer un nouveau Décret pour déguerpir les éléments de la Police Nationale Congolaise qui occupent illégalement les installations du Casier judiciaire et du BCN Interpol à Gombe alors que le Conseil d’Etat avait annulé le Décret pris par un de ses prédécesseurs qui versait à la Police
Nationale le patrimoine des Inspecteurs Judiciaires des Parquets».
Pire, ce problème de Décret se pose aussi à la Primature où le Cabinet de Sama Lukonde fonctionne sans être organisé par un texte légal, deux ans après son installation. «Je vous jure qu’aucun Décret n’a encore été pris alors que nous sommes ici depuis plus de deux ans déjà. Une catégorie de collaborateurs du PM, constituée essentiellement de ses proches, amis, anciens compagnons et autres recommandés privilégiés a droit à tout et passe par une banque de la place pour le traitement mensuel. Une autre, composée des laissés-pour-compte, se contente de ce qu’on appelle «Assistance financière», représentant plus ou moins 1000 dollars payés tous les deux mois», confie un chargé d’études, précisant que des partis alliés dont l’UDPS n’arrêtent pas de se plaindre de cette situation.
Selon ce chargé d’études courroucé, «le premier ministre promet toujours de signer un Décret pour rectifier le tir mais ne fait jamais rien dans ce sens». A l’opposé, le premier ministre a récemment signé deux décrets susceptibles de faire saigner les caisses de l’Etat dans la mesure où ils accordent des avantages financiers indus à certains mandataires passifs et à des députés nommés administrateurs mais déjà pris en charge par le Trésor public, notent ses pourfendeurs parlant des raisons électoralistes.
Gestion chaotique des finances publiques
Le sénateur Tristan Etumba remet carrément en question le leadership du premier d’entre les Warriors. «Vu le taux de dollar qui grimpe sans arrêt, je crois que le plus faible de ce gouvernement, c’est en réalité Sama Lukonde qui peine à convaincre tout le monde. Leadership quasi nul, politique naviguée à vue, pas de chronogramme. Il a fini par être déniché», lit-on dans un message posté sur Twitter par le fils de l’ancien chef d’état-major général des Fardc, Didier Etumba.
Selon les économistes, la gestion des finances publiques est chaotique. Au budget désormais réputé irréaliste de 16 milliards de dollars s’imbriquent les déficits financés par la planche à billets, la dépréciation continue du Franc congolais, la perte du pouvoir d’achat de la population et le retard dans le versement des salaires avec risque d’hypothéquer les élections prévues en décembre prochain tandis que la dette publique a presque doublé en 4 ans passant de 5,6 milliards de dollars à 10 milliards actuellement…