Le député dissident de l’ULDC se croyait tout permis au point de
tenter de lancer un nouveau courant au sein de la Majorité présidentielle dont il a titillé la direction. Ses jours dans ce regroupement politique sont peut-être comptés.
Souvenez-vous, c’était il y a cinq ans. Zacharie Bababaswe Wishiya, le
chroniqueur de musique et géniteur de l’émission «Indubile» sur la
chaine de télé «Horizon 33», interdite de diffusion par l’autorité de
régulation, puis du journal en Lingala facile, se faisait élire député
national à Kinshasa/Lukunga sur la liste de l’ULDC, parti de Raymond
Tshibanda. A peine élu et contrairement à sa campagne durant laquelle
il brandissait le fouet contre tous les présumés fossoyeurs de
l’économie du pays, il intégrait la Majorité, à travers notamment le
groupe parlementaire «Terre d’avenir», où siègent des ténors de la
Majorité présidentielle comme feu Baudouin Banza Mukalayi, Lambert
Mende, Pius Muabilu, Tryphon Kin-kiey Mulumba… et, naturellement,
Raymond Tshibanda.
Cinq années plus tard, en plein dialogue de la CENCO entre les franges
de l’Opposition et la Majorité présidentielle -MP- à laquelle il
appartient, Bababaswe s’attire les phares de l’actualité en lançant un
courant au sein de la famille politique du Président de la République,
le Mouvement des kabilistes indépendants, plaidant pour le changement
au sein de la MP, critiquant sévèrement son Bureau politique et son
Secrétariat général, rendus à ses yeux responsables de l’échec au courant de la dernière législature, appelant à la nomination de l’UDPS Félix Tshisekedi à la Primature afin, a-t-il laissé entendre, de rapprocher le Président Kabila de la population.
Initiative désintéressée? Pour quel dividende politique? Des questions
délicates dont les réponses sont à trouver dans le comportement du
député.
Aperçu dans le sillage des figures du G7, du clan Lumbi, exclu
de la MP pour avoir tenté d’y instaurer un courant contre l’avis de
tous les sociétaires, Bababaswe est désormais assimilé aux dissidents
de 2015. Il n’aurait pas pris ce risque, il ne serait pas allé au-delà de la frontière, que personne à la MP ne l’aurait accusé. Et la charge
est grave: Bababaswe a pour mission principale, certifient des sources
dignes de foi, de jouer à l’élément perturbateur de la famille politique du Président de la République, la Majorité présidentielle.
Devient-il un petit loup qui était entré dans la bergerie avec la peau
de l’âne?
L’explication dans le parcours
Ici, le débat fait rage et d’aucuns font intervenir le parcours de
l’ex-animateur de la télévision nationale. Zacharie Bababaswe est un
habitué des coups, dit-on. Il s’est fait élire député pour le compte
de la Majorité présidentielle tout en battant campagne contre les
gestionnaires de la mandature 2006-2011. Il a aujourd’hui quitté
l’ULDC, le parti de Raymond Tshibanda, sur la liste duquel il a obtenu
le mandat d’élu national, pour créer sa formation politique, AGIR, en
violation de la Loi, qui oblige clairement au député qui quitte son
parti à libérer automatiquement le siège à l’Assemblée nationale.
Autres charges: l’élu de la Lukunga agit selon les tempéraments du
moment et selon qu’il se trouve du côté où il trouve son compte.
«On l’a vu afficher son zèle dans les suites de la Première dame avant de
se refroidir. Il s’est improvisé rabatteur pour le compte du
gouverneur André Kimbuta avant de se brouiller avec ce dernier. Au
cours d’un débat consacré à la question orale avec débat du député
Crispin Mbindule adressée à l’ancien Premier ministre Matata Ponyo, le
député Bababaswe n’a cessé de faire le laudateur zélé de l’homme à la
cravate rouge en affirmant avec des mots pathétiques et pleins
d’éloges que la ville de Kinshasa était devenue propre grâce à
l’action menée par le gouvernement. Pourtant, une semaine plus tôt, il
déclarait que la capitale de la RD-Congo était la ville la plus sale»,
largue-t-on en faisant constater que cette contradiction dit tout sur
ce Kinois, «lancé pour le compte de ses nouveaux patrons dans une
campagne de recrutement des députés dont il a reçu certains dans des
hôtels de Kinshasa».
Chef d’un parti sans député
Certains pourfendeurs du dissident ULDC affirment qu’il s’est un
moment rapproché du speaker Aubin Minaku et du Premier ministre Samy
Badibanga, qu’il a remué ciel et terre pour entrer au gouvernement
issu du dialogue de la Cité de l’Union Africaine, où il visait les
départements des Sports et celui de la Culture et ses Arts. Bababaswe
a-t-il préféré se rebeller et brocarder la Majorité présidentielle
pour n’avoir pas obtenu ce qu’il désirait? Le soutien désormais
accordé à Félix Tshisekedi l’est-il au nom de la même logique? C’est
qui, c’est quoi le «kabiliste indépendant» aux yeux de Bababaswe, en
rébellion contre les instances de la «kabilie»?
Dans la ville haute, on analyse en tenant compte d’un passé très
récent de la MP: «La seule instance qui reste au député de Lukunga,
c’est d’avoir le courage de rallier publiquement son nouveau camp, si
ce n’est pas encore fait, parce que le Bureau politique dont il
souhaite le départ est composé des hommes et femmes responsables des
partis politiques qui disposent d’un nombre des députés composant
ainsi la Majorité parlementaire. Bababaswe, qui doit logiquement
perdre le mandat de l’ULDC et rester chef d’un parti sans député et
sans assises connues, AGIR, ne peut pas prétendre avoir une place au
sein du Bureau politique de la Majorité présidentielle, dans la
configuration actuelle».
Prenant Bababaswe aux mots, des kabilistes-josephistes, qui disent
avoir comme unique chef et autorité morale Joseph Kabila, le rangent
dans la même catégorie que Jeannot Mwenze Kongolo, qui se réclame du
kabilisme-m’zeïste -ce sont les termes de Zacharie-, et disent avoir
découvert les intentions cachées de celui qui véritablement a décidé
de faire le kamikaze et exploser. Ils lui font savoir que le choix des
dirigeants et des instances politiques de la MP relève de la seule volonté de l’autorité morale. A croire que les jours de Bababaswe à la
Majorité présidentielle sont derechef comptés. «Il escompte une
exclusion ou une invalidation», prévient-on.
Des sources bien informées indiquent qu’au sein de l’Assemblée
nationale, plusieurs députés s’insurgent contre “cette attitude
irrespectueuse”.
«Bababaswe ne doit pas confondre ses conflits qu’il a toujours eus avec des musiciens et chroniqueurs de musique avec des
acteurs politiques qui, pour la plupart, requièrent un comportement
d’hommes d’Etat», assène-t-on. Jusqu’ici en République Démocratique du
Congo, les courants ou les contractions ne sont pas encore admis dans
nos partis politiques. Frédéric Kibassa a été viré de l’UDPS pour
l’avoir tenté. Olivier Kamitatu, François Muamba, Thomas Luhaka,
Jean-Lucien Bussa en ont eu pour leurs comptes respectifs au MLC. Plus
près de nous, Ewanga et Lubaya ont dû quitter le navire UNC.
Alors que la suite s’annonce palpitante, le piège d’une nouvelle
fronde au sein de la Majorité présidentielle tend à se refermer sur le
député dissident de l’ULDC, prié d’avoir le courage de quitter les
rangs et de choisir son camp… à l’instar de ses nouvelles idoles.
Ya Kakesa/AfricaNews
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