Depuis son avènement à la tête de l’Inspection générale des finances -IGF-, il y a trois ans, Jules Alingete a juré d’affronter tous les dossiers, du plus au moins sensibles. Son objectif: veiller à la gestion efficiente des fonds du Trésor public. Pour y parvenir, Jules Alingete a orchestré plusieurs enquêtes dans les institutions et autres services publics dont certains ont eu un écho plus retentissant.
A la faveur d’un entretien avec «Le Soir», le patron de l’IGF est revenu sur les gros dossiers déjà gérés par des inspecteurs généraux des finances sous son leadership. Il a, au cours de cette interview, épinglé 5 dossiers, tous liés à la corruption et au détournement des deniers publics. Le premier d’entre ces dossiers a concerné le contrôle de la Banque centrale du Congo -BCC.
«Nous avons découvert des cartes de crédit détenues par des fonctionnaires, des politiciens. Directement connectées au compte général du Trésor via des banques commerciales, ces cartes pouvaient être utilisées à tout moment. Le compte de l’État pouvait ainsi être débité pour des montants extrêmement élevés, s’élevant à 10.000 dollars par jour et des achats pouvaient atteindre le même montant. Le Trésor congolais a ainsi perdu beaucoup d’argent», a-t-il relevé, rappelant à l’opinion cette page sombre de l’ère Kabila ayant mis à nu la manière dont des dignitaires de l’ancien régime ont acquis le droit de faire saigner à blanc les comptes du Trésor.
Le deuxième dossier est celui de l’audit du secteur forestier de la RD-Congo. Il a particulièrement porté sur la démarche de la RD-Congo en rapport avec le moratoire auquel le pays avait adhéré. «Malgré les engagements pris auprès de la Communauté internationale, des permis d’exploitation ont continué à être délivrés par des membres du gouvernement en charge du secteur forestier», a-t-il avancé, fier de savoir qu’à la suite de rapport de l’IGF, l’actuel ministre de l’Environnement a annulé des concessions forestières.
«L’audit du secteur minier a été la troisième affaire importante: l’examen de tous les contrats conclus entre 2010 et 2020 par la Gécamines a révélé des faits graves de bradage des actifs miniers. Le mode opératoire de la fraude et du bradage dans ce secteur minier ayant été mieux compris, des dispositions ont pu être prises», a-t-il avancé. Et de poursuivre: «entre 2010 et 2020, la Gécamines a réalisé près de 2 milliards de dollars de bénéfices et 97% de ce montant a été dilapidé dans des dépenses de fonctionnement et collations. Alors que la Gécamines devait renouveler son outil de production et relancer ses activités, aucun investissement n’a été réalisé et la société détient une dette sociale très salée».
L’affaire des contrats chinois, «opaques et déséquilibrés», a également été énuméré par Alingete parmi les gros dossiers de son règne. En effet, ce contrat, baptisé «minerais contre infrastructures», a été conclu à la suite d’une convention fixée en 2008 entre la RD-Congo et des entreprises chinoises, a imposé à la partie RD-congolaise de donner des gisements riches en minerais à des sociétés chinoises, en contrepartie des moyens financiers permettant.
«L’évaluation de ces contrats a révélé, au détriment de la RD-Congo, des disparités dans la répartition des avantages générés par la convention. La répartition du capital dans l’exploitation commune en est un exemple: le Congo, qui avait apporté le gros des affaires -c’est-à-dire ses mines les plus riches, dont la valeur était estimée à plus de 90 milliards de dollars-, a reçu 32% des parts lors de la constitution d’une société commune, la Sicomines», a soulevé Alingete.
Et d’expliquer: «la partie chinoise qui n’avait rien apporté a reçu, quant à elle, 68% des parts. La société ainsi créée a fonctionné sur la base d’emprunts qui furent contractés auprès des banques chinoises à des taux trop élevés, de l’ordre de 12% d’intérêt, emprunts que Sicomines devait rembourser. Les Chinois ont profité du laxisme de certains RD-Congolais qui se sont enrichis insolemment. L’apport réel des entreprises chinoises n’ayant pas été retracé, on n’a jamais compris comment la partie chinoise avait pu s’assurer 68% des parts…».
Le tout dernier, et sûrement l’un des plus retentissants dossiers traités par l’IGF, est la découverte des fraudes sur le fichier de paie des fonctionnaires de l’Etat. Certains d’entre ces fonctionnaires se sont arrangés pour toucher plusieurs fois de salaire avec plusieurs numéros matricules pendant que d’autres ont pu bénéficier de salaire sans posséder numéro matricule, etc. A la suite des révélations autour du scandale sur le paiement des fonctionnaires, le vice-Premier ministre en charge de la Fonction publique, Jean-Pierre Lihau, a annoncé vendredi le blocage des rémunérations indûment perçues par certains agents et cadres de l’administration publique. Voici autant de dossiers déjà menés à bon port par l’IGF, sous Jules Alingete, qui tient à donner un nouveau souffle au Trésor public avec une gestion parcimonieuse de ses fonds.
Natine K.