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Bokolombe-Kamerhe: le tweet de la rupture

Chaque jour qui passe, sur Twitter comme sur Facebook, Sam Bokolombe, secrétaire national en charge de la Justice, Bonne gouvernance et Lutte contre la corruption, dresse un diagnostic sans ambigüité: l’Opposition, y compris l’Union pour la nation congolaise -UNC-, son parti, perd du terrain et a tendance à se liquéfier à cause de la course aux postes, du manque de lisibilité de la ligne de cette formation politique et des doutes sur les perspectives de son leader
«J’entends œuvrer dans une Opposition authentique; celle qui supporte et partage les aspirations des Congolais. Il y a urgence à l’inventer». Posté le 22 février par Sam Bokolombe, secrétaire national en charge de la Justice, Bonne gouvernance et Lutte contre la corruption de l’UNC, un homme réputé réfléchi, qui ne dit rien au hasard et a su prendre la décision en 2009 de claquer la porte du Mouvement de libération du Congo -MLC-, après avoir décrié le manque de lisibilité, comme aujourd’hui avec son actuelle formation politique, ce tweet n’est pas passé inaperçu.

Un tweet de Sam Bokolombe Batuli révèle un nouveau malaise au sein de l’UNC de Vital Kamerhe après la démission fracassante du secrétaire général Jean-Bertrand Ewanga et celle de son adjoint Claudel-André Lubaya. Un malaise consécutif à la gestion du parti et son avenir depuis que ce groupe semble traverser une crise identitaire et idéologique. Au siège de l’UNC à Barumbu, les commentaires vont bon train. Ça sent une nouvelle tempête. Les militants les plus sceptiques évoquent déjà une rupture certaine entre Bokolombe et Kamerhe. Ils donnent leur lecture de la situation. «Les deux hommes avaient noué une entente solide depuis le lancement des activités de l’UNC.
On a vu le président Kamerhe effectuer plusieurs fois le déplacement de la résidence du député Sam Bokolombe pour réfléchir sur l’avenir du parti et du pays. Bokolombe s’est beaucoup investi dans l’implantation de l’UNC à l’Equateur. Il est parmi les bailleurs du parti pour avoir beaucoup contribué en termes logistique et des infrastructures», témoigne un cadre de la fédération de l’UNC/Kinshasa. Omniprésent depuis les départs successifs du cofondateur Justin Bitakwira, du secrétaire général Jean-Bertrand Ewanga et du secrétaire général adjoint Claudel-André Lubaya, Sam Bokolombe se rend aussi indispensable par ses interventions, son énergie et son sens tactique pendant le dialogue de la Cité de l’Union africaine. Cependant, il est de ceux qui s’agacent du partage à l’issue des pourparlers facilités par Edem Kodjo, avoue-t-on.
Refus de se couper de sa base du Sud-Kivu
Et pour cause: «Kamerhe a choisi de faire la part belle à son alter ego Pierre Kangudia, promu ministre d’Etat en charge du Budget, au beau-frère du Sud-Kivu Aimé Boji Sangara, nommé ministre du Commerce extérieur, à la «sœur» du Sud-Kivu Marie-Ange Mushobekwa, ministre des Droits humains, et à un autre «frère» du Sud-Kivu élevé au rang de vice-ministre», explique un autre militant. On apprend de ce dernier que Kamerhe n’a pas trouvé mieux de justifier son choix que par le fait qu’il ne peut pas se permettre de se couper de sa base du Sud-Kivu. Quitte à froisser les cadres de l’Ouest oubliés, délaissés. Elu de Kinshasa, le député Mayo Mambeke, a dû protester vivement sur les antennes de «Top Congo FM». Membre de la délégation de l’UNC au dialogue, Bokolombe n’a eu aucune réaction officielle. Comme Mayo, faisant bon cœur contre mauvaise fortune, il est frustré mais il reste dans les rangs.
Mais c’est à cause des soucis de lisibilité de la ligne du parti, qui s’illustre par trop de revirements ces derniers mois, et des perspectives de plus en plus incertaines de son leader Vital Kamerhe que Sam Bokolombe semble cracher sa colère et multiplier les signes du désamour, à en croire deux autres militants qui affirment l’avoir vu ces derniers temps et le disent «soucieux d’un ancrage résolu de l’Opposition». Vrai ou faux, chaque jour qui passe, sur Twitter comme sur Facebook, le secrétaire national en charge de la Justice, Bonne gouvernance et Lutte contre la corruption dresse bel et bien un diagnostic sans ambigüité: l’Opposition, y compris l’UNC, son parti, perd du terrain et a tendance à se liquéfier à cause de la course aux postes et d’une crise identitaire.
Une formation indépendante et transfuge de l’UNC
Une première pique le 14 février 2017: «Démentez ce théorème: ‘Devant ses intérêts provinciaux et tribaux, l’élite politique congolaise est prompte à mettre sa raison en veilleuse’». Une deuxième pique, plus cinglante encore, le 21 février 2017: «Est homme d’Etat celui qui lie son destin politique à celui de son pays. Est politicien celui qui se replie sur ses personne et chapelle». L’explication à ce message est encore donnée au siège du parti, où des cadres amers disent avoir constaté que Vital Kamerhe a commencé à cafouiller pour avoir perdu le poste de Premier ministre à l’issue du dialogue de la Cité de l’Union africaine… au point de rallier tout de suite les discussions directes de la CENCO et donner l’impression de s’offrir corps et âme à la Majorité présidentielle.
Puis une annonce le 22 février 2017, quasi décisive, qui ne laisse aucun doute, de l’avis de plusieurs analystes, quant à l’impatience de Bokolombe d’en finir avec l’UNC: «J’entends œuvrer dans une Opposition authentique; celle qui supporte et partage les aspirations des Congolais. Il y a urgence à l’inventer». Visiblement, Bokolombe ne fait que porter la colère que ressentent les militants de l’UNC tétanisés par les transmutations de Kamerhe. Son tweet du 22 février, renforcé par un autre du 23 février dans lequel il appelle l’Opposition à «recouvrer ses gènes, viser l’alternance plutôt que de s’engluer désespérément dans cette logique de partage de pouvoir qui la distrait», est perçu comme le signe d’un divorce annoncé après six ans d’une collaboration si étroite. Selon Claudel Nkongolo, l’un des internautes qui l’ont commenté, «ça sent une formation indépendante et transfuge de l’UNC».
AKM

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