L’Union nationale de la presse du Congo -UNPC- a entrepris de célébrer
pendant longtemps le Premier ministre Matata Ponyo. Elle a institué un
«Prix Matata Ponyo pour la bonne gouvernance» destiné à récompenser
chaque année les gestionnaires qui se seraient distingués par ses
performances remarquables. Vous ne rêvez pas!
Au lancement de cet «Oscar» jeudi 27 octobre à Kinshasa en direct de
la télévision publique, Matata Ponyo a félicité l’UNPC pour cette
initiative et parlé d’un «saut qualitatif» alors que Kasonga
Tshilunde, le président de l’UNPC, a fait part de son ambition de
«faire de ce prix une récompense internationale à l’instar du Prix
Nobel».
Matata mérite-t-il pareils honneurs? Non, estiment des journalistes au
regard du constat qui se dégage de la gestion du Premier ministre:
sous la gouvernance de l’homme à la cravate rouge, la RD-Congo est
devenue le pays le plus pauvre de la terre avec le PIB par habitant le
plus bas de la planète, 400 dollars en 2016, soit 1,095 dollars par
jour. Avec ses 5,7 milliards de dollars, son dernier projet de budget
réserve à chaque RD-Congolais environ 70 dollars pour toute l’année
2017, soit moins de 20 centimes par jour, soit encore le prix d’une
baguette de pain Victoire!
Le budget de la sous-pauvreté
Selon Noël Tshiani, haut fonctionnaire à la Banque mondiale, «ce
projet de budget confirme la triste vérité que la RD-Congo est l’un
des pays les plus corrompus du monde, où 85% des revenus des
ressources naturelles n’entrent pas dans les caisses de l’Etat mais
plutôt dans les poches des privés. C’est aussi la preuve que, chaque
année, la RD-Congo perd entre 10 et 15 milliards de dollars en termes
de fraude fiscale et détournement de fonds publics. C’est un budget
qui permet d’entretenir et pérenniser la pauvreté et le
sous-développement. Avec un tel budget, leur Congo émergent à
l’horizon 2030 n’est qu’une illusion et de la démagogie».
Comment ne pas adhérer à ces thèses de Noël Tshiani quand Transco,
Congo Airways et Bukangalonzo, ces œuvres du Premier ministre, donnent
des signes d’essoufflement?
En effet, malgré les subventions en carburant et pièces de rechange
reçues du gouvernement depuis son lancement, la première réalise des
recettes mensuelles en deçà de ses charges. La deuxième, également
subventionnée en carburant, a déjà renvoyé une partie de son personnel
alors qu’un de ses avions, notamment le Q400 Kimpa Vita en panne, est
immobilisé à N’Dijili depuis plusieurs semaines. La troisième tourne
au ralenti et a, elle aussi, contraint des travailleurs au congé
technique. Le pays, dont l’économie va mal en dépit des réunions
hebdomadaires à la Primature consacrées à la croissance, a renoué avec
la pratique de la planche à billets et l’inflation.
Avec Matata, la RD-Congo garde sa bonne place, celle du 184ème pays
sur 190 classés au rapport Doing business 2016. La liste n’est pas
exhaustive.
Le monde nous regarde!
Compte tenu de ces laides évidences qui sont tout sauf la bonne
gouvernance, certains confrères fustigent l’action «purificatrice» du
staff national et kinois de l’UNPC. Sur les dizaines de réactions
enregistrées sur la toile, «AfricaNews» en retient quatre.
«Notre société a perdu tous ses repères… La médiocrité, non soyons
gentils, la contreperformance est célébrée par ceux-là même qui
devaient aider la collectivité de distinguer le bien du mal, le beau
du laid, le vrai du faux… On célèbre un Premier ministre qui a failli
à son obligation constitutionnelle de doter la CENI des moyens
d’organiser les élections; un Premier ministre qui a échoué à
renflouer les caisses de l’Etat avec sa TVA; un Premier ministre qui
n’a jamais respecté la loi budgétaire avec des dépenses non avalisées
par le Parlement, de plus d’un milliard de dollars; qui n’a jamais
rendu gratuit l’enseignement primaire; qui n’a jamais restauré
l’autorité de l’Etat dans l’Est congolais…», tape le même jeudi sur
son mur Facebook Didi Mitovelli, célèbre pseudonyme d’un talentueux
journaliste et enseignant en Journalisme.
Puis, un ton interpellateur: «Le monde nous regarde, et ne comprend
toujours pas pourquoi le Dr Denis Mukwege n’a jamais bénéficié de tels
honneurs, ni ses répliques féminines, la sœur Angélique Namaika et
Colette Kitoga… C’est Paris-Match qui comptera celle-ci parmi les
femmes les plus influentes d’Afrique, aux côtés de la belle Lupita
Nyongo…».
La bourrasque!
Toujours sur Facebook, Pero Luwara de «Digital Congo» s’arrache les
cheveux: «Deux hommes, deux, décident de jeter en pâture l’image de
toute la profession en créant cette histoire bidon visiblement pour
leurs propres intérêts». Ça pue l’arnaque!
Via le même réseau, le doyen Eugène Ngimbi Mabedo se lâche: «Comme
pour ridiculiser les initiateurs, le Premier ministre révèle les
dessous de la démarche: le ‘Prix de l’excellence’ qu’on a tenté de lui
coller sous le module n°1 et qu’il a repoussé. Deuxième classe: des
journalistes qui, à longueur des journées, priment des chefs
d’entreprises alors que les travailleurs alignent des nombreux mois
d’impaiement, quelle bourrasque à l’
UNPC! Troisième désaveu: promesse
de désaveu en ce que le Premier ministre se réserve le droit de
retirer son nom à la marque. Une gifle à la corporation. Arrêtez la
blague en créant le prix Franck Ngyke» ou Bapuwa Muamba.
Moralité: malgré son propre bilan, le Premier ministre a fait des
leçons à une certaine presse. Même s’il a senti le coup, il accepte
tout de même de marcher, de jouer le jeu, le temps de s’assurer un
gain, une visibilité après son départ. Ça prendra le temps que ça
prendra!
Sur Twitter, une autre journaliste, Kelly Stony Nkute, exprime sa
déception: «Prix Matata. Quand je pense qu’il y a beaucoup de
journalistes morts dans l’exercice de leur métier qu’on aurait pu
honorer. Suis déçue».
Le pays n’a pas de chance; la presse, l’âme et la mémoire de la
société, a fini par se saborder, s’accordent à dire de nombreux autres
confrères. Le Premier ministre et la direction de l’UNPC doivent avoir
capté ce message.
AKM
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