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Nangaa vs Kadima: pugilat au nom de la CENI

Des scènes étranges. Jamais vécues auparavant entre Apollinaire Malumalu et Daniel Ngoy Mulunda lors de la passation des pouvoirs CEI-CENI en mars 2011, ni entre Daniel Ngoy Mulunda et Apollinaire Malumalu après la remise et reprise de juin 2013, encore moins entre le bureau de ce dernier, éloigné du terrain, malade et décédé, et Corneille Nangaa, fin 2015. Mais tolérées et admises depuis peu, entre Corneille Nangaa et Denis Kadima, quelques mois après le passage de témoin organisé fin octobre 2021. Depuis quelques jours, Corneille Nangaa, ancien chef de la Centrale électorale passé à la politique et qui se voue désormais un destin national, tire à boulets rouges sur son successeur, Denis Kadima. Ces dernières semaines, tous les reproches sont pour l’expert en place depuis 17 mois.

Acteurs politiques, Mouvements citoyens, Églises et médias brandissant des cas des kits d’enrôlement, des cartes d’électeurs et des fiches d’inscription retrouvés entre les mains des particuliers ont entrepris de critiquer sa gestion du processus d’enrôlement, jugé très chaotique. Ils ont été rejoints depuis par Nangaa, encore plus virulent. Évoquant récemment, sous sa double casquette, les problèmes techniques graves, les problèmes liés au processus de désignation de nouveaux membres, la mauvaise planification et l’amateurisme dans la prise en charge des opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs, la qualité de la photo sur la carte d’électeur et les faux chiffres quant au nombre des électeurs enrôlés dans l’Aire opérationnelle 1, Nangaa a sérieusement raillé les opérations pilotées par le staff Kadima, convaincu que des élections mal organisées sont plus dangereuses que le M23 et mettant en garde contre un embrasement. Une séance de pugilat que Nangaa a lancée et un premier round à l’issue duquel il menait aux points grâce à ses uppercuts, que Kadima a pris au sérieux, décidant de se battre, à son tour, en rendant coup pour coup.

Pour cogner sur Nangaa, il a aligné un bagarreur, un habitué aux combats toutes catégories, un de ses deux seconds au Bureau, Didi Manara, ancien président du groupe parlementaire PPRD à l’Assemblée nationale qui a fait défection depuis. Le bureau Kadima a donc concocté un scénario, un ring à son goût: une communication programmée mardi 14 mars et initialement dédiée à l’actualisation des données des opérations d’enrôlement avec 34 millions d’enregistrés à une semaine de la clôture mais dont Nangaa aura été la cible, l’homme à dépecer, vers qui ont été tournés les couteaux. Une importante partie de la sortie de Manara a tourné d’ailleurs autour des uppercuts lancés par Nangaa et des crochets lui retournés au visage, avec la détermination de l’envoyer au tapis.

Au nom du chef, Manara a réglé ses comptes à l’ancien capitaine de la CENI, nouveau chef de parti et candidat déclaré à la présidentielle, en chambrant sa désignation controversée aux commandes de la CENI, en remplacement de l’abbé Malumalu, sa mauvaise gouvernance, son penchant pour le gré à gré, et la situation exécrable léguée à l’actuel management… «L’auteur de la déclaration tente en vain de fustiger sans fondement le processus de désignation de l’actuel management, alors que ce processus n’a guère changé et les composantes sont restées les mêmes que lors du processus ayant conduit à sa désignation, en son temps… L’auteur de la déclaration dont question n’est pas le produit d’une compétition à la désignation comme président de la CENI. Autrement dit, son profil n’a jamais été confronté à d’autres compétiteurs pour prétendre être le meilleur et donneur de leçon», a tapé Manara.

Puis: «Le prétendu manque de planification dont fait état l’auteur de la déclaration ne peut tenir dans la mesure où l’activité calendaire de l’enrôlement des électeurs en cours a initialement été prévue dans la feuille de route du nouveau management, élaborée le 3 février 2022, à Bibwa, dans la ville de Kinshasa».

Gré à gré, à la tête du plus offrant et en violation de la Loi en la matière

Manara a précisé que le processus en cours a connu 28 mois de retard que l’équipe Kadima s’emploie à rattraper alors que la procédure d’acquisition du matériel destiné à la révision du fichier électoral avait été lancée conformément à cette feuille de route suivant une procédure de passation des marchés publics à laquelle le management de Nangaa n’a jamais recourue. «Toutes les acquisitions, sous le mandat du concerné, se faisaient de gré à gré de manière subjective, à la tête du plus offrant et au mépris de la loi sur la passation des marchés publics», a encore étrillé le numéro 3 de la Centrale électorale.

Manara a rejeté les accusations d’amateurisme et de publication des faux chiffres relatifs au nombre des électeurs enrôlés dans l’Aire opérationnelle 1. Son argument: «Les 19.246.505 d’électeurs enrôlés constituent les données brutes des statistiques de la 1ère aire opérationnelle et qu’il faille attendre la fin de l’enrôlement dans l’AO2 et AO3 afin de procéder au dédoublonnage et à la consolidation des données pour avoir le nombre exact dans le fichier électoral en répondant au principe ‘un électeur, une voix’».

Le bagarreur de Kadima a le sentiment que Nangaa ne saurait devenir un modèle de gestion et donneur de leçon. Et pour cause: il a laissé dans son passif «plusieurs arriérés des loyers des bâtiments abritant les installations de la CENI tant à Kinshasa qu’à travers toutes les provinces; l’immeuble abritant le siège national de la CENI dans un état de délabrement très avancé avec des installations sanitaires dégradantes». Il a décrit, en vantant leur équipe, comment Kadima a entrepris les travaux de réhabilitation du QG de l’ex-CEI, aujourd’hui embelli et équipé à la hauteur et au prestige de l’institution. Après cet enchaînement des jabs, crochets et directs, Kadima décidé d’achever Nangaa est bien revenu dans ce combat choc, avec un avantage certain à l’issue de ce deuxième round. Vivement un troisième pour davantage de révélations.

YA KAKESA

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