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Croissance positive vs extrême pauvreté: les limites du succès de Matata Ponyo

«Le mythe d’une croissance à effet nul, le pays continue de sombrer dans la pauvreté», assène l’ancien conseiller économique de Joseph Kabila en réaction à la dernière évaluation économique annuelle du FMI
Le Premier ministre RD-congolais a beau vanter ses prouesses économiques à la réunion d’Accra sur la fin de la pauvreté, il a perdu à Washington où le FMI juge sa croissance positive sans effets contre la misère des RD-Congolais.   
«L’arithmétique du taux de croissance ne se retrouve pas dans le vécu quotidien des Congolais qui continuent de croupir dans la misère noire». La sentence est du professeur  Faustin Mukela Luanga, ancien conseiller économique du Président de la République, haut fonctionnaire international à l’Organisation mondiale du commerce -OMC-, originaire du Maniema comme le Premier ministre Matata Ponyo dont il critique pourtant le modèle de gestion, objectivité oblige.
Plutôt que s’enfermer dans un silence coupable, Luanga, érudit RD-congolais indigné par la manière dont le pays est géré au quotidien mais convaincu qu’un autre modèle est possible, s’est mêlé au débat lancé par la dernière évaluation économique annuelle du Fonds monétaire international -FMI-, où il est fait état du paradoxe RD-congolais: «La République Démocratique du Congo excelle en matière de croissance, mais reste à la traine sur le front de la réduction de la pauvreté».
Faustin Luanga est lui aussi d’avis que le pays sombre dans la pauvreté malgré le taux de croissance qui atteint la crête de 9,2% en 2014. Le document du FMI a été rendu public quelques jours avant la rencontre d’Accra où Matata Ponyo n’a pas boudé son plaisir de vanter ses prouesses économiques mais il semble avoir perdu à Washington où l’institution financière internationale épingle ses limites sur le front de la réduction de la pauvreté. A qui la faute? Au manque entre autres de transparence dans le secteur minier, à en croire Norbert Toé, chef de mission du FMI en République Démocratique du Congo, dans une interview accordée au Bulletin de l’institution de Breton Wood paru le 13 octobre dernier -Lire en page 3.
Au gouvernement, dit Luanga dans un post samedi 17 octobre sur Facebook. Au Premier ministre, précise, pour sa part, le même jour via le même réseau social, l’économiste Pierre Raymond Bossale que Luanga n’ose pas contredire: «l’absence des relations de co-intégration entre l’évolution du taux de croissance économique et celle du taux de pauvreté en RDC est caractéristique de l’incompétence du premier d’entre les ministres à initier et appliquer des politiques économiques orientées vers une croissance économique inclusive car l’inclusivité de la croissance économique est trace et pose les jalons d’une part, et d’autre part impulse les moyens -les stratégies- de réduction de la pauvreté», tape Bossale.
Prié dimanche de parler du modèle de gestion qu’il propose à la RD-Congo, Luanga a cette réponse: «La RDC, notre pays, doit se doter d’une ‘politique globale et cohérente’ de développement qui va au-delà de simples et multiples programmes que le gouvernement s’évertue tant bien que mal à mettre en œuvre tantôt sous l’égide du FMI, notamment les différents Programmes économiques du gouvernement -PEG-, tantôt sous la coupe de la Banque mondiale avec le Document stratégique de croissance et réduction de pauvreté -DSCRP- ou d’autres bailleurs multilatéraux…»
 
Intelligence économique et volonté politique
Puis: «La RDC a besoin d’un Plan Marshall pour son développement, seul capable de lui assurer une émergence à l’horizon 2030 et améliorer ainsi le bien-être des Congolais», précise Luanga. D’où viendrait l’argent? L’économiste donne des pistes demandant aux dirigeants d’être imaginatifs et ingénieux pour mobiliser les fonds destinés à relever cet immense défi. «L’étroitesse du budget actuel de la RDC, la gestion sur base caisse, le blocage du paiement de la dette intérieure par le gouvernement, les faiblesses et l’étroitesse d’intermédiations financières sont incompatibles avec toute ambition d’émergence du pays à moyen terme», affirme le professeur.
Et d’ajouter: «L’argent existe de part le monde. A nous de nous montrer attractifs, sécurisants, rassurants aux investisseurs potentiels. A titre d’exemple, le Chili peut appliquer une taxation de 30% à sa production du cuivre au moment où la RDC ne s’accommode que de percevoir 3%. Il y a lieu de se remettre en cause et de questionner notre façon de faire les affaires sur ce dossier particulier et, bien sûr, tant d’autres».
Puis encore: «Nous financerons le progrès et le développement de la RDC quand le pays saura s’approprier les bons leviers et ressorts de la croissance quand le pays pourrait être en mesure d’utiliser ses actifs miniers et d’autres formes d’actifs comme gages pour lever des fonds et attirer d’importants capitaux de part le monde… C’est tout un programme qui nécessite l’intelligence économique et la volonté politique», suggère Luanga avant de confier qu’un Plan Marshall pour la pacification et le développement de la RDC avec ses mécanismes de financement est en voie de finalisation. Pourvu que le Premier ministre accorde une attention particulière à cette contribution et se surpasse au prochain forum économique de Londres, où il devrait côtoyer du beau monde.
AKM                                

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