Mai 2011. Le président Joseph Kabila limoge sa ministre des Transports et Voies de communication, Laure-Marie Kawanda Kayena, après des naufrages meurtriers. Le pays déplore et pleure le décès par noyade des centaines de ses enfants. Les deux sinistres se produisent en l’espace de dix jours. L’un survient le 3 mai de cette année-là sur la rivière Kasaï, un affluent du fleuve Congo, et fait une centaine de morts à Katoka, à 45 km de Tshikapa, dans l’actuel Kasaï. L’autre se produit le 24 avril sur le lac Kivu, à environ 45 km de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu. Là aussi, le bilan fait état plus de cent morts, d’une trentaine de disparus et d’une dizaine de rescapés. Le gouvernement décrète un deuil national de trois jours à dater du mercredi 4 mai.
Treize ans plus tard, le film macabre se reproduit, dans le même domaine, où l’incurie fait rage comme sous Kawanda. En poste, un certain Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien chef-rebelle, passé vice-président de la République sous Joseph Kabila, puis vice-premier ministre de la Défense nationale et, investi depuis le 12 juin dernier, vice-premier ministre chargé des Transports et voies de communication. En l’espace de deux mois, des centaines de compatriotes ont trouvé la mort dans les eaux comme si ils mourraient au front dans les Kivu du fait des bombes larguées par les envahisseurs. Si Kawanda a été virée du gouvernement après deux naufrages, Bemba en a déjà enregistré quatre sans pourtant être inquiété.
Un bateau transportant plus de 270 passagers chavire le 12 juin sur la rivière Kwa près de Kinshasa, faisant plus de 86 morts tandis que 185 autres ont réussi à nager jusqu’au rivage, à quelque 70 kilomètres de la ville la plus proche de Mushie. Bemba vient d’être investi vice-premier ministre en charge des Transports le même jour. Les gens relativisent. Douze jours après sa prise de fonction, une pirogue motorisée fait naufrage au Sud-Kivu, provoquant le décès de 4 personnes. La pirogue quittait Lushebere pour Mabula, près de Kalehe. 46 jours après, soit la nuit du 28 au 29 juillet, un terrible drame se produit sur le fleuve Congo, près de Kindu. La baleinière «Abc-Bonobo», transportant une cinquantaine de passagers de Kindu à Lokando, coule dans des circonstances encore floues. Bilan: 40 morts et une dizaines de personnes portées disparues.
Remake deux mois et une semaine après l’avènement de l’ex-chef rebelle aux Transports. Une baleinière à destination de Nioki, dans la province du Mai-Ndombe, dans le sud-ouest du pays, s’enfonce dans la nuit du 18 au 19 août 2024. Des 300 passagers enregistrés à bord, seule une quarantaine sont sauvés. Face à des autorités qui font la sourde oreille devant des naufrages à répétition dans cette région, et surtout l’inaction du ministre, l’évêque d’Inongo, Mgr Donatien Bafuidinsoni, souligne l’urgence d’agir pour prévenir ces genres d’accidents.
«Que dire? Je manque des mots pour exprimer, une fois encore, mon désarroi et ma tristesse face à un naufrage de plus dans la province de Mai-Ndombe, une province dont la réputation en termes de naufrage n’est plus à défendre. Ma désolation est à son comble», écrit Mgr Donatien Bafuidinsoni dans une lettre signée le 20 août. L’évêque d’Inongo, cité par Vatican News, y décrit un récit tragique qui révolte les habitants du Mai-Ndombe. Pour une énième fois, ils ont perdu des parents et des proches dans des circonstances qui pouvaient être évitées. Au total, près de 400 personnes emportées par les eaux, notamment du fleuve Congo, le plus long boulevard du pays, alors que les compatriotes attendent une ordonnance présidentielle qui vienne sanctionner Bemba et sonner la noyade politique d’un ministre inexistant, à plus ou mois trois semaines de la première évaluation trimestrielle de l’équipe Suminwa, investie le 12 juin et dont un gap de 90 jours a été fixé pour mesurer l’action de chaque animateur.
Natine K.
