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Un diktat qui passe mal, Kabuya menace d’invalidation les députés provinciaux UDPS en cas d’éventuel échec des tickets du Parti au gouvernorat et l’Assemblée provinciale de Kinshasa

Au sein de l’Union pour la démocratie et le progrès social -UDPS-, la tendance est à l’émergence d’une pensée unique, une vieille pratique que les pères fondateurs du parti ont pourtant combattue sous le régime Mobutu, combat qui a donné naissance, le 15 février 1982, à l’UDPS.

Vendredi 13 avril au Fleuve Congo hôtel de Kinshasa, Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, a réuni la trentaine de députés provinciaux de Kinshasa membres du parti pour des «orientations», en marge des élections des membres du bureau définitif de l’Assemblée provinciale et du gouverneur de la ville.

Selon des indiscrétions, les échanges se sont vite transformés en une «communication verticale» où le chef du parti semblait donner des «injonctions» aux députés provinciaux. Un «diktat» qui est mal passé auprès des élus.

Dans son discours, Kabuya aurait usé des mots discourtois pour «menacer d’invalidation» les députés provinciaux UDPS en cas d’éventuel échec des tickets du Parti au gouvernorat et l’Assemblée provinciale de Kinshasa.

«Il nous a promis d’user de toute son influence pour bloquer nos carrières politiques, et même, de nous faire invalider par la justice s’il le faut, avant de nous faire remplacer par nos suppléants», a révélé, sous le sceau de l’anonymat, un député provincial de l’UDPS ayant pris part à la réunion, cité par le média en ligne «Opinion.cd».

Dans sa démarche de vouloir imposer une pensée unique, le SG Kabuya a forcé les élus UDPS ayant postulé à ces scrutins en indépendants ou hors ticket de se retirer, afin de laisser «toutes les chances à leurs tickets au gouvernorat et à l’Assemblée».

S’ils n’ont pipé mot lors de cette réunion, les députés provinciaux d’obédience UDPS n’ont pas cautionné l’attitude de Kabuya qui foule au pied les valeurs du parti qui a milité, 37 ans durant dans l’opposition, pour l’instauration de la démocratie et de la liberté d’expression.

Parmi les frustrés, un autre député UDPS ayant pris part à la réunion a déploré la posture de son SG qui est «une violation flagrante du droit de vote protégé par la Constitution, en son article 23, qui garantit la liberté d’expression». Désormais, ce député promet d’user de son droit constitutionnel, garanti par l’article 28 de la Constitution pour «boycotter tout ordre illégal contraire à la Constitution».

Selon cette disposition constitutionnelle, «nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’État est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques et des bonnes mœurs».

Pour des observateurs de la politique RD-congolaise, Augustin Kabuya fait surtout preuve d’une mémoire courte, oubliant le contexte de la naissance de l’Union sacrée de la nation. Fin 2020 et la scission de la coalition FCC-CACH, le Président Tshisekedi est passé de 50 à plus de 350 députés à l’Assemblée nationale, en pleine législature.

A l’époque, le parti présidentiel était monté sur la brèche pour évoquer alors la liberté de choix et d’opinion de chaque député. Ce discours a été formalisé par un arrêt de la Cour constitutionnelle sur le mandat non impératif. «Entre 2020 et 2024, qu’est-ce qui a changé?», s’interroge un analyste face aux menaces brandis par Kabuya. Cet observateur est d’avis que la démarche du SG du parti présidentiel est simplement «négation de la démocratie» et une «volonté manifeste d’asseoir la gestion paroissiale de la chose publique».

Dans l’opinion, l’on s’interroge également sur l’opportunité de ces menaces quand on sait que l’UDPS et sa mosaïque sont de loin majoritaires dans cette Assemblée provinciale qui, du reste, ne compte aucun élu de l’Opposition. «Cela prouve que le ticket soutenu par le SG Kabuya est si fébrile. Il peine à faire l’unanimité au point de nécessité un coup de pouce», se convainc un autre député UDPS, persuadé que tout ticket issu de ces menaces sera «illégitime».

A 5 jours de l’élection du bureau définitif et à 16 jours de la gouvernorale, la cohésion apparait comme une denrée rare au sein de l’UDPS qui refuse de laisser cours au jeu démocratique. Toutefois, les députés provinciaux disposent encore d’une cartouche: leurs consciences, dans un vote qui revêt un caractère «libre» et «secret» pour ne pas cracher une fois de plus sur la mémoire d’Étienne Tshisekedi et de 12 autres pères fondateurs du parti.

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