Dans un courrier adressé mi-juillet au procureur général près la Cour de cassation, Jean-Claude Bukasa, désormais ex-conseiller en matière de sécurité de Félix Tshisekedi, demandait à être «fixé» sur l’état du dossier ouvert en 2016 contre l’opposant, dans l’affaire des «mercenaires». Voici qu’en avril 2019, l’Auditorat militaire avait classé sans suite la procédure visant six gardes du corps de Katumbi.
Moïse Katumbi et le spectre de « l’affaire des mercenaires »
Dans un courrier adressé mi-juillet au procureur près la Cour de cassation, Jean-Claude Bukassa, désormais ex-conseiller en matière de sécurité de Félix Tshisekedi, a demandé à être « fixé » sur l’état du dossier ouvert en 2016 contre l’opposant, dans l’affaire des « mercenaires ». Explications.
C’était l’un des dossiers judiciaires phares des dernières années de pouvoir de Joseph Kabila. En mai 2016, la justice congolaise avait accusé Moïse Katumbi, alors candidat déclaré à l’élection présidentielle, d’avoir recruté des « mercenaires », et notamment d’anciens militaires américains, pour assurer sa sécurité.
Mis en cause pour « atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État », le président d’Ensemble pour la République avait alors dénoncé une procédure politique destinée à nuire à ses ambitions. Il avait ensuite quitté le pays, débutant un exil de trois ans, principalement en Europe. La procédure, elle, s’était poursuivie en RDC avant d’être classée sans suite en 2019, dans un contexte de décrispation politique après l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi.
Lettre du CNS
Sept ans plus tard, l’affaire des « mercenaires » peut-elle être relancée ? Dans un courrier adressé le 18 juillet au procureur général près la Cour de cassation, le désormais ex-conseiller spécial en matière de sécurité de Félix Tshisekedi, Jean-Claude Bukassa – il a été remplacé le 1er août –, a souhaité s’enquérir de l’état de ce dossier. Cette lettre, dont la Cour a accusé réception et dont l’authenticité nous a été confirmée par deux sources au sein de cette juridiction et dans l’entourage de Bukassa, a pour objet « les affaires judiciaires de Moïse Katumbi ».
L’ancien conseiller y rappelle qu’à l’époque des faits, le procureur général de la République, Flory Kabanga Numbi, avait accusé l’ancien gouverneur du Katanga d’avoir, « sans préjudice de date précise mais au courant de la période allant de 2014 à 2016 […] levé ou fait lever des troupes armées, engagé ou enrôlé des soldats et fourni des armes et munitions sans ordre ni autorisation du gouvernement ». L’affaire, qui concerne une « période non couverte par la prescription », rappelle Jean-Claude Bukassa, « demeure encore pendante devant la Cour suprême de justice, devenue aujourd’hui la Cour de cassation [à l’issue d’une réforme judiciaire entreprise en 2018, NDLR] ».
Classé sans suite
En avril 2019, l’auditorat militaire avait finalement classé sans suite la procédure visant six gardes du corps de Moïse Katumbi. Cette décision judiciaire avait été annoncée trois mois après l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi. La justice militaire avait alors expliqué qu’il semblait « inopportun » de poursuivre l’instruction du dossier pour éviter de mettre en péril « la politique de réconciliation » prônée par le nouveau président congolais. Le pan de la procédure instruit devant la Cour de cassation, qui concernait les civils impliqués dans le dossier – dont l’ancien gouverneur du Katanga –, était toutefois resté en suspens. C’est ce que souligne Jean-Claude Bukassa dans son courrier du 18 juillet. « L’autorisation [octroyée à l’opposant de revenir au pays] ne l’absout pas des faits qui lui sont reprochés », écrit l’ancien conseiller de Tshisekedi, qui demande à être « fixé sur l’état du dossier » sans exiger toutefois l’ouverture d’une nouvelle action judiciaire.
Bras de fer avec Félix Tshisekedi
Candidat à l’élection présidentielle du 20 décembre prochain, Moïse Katumbi est aujourd’hui en plein bras de fer avec Félix Tshisekedi, qu’il avait brièvement rejoint après la rupture de l’alliance entre le président congolais et son prédécesseur, Joseph Kabila. Ces derniers mois, il a dénoncé à plusieurs reprises ce qu’il considère comme une campagne de dénigrement du pouvoir à son égard, après l’arrestation de son conseiller Salomon Idi Kalonda, et l’assassinat – non élucidé à ce jour – du porte-parole de son parti, Chérubin Okende. Les autorités rejettent ces accusations, promettant de faire la lumière sur la mort de l’ancien ministre.
Romain Gras/Stanis Bujakera (Jeune Afrique)
*Le titre est d’AfricaNews