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Dossier Biselele: le journaliste Alain Foka perd toute crédibilité, RFI interpellée

L’ACAJ de Georges Kapiamba avait prévenu. Dans une lettre adressée mi-avril au Président Félix Tshisekedi, l’organisation de défense des droits de l’homme avait affirmé, après analyse, que les infractions retenues à la charge de Mr. Fortunat Biselele «revêtent un caractère éminemment politique», et que, par voie de conséquence, «sans aucune prétention de préjuger du fond du dossier, l’ACAJ note que les débats organisés dans le cadre d’un pareil procès donneraient lieu à la divulgation certaine des secrets d’Etat et exposerait tout le système politique et sécuritaire quant à ce».

Eh bien, on y est déjà: les révélations de «Jeune Afrique» sur les procès-verbaux d’audition de l’ancien Conseiller privé du Chef de l’Etat ainsi que la note de l’Office de police judiciaire -OPJ- de l’ANR font une première victime: le journaliste camerounais Alain Foka, adulé à travers le contient, mais qui va désormais apparaître sous ses nouveaux habits: ceux d’un mercenaire qui, loin de faire son travail en vrai professionnel des médias, ne serait en réalité qu’un banal pâtissier offreur de cadeaux de Noël -contre combien?- aux Chefs d’Etat suivis d’analyses destinées à orienter l’opinion africaine.7

En effet, ce qu’il est convenu d’appeler «l’affaire Biselele» commence avec la diffusion le 6 janvier 2023 sur la chaîne YouTube «Alain Foka Officiel» de l’émission-documentaire d’Alain Foka intitulée «la chronique: qui pour sauver le Congo?». Fortunat Biselele y tient ces propos, qu’il attribue au Président de la République Félix Tshisekedi s’adressant à son homologue rwandais Paul Kagame: «Nous sommes un pays riche, nous sommes des voisins et aucune guerre ne fera déplacer nos frontières, nous sommes des voisins à vie. Moi je vous propose de mettre ensemble des projets où nous allons jouer gagnant-gagnant. J’ai des minerais chez moi qui vous intéressent. Avec votre carnet d’adresses, vous pouvez contacter des investisseurs à travers le monde et nous allons travailler ensemble pour développer la zone».

La trame de l’affaire

Dans le fond, rien de grave, ni de non connu. Invité de l’émission «Face-à-face» sur «Top Congo» le 30 juin 2021, l’alors Conseiller principal du Chef de l’Etat en charge du Collège Economie et Finances, Marcellin Bilomba, avait dit la même chose: «le Rwanda est un voisin naturel. Et il va toujours demeurer un voisin naturel. Mais alors un voisin naturel qui n’a pas de coltan, un voisin naturel qui n’a pas d’or. Mais un voisin qui a une organisation, pourquoi ne pas ouvrir le marché pour transacter avec ce voisin?».

Dans la foulée, fut signée, le 27 juin 2021, un protocole d’accord entre l’entreprise congolaise dénommée Société aurifère du Kivu-Maniema -SAKIMA- et la société rwandaise DITHER aux termes duquel les deux entreprises convenaient de mettre leurs moyens ensemble pour développer une société commune pour le financement et la gestion des projets miniers de SAKIMA, à savoir: l’exploitation de l’or, du coltan, de la cassitérite et du wolfram congolais. C’était public! Sauf qu’à l’époque, le Rwanda et la RD-Congo filaient l’amour parfait.

Alors que lorsque Fortunat Biselele s’exprime, on est en pleine guerre d’une rébellion M23 soutenue par le Rwanda. Cela suffit aussi bien aux OPJ de l’ANR qu’aux Procureurs RD-congolais pour que ces propos relèvent désormais de «trahison». La note de l’OPJ explique: «l’incriminé savait pertinemment bien que pareils propos feront passer l’Autorité suprême comme étant un complice du pouvoir rwandais». Ce qui est du ressort des faits privés devient donc une affaire d’Etat. 

«Dans un état démocratique normal, si le Chef de l’Etat avait estimé que les propos de son Conseiller, qui croyait bien faire pour démontrer la bonne foi de son Chef, avaient été maladroits, il devait simplement le révoquer. Ceci ne devait jamais devenir une affaire d’Etat pour que le Conseiller soit convoqué, interpellé et gardé à vue par les services de renseignement. C’est tout sauf ce qui peut être admis dans une démocratie», assène un observateur. Mais les révélations de «Jeune Afrique» permettent de retracer la trame de l’affaire.

Un chargé de mission du Président de la République, nommé Pacifique Kahasha, proche de Vital Kamerhe, est un ami de longue date d’Alain Foka dont il a fait la connaissance il y a plusieurs années grâce à son jeune frère, Alain Kahasha, ancien directeur d’Airtel au Niger. Alain Foka contacte donc son ami Pacifique Kahasha et lui propose d’offrir un «cadeau de noël» à Félix Tshisekedi. En fait de cadeau, il s’agira d’une émission, dont chacun peut aisément deviner l’orientation politique, afin de plaire au Chef de l’Etat RD-congolais.

Recruté par la présidence

C’est donc naturellement que le chargé de mission est chargé de piloter le projet. Et, selon Kahasha, la liste des intervenants mandatés du côté des autorités RD-congolaises avait été validée par le Président en personne. «Bifort» rencontre ainsi Alain Foka pour la première fois dans le bureau du ministre des Finances, Nicolas Kazadi, en septembre 2022 -lui aussi figure dans l’émission du journaliste camerounais- mais, homme discret, il refuse de se faire enregistrer, malgré le fait qu’il comprend que c’est un journaliste «recruté par la présidence».

En effet, selon les révélations de «Jeune Afrique», c’est Nicolas Kazadi qui le présente ainsi: Alain Foka «ne pouvait qu’être de -leur- côté en ne sortant que ce qui est bénéfique pour le chef». Bref, le genre de choses qui arrivent quand un journaliste jette aux orties les règles déontologiques pour devenir un maître-pâtissier offreur de cadeau de Noël particulièrement succulent à un Chef d’Etat. Mais Biselele acceptera quelques mois plus tard de passer à l’émission lorsque Pacifique Kahasha lui assurera qu’il s’agissait bien d’un projet médiatique piloté par la présidence. C’est ainsi qu’il reçoit M. Foka en sa résidence le 29 décembre 2022.

Aujourd’hui, il accuse le journaliste, qu’il traite de «manipulateur», de l’avoir «conditionné»: «le journaliste m’avait dit qu’il était au courant de mes nombreuses missions au Rwanda. Il voulait savoir ce que j’allais y faire. Pour ne pas lui donner les vraies raisons, j’ai menti en disant ce que j’ai dit, je le regrette», déclare Biselele aux OPJ de l’ANR qui l’interrogent. Tous comptes faits, le dossier Biselele restera, du moins à ce stade, une affaire d’un «cadeau de Noël» qu’un journaliste est venu offrir à un Chef de l’Etat du continent. Un cadeau de Noël qui a été particulièrement aimé par le destinataire. En effet, selon Pacifique Kahasha, «la chronique a été très appréciée, même par le Chef».

En clair, les Africains qui ont gobé les analyses d’Alain Foka dans cette émission vont désormais apprendre que le journaliste, recruté par la présidence de la RD-Congo, ne parlait pas objectivement, mais qu’il voulait juste les manipuler dans le cadre d’une «émission-cadeau de Noël» concoctée avec les dirigeants RD-congolais eux-mêmes afin de savonner leur voisin rwandais. Mais un cadeau de Noël qui a coûté combien? L’histoire ne le dit pas.

«Mais quel imbécile peut vraiment croire que ce journaliste camerounais s’est pris en charge -payant de sa poche les billets d’avion et les longs séjours à Kinshasa rien que pour faire goûter son précieux cadeau de Noël aux dirigeants congolais?», s’interroge un analyste, lors de la conférence de presse de l’ASADHO organisée ce mercredi 31 mai sur, justement, le dossier Biselele. Du coup, c’est «RFI», la radio française qui se veut professionnelle, qui se trouve interpellée. En effet, il y a forcément problème lorsqu’un de ses journalistes qui tient deux émissions qui peuvent lui permettre de donner son opinion, brille par des pratiques aussi détestables qui bafouent la déontologie élémentaire du journaliste, même s’il l’a fait pour le compte de sa chaîne YouTube? C’est l’honneur de la «radio mondiale» qui est en jeu. 

Avec Finance-cd.com

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