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Mauvais départ pour Kodjo: Kengo boycotte un dialogue exclusif et complique le jeu

Le président du Sénat et autorité morale de l’Opposition républicaine et ses troupes n’ont pas effectué le déplacement de l’hôtel Béatrice, à Kinshasa, où le facilitateur togolais récusé par le Rassemblement ouvrait les travaux du comité préparatoire du dialogue national
Les loups ne se mangent pas entre eux. Kengo et Tshisekedi sont de vieux loups de la politique RD-congolaise. Quand ils agissent, ils savent très bien où poser leurs pieds. Ni Kengo ni Tshisekedi, personne n’a jamais fait des courbettes, même devant le maréchal Mobutu.
Si Tshisekedi, président du comité des sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement a récusé Edem Kodjo, le taxant de kabiliste, Kengo et ses troupes se réservent de prendre part à un dialogue exclusif dont le démarrage des travaux du comité préparatoire ont été lancés mardi 23 août à Kinshasa par le facilitateur togolais. Dans la foulée, le chantre du troisième penalty, Moïse Katumbi Chapwe, ancien gouverneur de l’ex-Katanga passé à l’Opposition, a déclaré depuis la Belgique qu’il n’est pas question de prendre part à un dialogue tant que les préalables posés par le Rassemblement n’ont pas été rencontrés. Décryptage.
Les travaux du comité préparatoire du dialogue national ont démarré le mardi 23 août 2016 à l’hôtel Béatrice, dans la commune de la Gombe, sans la participation de l’UDPS et alliés, du G7, du MLC, de la Dynamique de l’Opposition ainsi que de l’Opposition Républicaine de Léon Kengo wa Dondo. Que va-t-il se passer?
«Lorsque de grosses pointures de l’Opposition qui ont des assises réelles à travers le pays, s’absentent à des tels rendez-vous politiques, les recommandations qui en découleraient ont des fortes chances de rester lettre morte dans ce forum», analyse un observateur pointilleux.
Et de poursuivre: «Or, la véritable mission confiée à Edem Kodjo est d’amener tous les gros poissons autour de la table des négociations pour trouver des solutions idoines à la lancinante crise politique qui secoue le pays.»
Pas d’implication de Kengo sans la participation de l’UDPS, du G7, du MLC
Le président du Sénat et autorité morale de l’Opposition républicaine et ses troupes n’ont pas effectué le déplacement de l’hôtel Béatrice, à Kinshasa, où le facilitateur togolais récusé par le Rassemblement ouvrait les travaux du comité préparatoire du dialogue national tant attendu.
«L’Opposition républicaine n’est absolument pas représentée aux travaux préparatoires du dialogue…», a affirmé à «Jeune Afrique» Franck Apenela, vice-ministre à la Coopération, beau-fils et lieutenant du président du Sénat Léon Kengo wa Dondo. La symbolique ici est de taille. Apenela a donné des précisions en ces termes: «Nous avons fait connaître notre position lors du meeting du 14 août à Kinshasa: nous ne sommes favorables à un dialogue que si ce dernier est inclusif. Autrement dit, les pourparlers doivent inclure à la fois l’UDPS, le G7 et le MLC». Si ce n’est pas un boycott, il faut trouver un mot équivalent en français.
Egal à lui-même, Léon Kengo wa Dondo, le speaker du Sénat, plusieurs fois Premier ministre sous la 2ème République, et héritier constitutionnel en cas d’empêchement définitif du Président de la République, a brillé par son absence au lancement des travaux du comité préparatoire du dialogue national pour bien marquer son désaccord avec Kodjo et le pouvoir.
Il faut rappeler ou se rappeler qu’il lui arrive rarement ou jamais à Kengo de se dédire sans avoir obtenu gain de cause. Forte personnalité, constant dans le combat, analyste politique averti, fin calculateur, il a juré de faire respecter la Constitution. Un back cross pour bien décrypter sa démarche.
Les 19, 20 et 21 janvier 2015, la population fait entendre sa voix
 
Octobre 2014, la Majorité présidentielle -MP- se décide de procéder à un passage en force à travers la révision de la loi électorale pour élargir ses pouvoirs. L’office national de l’identification de la population est créé et placé sous la direction du professeur Adolphe Lumanu Mulenda Bwana Nsefu, ancien Premier ministre en charge de l’Intérieur, comme directeur général et Geneviève Inagosi Kasongo, ancienne ministre du Genre, famille et enfant, en qualité de présidente du conseil d’administration.
Janvier 2015, l’Assemblée nationale dominée par la MP entame la révision de la loi électorale. L’opposition politique crie à la tricherie et appelle le peuple à manifester contre une incise dans la loi conditionnant l’organisation des élections à l’identification préalable de la population. La durée de cette opération est estimée à cinq ans. Elle a pour enjeu, le maintien de la MP au pouvoir au-delà des délais constitutionnels, estiment des leaders de l’opposition.
 
Les 19, 20 et 21 janvier 2015, la population monte sur ses grands chevaux à l’appel de ces derniers à protester. Des violences éclatent causant mort d’hommes et plusieurs victimes collatérales, dont de nombreux blessés graves. Alors que l’Assemblée nationale ne semble pas prendre la mesure de la situation, le document tant contesté arrive au Sénat. Ici, Léon Kengo avec les sages de la République décident de saisir le taureau par les cornes en élaguant l’incise à polémique.
L’homme de la rigueur, «sauveur de la Nation»
Nous sommes au troisième jour des violences. C’est sur les ondes des chaines étrangères que la nouvelle est annoncée alors que les médias locaux accrédités au Parlement brillent par leur silence. La position des sénateurs a pour effet immédiat de désamorcer la crise. Avec cette prise de position qui rejette la proposition de l’Assemblée nationale, le président du Sénat en sort la tête haute. Il s’en flatte en public. Cette victoire d’étape est immortalisée dans le bulletin du Sénat de la République où l’homme de la rigueur se présente comme le «sauveur de la nation». Sa position de faire respecter la Constitution est renouvelée lors de la clôture de la session ordinaire de mars 2016 du Sénat.
 
Outre Kengo dont le silence continue de soulever moult interrogations, Etienne Tshisekedi, au nom du Rassemblement, a décrété une ville morte contre Edem Kodjo avant l’ouverture des travaux du comité préparatoire du dialogue national à Kinshasa. En l’espace de 48 heures, pendant que certains membres du Rassemblement craignaient un fiasco faute de temps matériel pour la sensibilisation de leurs militants, le sphinx de Limete a réussi à paralyser les activités dans la capitale pendant quelques heures le mardi 23 août 2016.
 
L’homme tente de reprendre avec ses habitudes qui ont fragilisé le régime Mobutu. A cause de cette ville morte, les activités ont été partiellement asphyxiées à Kinshasa et dans certaines villes du pays, notamment Goma, Beni. «Un message fort lancé à l’endroit du facilitateur togolais Edem Kodjo qui ne peut pas se payer le luxe d’ignorer la haute stature politique coriace des acteurs politiques qu’il tente de laisser à quai. A moins qu’il ne cherche lui-même à ramer à contre-courant de la mission lui confiée par l’Union Africaine», lance-t-on au siège de l’UDPS. Pendant ce temps, Moïse Katumbi s’est prononcé depuis Bruxelles par rapport au comité préparatoire en déclarant qu’il est hors de question de prendre part à un dialogue tant que les préalables posés par le Rassemblement n’ont pas été rencontrés. Aux dernières nouvelles, Kengo va d’un dîner à l’autre avec des grands commis belges.
Octave MUKENDI

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