Le gouvernement RD-congolais, déterminé à «donner l’estocade finale à Apple et autres multinationales impliquées dans l’exploitation des minerais de sang», a donné des nouvelles de la mise en demeure lancée depuis avril dernier contre cette société américaine.
En effet, la RD-Congo, par le biais des avocats William Bourdon et Robert Amsterdam, a adressé cette mise en demeure à deux filiales d’Apple en France et à la maison mère américaine de cette société spécialisée dans la fabrication des téléphones, notamment l’i-phone, des ordinateurs et autres appareils électroniques.
Cette mise en demeure, fondée sur l’utilisation des «minerais litigieux -qui- proviendraient en grande partie de mines RD-congolaises au sein desquelles de nombreux droits humains sont violés», a comporté une liste de questions relatives aux «minerais 3T -étain, tantale et tungstène- utilisés dans les produits Apple».
Faute des réponses conséquentes et satisfaisantes, les avocats de la RD-Congo se sont réservés le droit d’activer «toutes les options judiciaires» pour mettre fin à «l’extraordinaire gravité de la situation dans l’Est de la RD-Congo, qui est source de très graves dommages à la population locale et à l’Etat RD-congolais».
Plus d’un mois après avoir initié cette démarche, William Bourdon et Robert Amsterdam ont rendu compte de leur initiative, martelant qu’il «faut agir» et qu’il importe de «trouver des vecteurs d’influence pour montrer et prouver à tout le monde qu’il y a de sang dans les téléphones».
Ils l’ont dit jeudi au cours d’un point de presse, organisé au lendemain de leur rencontre avec le président Félix Tshisekedi. Aux côtés de Patrick Muyaya, ministre de la Communication et des médias, ces deux juristes ont expliqué le bien-fondé de leur démarche en relevant qu’elle tient de la responsabilité éthique d’Apple de par l’utilisation dans ses produits des minerais stratégiques illicitement extraits suite à l’activité belliqueuse du Rwanda contre la RD-Congo et les violations massives des droits humains qui en découlent.
«Tout le monde doit savoir ce qu’il se passe dans la chaîne d’approvisionnement des téléphones qu’il a en main. Nous comptons sur la société Apple. Nous pensons qu’elle peut agir pour décourager le commerce de ces produits exploités au prix du sang coulé», ont-ils fait savoir.
Et d’expliquer: «Notre démarche est de rendre responsables ceux qui continuent sur ce chemin d’impunité. Nous avons un devoir d’inventivité et d’imagination juridique pour faire triompher la démarche des autorités de la RD-Congo et donner l’estocade finale à Apple et toutes les autres multinationales impliquées dans l’exploitation des minerais de sang».
Cette action, selon le coordonnateur de la task-force du gouvernement chargée de conseiller et d’accompagner la RD-Congo sur cette question, relève du front économique dans lequel s’est engagé le gouvernement RD-congolais pour endiguer la crise sécuritaire de l’Est.
«Le pillage, l’exploitation ainsi que le commerce illicite des ressources naturelles de la RD-Congo en général mais surtout des minerais stratégiques constituent des causes fondamentales de perpétuation du cycle de violence sur le territoire RD-congolais entraînant la déstabilisation du pays», a-t-il dit, non sans faire part de diverses autres actions judiciaires intentées devant les juridictions internationales.
Ce professeur de droit à l’UNIKIN a notamment évoqué la plainte auprès de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui vise à «obtenir la condamnation du Rwanda», auteur, selon Kinshasa, de plusieurs cas de «violations et graves atteintes au droit international humanitaire».
Ces violations, a-t-il affirmé, découlent de la «présence militaire -du Rwanda- sur le territoire RD-congolais». Pour cette même raison, Kinshasa, par le biais de ses avocats, a saisi la Cour de justice de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est -EAC. Auprès de cette même juridiction, Kinshasa accuse Kigali de «violation du traité instituant l’EAC».
«Un certain nombre de situations ont été renvoyées devant la Cour pénale internationale mettant en cause des entités qui sont à l’origine des crimes graves, des crimes internationaux perpétrés dans le cadre de la campagne militaire que le Rwanda, en complicité avec le M23, mène sur le territoire de la RD-Congo avec des noms cités, notamment le président Paul Kagame», a enchaîné le coordonnateur de la task-force gouvernementale.
Ces accusations de Kinshasa interviennent dans un contexte de tension avec Kigali. Les deux administrations s’accusent mutuellement de soutenir des groupes armés pour mener des actions de déstabilisation visant l’un ou l’autre pays. Selon Kinshasa, Kigali est le parrain des rebelles du M23 qui, depuis deux ans, ont entrepris d’occuper de nombreuses localités dans la province du Nord-Kivu. De son côté, le Rwanda n’a cessé d’affirmer que Kinshasa a fourni en armes les FDLR, un mouvement des réfugiés issus du génocide rwandais de 1994, pour renverser le régime de Paul Kagame.
Si les accusations de Kinshasa ont été corroborées par des experts de l’ONU ainsi que des capitales occidentales, celles de Kigali peinent à convaincre sur l’échiquier international.