La candidature de Moïse Katumbi à la présidentielle du 20 décembre prochain a encore du chemin à parcourir, bien que validée, comme les 23 autres réceptionnées, par la Commission électorale nationale indépendante -CENI. Désormais, la balle est du côté de la Cour constitutionnelle qui, normalement, devrait faire preuve de célérité car aucun contentieux n’était en vue. La surprise est vite venue, corroborant ainsi des révélations faites dans les médias depuis vendredi.
Parmi ces médias, «Le Congo qu’on aime», qui a eu écho de certaines manœuvres louches entre certains détenteurs du pouvoir dans le pays, tous originaires d’un même coin, qui auraient mis sur pied un plan pour sortir Katumbi de la course. Si ces médias ont fait part d’une démarche portée par des candidats Président à la solde du pouvoir, la stupéfaction a été à son comble de découvrir que ce soit un illustre inconnu à la baguette pour ôter du chemin Moïse Katumbi, principal obstacle dans la quête d’un second mandat pour Félix Tshisekedi, Président sortant, de l’avis des bookmakers.
Junior Tshivuadi, tel est le nom du requérant qui conteste à Katumbi son éligibilité à postuler pour des supposés faits de «corruption», «détournements» ou encore pour «faux en écritures» et «défaut de nationalité congolaise» d’origine. L’homme habite, selon l’acte de notification, le quartier Bel air à Lubumbashi, précisément au numéro 5 de l’avenue Tuelles. Sauf qu’à cette adresse réside plutôt une autre personne. «Monsieur Junior Tshivuadi est inconnu à l’adresse mentionnée», tance un habitant de la ville cuprifère sur les réseaux sociaux. Si la requête est authentique, son objet fait jaser, son auteur encore plus. Selon des experts en Droit, il y a clairement «défaut de qualité» dans cette initiative puisque «le requérant n’est pas candidat président de la République». Aux termes de la Loi électorale en vigueur, trois entités sont éligibles pour contester une liste de candidats. «Dans un délai de cinq jours suivant la publication des listes provisoires des candidats, ces listes peuvent être contestées devant la juridiction compétente par le candidat dont l’éligibilité est contestée, le parti politique ou le regroupement politique ayant présenté un candidat ou une liste dans la circonscription électorale et tout candidat se présentant individuellement dans la circonscription électorale ou son mandataire», dispose l’article 25 de cette Loi. Sur base de cette disposition, un juriste a commenté sur les réseaux sociaux: «sans aller dans le fond, la requête déposée à la Cour constitutionnelle par Monsieur Tshivuadi est une requête pour rire. Elle ne saura anéantir la candidature de Moïse Katumbi».
Plus loin, le même spécialiste est d’avis que «même l’UDPS dont l’autorité morale, Félix Tshisekedi, a postulé comme candidat indépendant, n’a pas qualité pour attaquer un autre candidat devant la Haute Cour». Ce qui est valable pour l’UDPS l’est aussi pour tout autre parti politique ou regroupement politique dont un membre a choisi de se lancer en indépendant. «Seuls les mandataires des candidats président de la République ou les parties en lice peuvent s’attaquer à une candidature concurrente», poursuit le juriste.
Des «accusations farfelues»
De plus, d’autres experts démontent la requête en brandissant le caractère «farfelu» des accusations. Si l’auteur de la requête évoque entre autres une affaire encore pendante au Parquet de Lubumbashi, sans cependant en donner plus de détails, pour obtenir l’invalidation de la candidature de Katumbi, des voix s’élèvent pour dénoncer une méthode d’une «autre époque». Ces observateurs rappellent que cet argument a également été utilisé «précédemment contre le chairman d’Ensemble pour la République, notamment dans des affaires dont celle l’opposant au français Beveraggi dans laquelle étaient directement intervenus des bonzes du régime, dont un a été nommé au gouvernement». Dans ce dossier, le Président du tribunal de commerce de Lubumbashi s’était vu dans l’obligation de démissionner, prenant le soin de faire des confessions sur l’identité de ces «oppresseurs».
Autre motivation dans l’affaire, un prétendu défaut de nationalité de Katumbi. «C’est un dossier déjà clos, l’Italie et la Zambie ont déjà envoyé balader les défenseurs de cette thèse en affirmant n’avoir jamais accordé la nationalité à Katumbi. Sauf si on veut lui coller une autre nationalité, cette accusation ne tient pas la route», affirme-t-on dans son entourage. A Kinshasa comme à Lubumbashi, l’on ne comprend pas pourquoi ces «vieilles histoires» ont été déterrées aujourd’hui. «Certainement pour le besoin de la cause, mais c’est un dossier vide qui sera vite balayé», avance un analyste politique à «AfricaNews».
Dans sa requête «inénarrable», Junior Tshivuadi Tshivuadi affirme que Katumbi est «Congolais par acquisition», par «effet d’option» de par sa mère. Preuve pour lui que Katumbi n’est pas «Congolais d’origine». Un argument vite balayé par l’article 7 de la Loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité RD-congolaise. Cette disposition légale, avance un juriste approché par AfricaNews, tirée du Chapitre 2 traitant de la nationalité RD-congolaise d’origine affirme que «toute personne dont l’un des parents- le père ou la mère- est RD-Congolais est également RD-Congolais d’origine». Ce juriste s’interroge par la suite sur les vraies motivations du requérant. «Je suis étonné qu’il brandisse des arguments aussi légers devant la Haute cour. Soit il n’a pas suivi son avocat, soit il veut faire du buzz. En plus du problème de forme par défaut de qualité, le fond est creux», tranche-t-il.
Le n°3 validé par la CENI sur base des critères légaux
Katumbi, n°3 sur la liste de la CENI, fait figure d’épouvantail pour Félix Tshisekedi. Cet ami, devenu plus farouche opposant et presque ennemi, à abattre a fait du chemin pour voir sa candidature être validée par la CENI qui a tenu parole, elle qui, par son président, a juré d’appliquer «le principe d’inclusivité absolue» en se refusant d’écarter ou exclure un candidat «qui remplit toutes les conditions requises par les lois et règlements en vigueur» en RD-Congo. Longtemps sous la menace de la Loi ségrégationniste, dite de «père et de mère», le n°3 a passé avec succès ses premiers tests et semble déterminé à aller au bout de son entreprise. En attendant, il faudra ôter du chemin cette requête à la Cour constitutionnelle, ultime obstacle avant le 20 décembre.
Natine K.