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Guerre dans l’Est : la sauce Kambinga pour vaincre le Rwanda

«La guerre est un problème, la guerre est le principal frein à notre processus de développement (…) Étudions le Rwanda, étudions notre ennemi, et nous nous rendrons bien compte que c’est un ennemi à notre portée. Un mois suffirait. (…) Réunissez, M. le Président de la République, les généraux à la retraite, de l’époque de Mobutu, de l’époque de Mzee, de l’époque de votre prédécesseur, prenons cette guerre comme une des priorités», propose l’ancien ministre de l’Industrie…

L’année 2024 aura été une année difficile pour la RD-Congo, marquée par la mise en place des institutions issues des élections générales de décembre 2023 et surtout par la guerre dans l’Est du pays. A l’aube de 2025, les populations rêvent d’une meilleure année. C’est aussi le vœu de l’homme politique RD-congolais Germain Kambinga. Dans un clip diffusé sur ses réseaux sociaux, le 31 décembre 2024, le président du mouvement «Le Centre» est d’avis que l’avenir du pays est menacé. «Le combat qui doit être celui de ceux qui nous dirigent est de faire en sorte que l’avenir soit une espérance. Ce n’est pas facile», reconnaît-il.

Selon Kambinga, la guerre imposée par le Rwanda et ses supplétifs du M23 est une «épine» au pied de la RD-Congo, handicapant ainsi le processus de normalisation du fonctionnement de la nation. La guerre, argumente-t-il, empêche l’essor économique du pays, pourtant doté des ressources humaines et naturelles capables d’en faire un géant socio-économique dans cette ère de transition écologique. Avec un sous-sol riche en minerais rares, la RD-Congo, qui a tout pour se développer, se retrouve, paradoxalement avec une épargne pas suffisamment importante. Cette situation désastreuse est aggravée par la guerre qui augmente le risque-pays, rendant ainsi difficile les investissements. «La guerre est un problème», tonne Kambinga, dépité de voir ce «principal frein» au développement perdurer, avec le quitus des «officines internationales qui ont transformé la République démocratique du Congo à travers un raccordement frauduleux en une source bon marché des matières premières stratégiques».

Faire bloc pour comprendre et vaincre le Rwanda

Aux grands maux, les grands remèdes. Kambinga espère voir les dirigeants considérer la fin de la guerre comme une priorité stratégique en 2025. «Nous proposons au Président de la République de prendre le courage de convoquer une réflexion stratégique et nationale sur la sécurité intérieure, comment restructurer le fonctionnement de notre pays au regard de cet impératif sécuritaire», plaide-t-il. Cette démarche de l’ancien député de Lukunga vise à placer les services de sécurité de la RD-Congo au diapason de la problématique, devenant plus une armée stratège que guerrière.

Finir la guerre passe avant tout, de l’avis de Kambinga, par une meilleure compréhension du Rwanda et de ses méthodes. «Étudions le Rwanda, étudions notre ennemi, et nous nous rendrons bien compte que c’est un ennemi à notre portée. Un mois suffirait, si la RD-Congo comprenait le Rwanda, étudiait le Rwanda comme un ennemi de la RD-Congo avec ses dirigeants», dit l’ancien ministre de l’Industrie.

Depuis quelques années, un changement de narratif est visible dans le pays, grâce notamment aux offensives du ministre de la Communication, Patrick Muyaya. Pas suffisant pour Kambinga qui estime que le peuple RD-congolais connait le nom de Kagame mais pas l’ennemi dans son essence. «Combien de Congolais peuvent donner le nom d’un ministre rwandais, d’un chef de renseignement rwandais? Combien de Congolais peuvent nous parler de l’économie rwandaise, de sa faiblesse, et des tartufferies de ses dirigeants pour faire croire qu’il s’agit d’une économie solide? Combien de Congolais ont étudié cette question?», interroge-t-il.

Pour plusieurs, les interrogations de Kambinga valent leur pesant d’or. Si le porte-parole pousse le pays à engranger des points ces derniers mois sur le terrain du soft-power, l’écart est encore visible. Kigali a pris des années à bâtir son image d’un pays de bonne gouvernance avec un fort essor économique. Une image erronée, selon Kambinga qui appelle à une fédération des forces, exhortant le président Tshisekedi à réunir autour de lui les généraux à la retraite, de l’époque Mobutu, Mzee et Joseph Kabila. «Ce sont des hommes assermentés. Je ne pense pas qu’ils vous trahiront, je ne pense pas que les généraux comme Etumba, Olenga, Baramoto et tant d’autres à la retraite, qui ont une expérience et une connaissance et du Rwanda historique, et du Rwanda actuel, et de la géographie et des forces et faiblesses de la République Démocratique du Congo et de son ennemi, qui ont l’expérience. Je ne pense pas que les réunir dans un desk stratégique serait inutile», explique-t-il, s’adressant directement au Chef de l’État.

2025, année des réformes

Tout en reconnaissant les sacrifices déjà consentis pour finir avec cette sempiternelle crise sécuritaire dans l’Est du pays, Kambinga demande plus, pour mettre fin au cycle des violences qui coûte la vie à des millions de RD-Congolais. Faire plus sous-entend également des réformes courageuses dans la gestion de l’État. Si le président Tshisekedi a promis de mettre en place une commission pour adapter la Constitution aux réalités locales, Kambinga espère plus une «réforme essentielle», aboutissant à une constitution «originale». «Regardez les 50 dernières années. Les modèles qui ont marché sont les modèles originaux», fait-il comprendre, prenant l’exemple du Japon, de Singapour ou encore du Brésil. Et d’ajouter: «le Congo, 60 ans après, 60 ans et des poussières, doit pouvoir se doter de la maturité nécessaire pour comprendre que la duplication idéologique de cette intelligentsia aliénée à la sauce occidentale n’est pas la solution».

Kambinga croit surtout en la capacité de l’intelligentsia RD-congolaise de pondre des textes originaux et spécifiques aux réalités du pays et à même d’impulser l’essor de la nation. «Une Constitution qui n’est pas un instrument de développement ne sert à rien», prévient l’ex-porte-parole du MLC.

Toutefois, Kambinga refuse de verser dans les rouages politiciens, plaçant la réforme gouvernementale comme prioritaire afin de booster l’espérance des populations. Le gouvernement, cheville ouvrière de la vision du chef de l’État au quotidien, devrait, selon lui, «être reformé dans sa manière de se construire, dans sa manière de fonctionner». «Si ce gouvernement ne comprend pas qu’on ne peut pas gouverner en 2024 comme on gouvernait en 1960 avec Lumumba ou dans les années 80 avec Kengo et qu’aucune réforme en termes d’organisation et de fonctionnement du gouvernement n’a été faite, nous ne pouvons pas réussir», estime-t-il, tout en proposant une approche équilibriste entre la politique et la compétence puis entre la compétence et les résultats attendus afin de sortir du populisme, avec des statistiques positives mais un niveau de bonheur et d’espérance négatif. «Que le gouvernement congolais, en 2025, se montre à la hauteur de la noble mission qui est la sienne, ce n’est pas d’accompagner le président de la République dans toutes ses itinérances. Il est président de la République», souhaite le patron du Centre, rappelant que le Chef de l’État n’a besoin d’aucune flatterie, aucune chanson, aucun mot doux pour se sentir bien dans sa peau.

Tshisekedi entre deux bords de l’histoire

En place depuis juin 2024, le gouvernement Suminwa, qui a affiché des signaux prometteurs, est ainsi attendu au tournant, notamment en mettant en branle les réformes de son fonctionnement et de son organisation, en accordant plus d’attention aux provinces et à la décentralisation. «Les dix kilomètres de rayon autour de la Gombe ne suffisent pas à impulser une dynamique de développement», tance Kambinga, prenant à témoin les doléances des populations lors des itinérances du président dans le Congo profond. Félix Tshisekedi, redevable envers le peuple d’ici 2028, a besoin, selon le député honoraire, d’être soutenu par un gouvernement plein d’abnégation pour se retrouver du bon côté de l’histoire. «Tout ce qui reste au président Tshisekedi, c’est de répondre avec le travail que les uns et les autres doivent accomplir à son service, au bénéfice de la nation, de savoir, est-ce que en 2028, la porte qui s’ouvrira pour le président de la République sera celle du panthéon de l’histoire au regard de ce que dira la postérité ou de la poubelle de l’histoire», avertit Kambinga, convaincu que l’année 2025 peut marquer un tournant pour la RD-Congo, à condition que «chacun fasse sa part».

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