Samedi 9 décembre, 21ème jour de campagne électorale pour les élections du 20 décembre, Kinshasa était, à son tour, dans la fièvre du candidat n°3 à la Présidentielle. Arrivé le même jour peu après midi, Moïse Katumbi s’est vu imposer une longue procession d’environ 15 kilomètres, de l’Aéroport international de N’Djili à la Place Sainte Thèrese, dans la commune de N’Djili, où il a tenu un meeting devant environ 100.000 personnes. Chemin faisant, Katumbi, véritable alternative aux «échecs de ces cinq dernières années», a communié avec une foule en liesse, venue voir son «Moïse».
A Kinshasa comme partout où il est passé durant cette campagne électorale, Katumbi n’avait jamais autant porté son prénom qu’en cette période, où il porte un message évocateur: «Tolembi pasi», un véritable hymne contre les injustices sociales, érigées en mode de gouvernance dans un pays où le faussé entre les riches et les pauvres s’est encore approfondi ces dernières années. Sur sa route, des chants en l’honneur du #3 et plusieurs jonctions des foules, sortant de quartiers et ruelles tangents au boulevard Lumumba pour compléter l’interminable serpent humain. «Katumbi, libère-nous de ces prédateurs», scandaient des populations émerveillées de voir son nouveau chouchou. Dans le chaud district de la Tshangu, le plus peuplé de la ville, Katumbi a su tenir son rang, celui d’un homme politique à la dimension nationale.
Katumbi et la «mission divine» de libérer la RD-Congo
Encadrée par cette pléiade humaine, Katumbi a avalé les 15 kilomètres en un peu moins de 2 heures. Sur le boulevard, le convoi a été attaqué à deux reprises par deux groupes d’inciviques, arborant fièrement les calicots d’un candidat député de l’Union sacrée de la nation -USN. A chaque fois, la Police est intervenue pour éviter la riposte des partisans de Katumbi, prêts à en découdre pour défendre leur champion.
Arrivé finalement à la Place Sainte Thérèse vers 16 heures, Katumbi n’a pas mis des gants pour démontrer par A+B l’échec du régime Tshisekedi. Celui qui se veut désormais porteur d’une «mission divine» pour libérer la RD-Congo a, en un temps deux mouvements, après la lecture d’un oracle du prophète Esaïe par Olivier Kamitatu, démoli les «prétendus acquis» de Félix Tshisekedi. Avant son grand oral devant les Kinois, le #3 a rendu hommage aux victimes de la guerre dans l’Est du pays et à Chérubin Okende, porte-parole de son parti, retrouvé mort à bord de son véhicule et dont l’enquête piétine. Par la suite, Katumbi a activé sa VAR.
Bemba recadré
D’entrée de jeu, le #3 a d’abord rappelé l’identité de certains anciens rebelles, aujourd’hui blanchis par le pouvoir et qui se sont érigés en donneur de leçons. Allusion faite à Jean-Pierre, leader de la rébellion soutenue par l’Ouganda au début des années 2000 et qui a accusé Katumbi, la semaine passée et dans le même district de la Tshangu, d’être au service de deux maitres. «Dans ce pays, nous savons ceux qui ont pris des armes contre Mzee Kabila pour déstabiliser ce pays. Ces rebelles sont connus de tous. Katumbi n’a jamais pris les armes. Je suis un enfant et Dieu», a-t-il cogné en introduction.
La deuxième VAR, le #3 l’a dirigée contre les besoins sociaux de base à Kinshasa. La ville capitale baigne dans un régime de délestage et la desserte en eau potable est loin d’être permanente. «Ils n’ont fait que mentir et promettre durant ces 5 dernières années. Rien n’a changé, vous devez leur dire au revoir», a exhorté Katumbi quand la foule répondait: «Tshisekedi doit partir, il doit partir!».
«Le 20 décembre, il faut les chasser en votant pour le n°3. J’ai une mission divine pour libérer ce pays», a sollicité par la suite le candidat de la plateforme «Congo ya makasi», obtenant dans la foulée l’adhésion de la foule. Pour Katumbi, le 20 décembre est aussi une journée de fête nationale. «Ce sera la libération de la nation», a-t-il annoncé, non sans appeler les Kinois à une veillée électorale: «ne quittez pas les bureaux de vote sans avoir assister à l’affichage des résultats».
Alors qu’il a promis la veille, à l’étape de Masi-Manimba, d’inonder le marché kinois des produits de grande consommation aux premières de son mandat, Katumbi a rappelé une autre promesse non tenue de son adversaire à la présidentielle: la baisse des prix des vivre-frais. A ce jour, le panier de la ménagère a subi de plein fouet les effets de l’inflation, les prix sur le marché ayant doublé ces quatre dernières années. L’épineuse question du taux versatile du dollar américain a également été abordée. Katumbi a promis de prendre des mesures indiquées dès ses premières heures au Palais de la nation pour endiguer ce fléau. «Kinoises et Kinois, vous n’allez pas manger les promesses», a-t-il tancé.
Après avoir été bloqué dans un monstrueux embouteillage sur le boulevard Lumumba, seule voie d’accès vers l’Aéroport international de N’Djili, Katumbi n’a pas caché son désarroi face au déficit de leadership au sommet du pays avec une capitale sans métro, ni routes de contournement. Une donne qu’il entend changer rapidement.
Les jeux de hasard, cet autre bilan de Tshisekedi
Une fois élu, Moïse Katumbi prévoit d’entamer de «grands travaux» pour redonner à Kinshasa sa robe reluisante de Kin La belle en asphaltant les grandes routes. «Nous allons faire de cette ville le miroir de l’Afrique centrale», a promis le #3 sous la clameur de la foule, sonnant le glas du pouvoir de Tshisekedi à travers une chanson en lingala: «Fatshi, oyebela, mandat esili -traduisez: Tshisekedi, plie tes bagages, ton mandat est terminé».
Alors qu’un des collaborateurs de Tshisekedi a évoqué, sur les antennes de «TV5 Monde», il y a quelques jours, un chiffre de 2 millions d’emplois créés en 5 ans par l’actuel régime, les Kinois se sont lamentés d’être des laissés-pour-compte du régime. «Nous n’avons plus que les jeux de hasard pour espérer gagner un peu d’argent», s’est plaint en chœur la foule présente à la Place Sainte-Thérèse. Aux grands maux, de grands remèdes, Katumbi compte créer des emplois pour la population et sait apparemment comment s’y prendre. «Ils ont tué le pays. Nous allons mettre fin à ces bêtises, vous aurez du travail. Je ne cherche pas le pouvoir pour m’enrichir, je ne suis pas un démuni. Je ne toucherai à aucun salaire comme Président de la République», a-t-il indiqué.
A Kinshasa, les retrouvailles et la réconciliation
L’autre fait marquant du meeting aura été la présence de Jacky Ndala, responsable de la Jeunesse Ensemble pour la République et candidat député national à Tshangu, ainsi que celle de Daniel Safu, autre leader du parti de Katumbi dans la ville de Kinshasa et candidat député national au Mont-Amba. Ce dernier, en clandestinité depuis plusieurs mois, a refait surface, à la grande surprise de la foule, chauffée à blanc par cet harangueur. «Ils ont volé l’argent du RAM et l’utilisent maintenant pour se taper des immeubles. S’ils disent que Katumbi est étranger, c’est parce qu’ils n’ont plus aucun argument. Moi, je peux vous rassurer, Katumbi est un des nôtres», a tonné Daniel Safu.
Bien avant Katumbi, les alliés de Katumbi dont Delly Sesanga, Matata Ponyo, Franck Diongo, Seth Kikuni et Jean-Claude Mvuemba ont pris la parole. Tous ont passé un seul message: «Le 20 décembre, il faut un vote sanction contre l’actuel régime». Franck Diongo a appelé à ne voter pour aucun candidat député de l’Union sacrée de la nation. Pour Delly Sesanga, Tshisekedi a prouvé, au bout de 5 ans, qu’il est «improductif» avec un mandat plein de «détournement», promettant à la population la transformation du «béton» -surnom donné au Président sortant Félix Tshisekedi- en boue, prête à être raclée.
La démonstration de force de Katumbi dans la ville de Kinshasa intervient dans un contexte où plusieurs campagnes d’intimidations s’étaient levées pour empêcher au candidat n°3 d’effectuer l’étape de la capitale. Son succès est une nouveau pas franchi dans sa marche vers son rêve de bâtir un «Congo nouveau». Après l’étape de la capitale, la caravane du #3 est annoncée dans le Kongo central et dans le Grand Kasaï cette semaine avant d’aborder la dernière étape dans l’espace Katanga dès le weekend.