Le bâtiment qui abrite le siège du cabinet du ministre des Affaires foncières, sur l’avenue de la Gombe, continue d’être désert, depuis le début du mois d’octobre 2016. Très rares sont des moments où la grande porte de ce ministère s’ouvre pour recevoir un visiteur. Que se passe-t-il dans ce ministère et où serait passé le ministre de tutelle, Me Gustave Booloko N’Kelly? Renseignement pris, il nous revient d’apprendre que le ministre des Affaires foncières a été suspendu, depuis le 1er octobre 2016, pour une affaire de trois parcelles qu’il a réussies à récupérer au profit de l’Etat RD-congolais, mais que l’on a voulu faire croire qu’elles appartiendraient à la République Tchèque. La suspension ayant pris fin en ce début du mois de novembre, le Premier ministre vient de reconduire, pour un autre mois, cette suspension du ministre des Affaires foncières.
Augustin Matata Ponyo justifie sa décision par le souci d’accorder plus de chance d’aboutissement aux enquêtes d’ordre judiciaire en cours au Parquet général de la République. Dont acte. En raison de la complexité du dossier, votre rédaction s’est tournée vers des juristes rodés en la matière pour plus d’éclairages.
Il ressort des renseignements, fournis sous le sceau de l’anonymat, que le patron de l’Exécutif national se serait trompé de procédure. En effet, déjà le premier texte de cette mesure disciplinaire porte les marques d’entorse en ce qu’il ne mentionne même pas la durée de la suspension. Pas mieux que la première lettre, la seconde ne prend pas appui sur un argument réglementaire et légal solide.
Les juristes sont fermes et explicites sur le sujet: «Du fait que la suspension est une mesure qui intervient à l’issue des résultats d’enquête, on ne saurait pas justifier légalement la mesure que purge actuellement le ministre Gustave Booloko». En plus, une suspension renouvelée ou reconduite, c’est du nouveau pour bien alimenter l’arbitraire, soulignent-ils.
Interpellation des consciences des observateurs avertis
L’affaire porte les marques rocambolesques lorsqu’on se rend compte que les artisans -présumés- du dossier paraissent être bien protégés. Il s’agit du Secrétaire général aux Affaires foncières, Léon Ntondo, dont les indices sont plus que compromettants, et qui vient d’être permuté au ministère de l’Agriculture; et le conservateur des titres immobiliers de la Gombe, Kanvuvula, pourtant suspendu et sous la réquisition n°6571/D.023/42767/PGR/SEC/2016 du 03 octobre 2016 de Monsieur le Procureur général de la République, mais très vite réhabilité par le ministre intérimaire.
Le «blanchissement» de ces deux fonctionnaires interpelle la conscience des observateurs avertis sur ce que l’on peut considérer aujourd’hui comme de l’acharnement sur la personne de Gustave Booloko. Quelles seraient les motivations réelles de cet acharnement à ciel ouvert sur la personne de celui-là même qui a récupéré les trois parcelles 1051, 1052 et 4427 du faux propriétaire que serait la République Tchèque, pour en faire des biens sans maître et repris au domaine privé de l’Etat, avec l’option de vente?
Que signifierait la persistance d’une suspension dès lors que lui-même Matata Ponyo avait bien autorisé, par sa lettre n°CAB/PM/CJFAD/M.N/2016/3819 du 02 juillet 2016, la signature des arrêtés ministériels contestés sur les trois parcelles attribuées à ceux qui en avaient fait la demande, avec versement des fonds y afférents au Trésor public?
Victime de sa piété, de sa détermination à mieux faire
Pourtant, c’est à l’issue d’une âpre guerre que le ministre Booloko démonte le complot pour démontrer que les parcelles querellées n’ont jamais été concédées à l’ancienne République socialiste de Tchécoslovaquie ou à la République Tchèque actuelle. Un exploit d’autant que ces parcelles sont reprises au domaine privé de l’Etat RD-congolais! Transactions clôturées, le produit de la vente est de manière transparente orienté vers le compte du Trésor public.
Maints responsables soutiennent que le ministre Booloko est victime de sa piété, de sa détermination à réellement bien faire. Sorti des moules catholiques, l’homme aurait cru bon de lier l’acte à la parole, lui qui rappelait constamment sa mission de transformer son secteur en véritable générateur des recettes de l’Etat. Aussi avait-il entrepris de combattre la corruption, l’érosion fiscale et le détournement qui gangrènent encore l’administration des Affaires foncières. Redoutait-il des conséquences d’une conduite qui entreprend d’être plus blanc que l’ouate?
La mise en œuvre du projet de numérisation du cadastre foncier et sécurisation des titres fonciers et immobiliers lui fait payer les frais par le réseau maffieux qui écume les services fonciers en RD-Congo.
Acharnement à l’arrière-goût de règlement des comptes
Booloko se frotte les mains et sûrement attend les compliments de la hiérarchie pour ce «haut fait d’armes». Coup de théâtre, l’homme essuie une suspension dont la matière épistolaire est entachée d’irrégularités. Bien que juriste, l’homme s’incline devant une décision dont la reconduction est manifestement illégale dans un gouvernement déjà réputé démissionnaire.
Faudra-t-il suivre en écho ce qui se dit dans certains milieux: «Dans ce gouvernement conduit par Augustin Matata Ponyo, il faut se garder de prêcher par les actes; vous avez tout versé à la caisse de l’Etat? C’est bon, mais NOUS?», le raisonne-t-on. Peut-être pas de go, mais le développement du dossier ne dédouane pas les esprits de la suspicion d’une entreprise d’acharnement à l’arrière-goût de règlement des comptes contre Me Gustave Booloko, que l’on soupçonnerait, par ailleurs, d’avoir été engraissé en amont pour venir soumettre les autres intervenants à l’austérité.
Qu’à cela ne tienne, le ministre Gustave Booloko ne devrait pas trop s’inquiéter, car le Chef de l’Etat connait bien la situation d’autant que le ministre n’est qu’une victime collatérale.
YA KAKESA
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