L’Association congolaise pour l’accès à la justice -ACAJ- alerte sur d’énormes pressions politiques dans le procès de Fortunat Biselele Kayipangi, ancien conseiller privé du Président Félix Tshisekedi, incarcéré depuis janvier 2023 à la Prison centrale de Makala à Kinshasa. Au cours d’une conférence de presse, samedi 27 mai, sur la situation des droits de l’homme en RD-Congo, le président de l’ACAJ est largement revenu sur les contours du procès de Fortunat Biselele caractérisé, selon lui, par beaucoup d’irrégularités et d’interférences politiques aux fins d’une condamnation rapide de l’ex-collaborateur de Félix Tshisekedi.
En clair, Me Georges Kapiamba s’est dit préoccupé par l’interruption brutale des soins médicaux administrés à Fortunat Biselele à la clinique où il était interné, mais aussi par sa détention ainsi que la reprise de son procès sans tenir compte de son état de santé préoccupant.
Tout en condamnant ce procès politique et non équitable dont le déroulement viole systématiquement les engagements de la RD-Congo en matière des droits de l’homme, Me Georges Kapiamba a déploré le spectacle désolant qui s’est déroulé lors de l’audience du vendredi 26 mai dernier, au cours de laquelle les membres du tribunal récusés ont scandaleusement examiné les motifs de leur récusation avant de les rejeter.
A en croire Me Georges Kapiamba, les observateurs de l’ACAJ à cette audience ont noté l’existence d’énormes pressions politiques sur le déroulement du procès depuis son démarrage jusqu’à ce jour. Une réalité confirmée par les avocats de Fortunat Biselele qui ont soulevé des preuves «d’un acharnement» contre leur client, soutenant avoir constaté avec stupéfaction que lors de l’audience du même vendredi, le magistrat instructeur qui avait reçu le prévenu au Tribunal de grande instance de la Gombe n’était autre que Éric Kuku Kiese, membre du cabinet du Président de la République où il exerce les fonctions de coordonnateur adjoint à la Coordination en charge de la jeunesse et lutte contre les violences faites aux femmes.
«C’est lui qui fait office de ministère public au procès avec une emprise vraisemblable sur la juge présidente Sina Mukenge. Il se montre très autoritaire, s’exprimant assis, refusant de se mettre debout devant la Cour. Un vrai scandale judiciaire, une grave violation de la vison du Chef de l’Etat sur l’instauration de l’Etat de droit», ont déploré les avocats de Biselele Kayipangi qui ont dit ne pas comprendre quand, en pleine audience, Éric Kuku Kiese s’est permis de contredire la juge pour avoir ouvert la chambre du Conseil, lui intimant l’ordre de la fermer et de rouvrir la chambre foraine sans que la récusation de la juge ne soit prise en compte.
«L’ACAJ est profondément préoccupée par ces poursuites qui vont indubitablement donner lieu à un procès politique dans un Etat proclamé de droit où personne n’est censée être poursuivie pour ce type d’infraction», a déclaré Me Georges Kapiamba, avant de faire part du combat mené par sa structure depuis des lustres, dans le sens de la suppression du code pénal RD-congolais de toutes les infractions réputées politiques, car incompatibles avec les valeurs démocratiques.
Par ailleurs, la santé de Fortunat Biselele Kayipangi préoccupe aussi l’ACAJ comme tous les autres compatriotes animés par le sens de l’humanisme. «Il est prévu par la loi que dans notre système carcéral, il doit y avoir un service médical approprié avec une compétence et une expertise voulues. Mais lorsque vous n’avez pas organisé cela, la RD-Congo a pris les engagements de transférer les détenus, les prisonniers malades dans les formations médicales où ils peuvent recevoir des soins médicaux appropriés. C’est un des droits fondamentaux des citoyens qui doit être respecté. Il ne revient pas ni à un ministre, et encore moins à un gardien de prison, de bafouer ce droit. Et nous, notre rôle, c’est de le rappeler lorsque nous constatons cette violation, et nous encourageons les victimes de ce fait à entreprendre des démarches auprès des instances nationales ou internationales pour que leur droit soit respecté», a rappelé Me Georges Kapiamba, question de dénoncer l’interruption brusque des soins médicaux dont bénéficiait l’ancien Conseiller du Chef de l’Etat.
D’un ton sévère, le président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice a appelé à ce que les juges qui donnent des garanties à la personne poursuivie puissent conduite le procès en agissant en toute indépendance et impartialité. «Mais lorsque vous désignez des personnes comme des simples capitas, pour venir exécuter vos instructions, c’est-à-dire: faites une instruction rapide, l’objectif c’est de prononcer des condamnations. Non! Là, nous disons halte, stop», a-t-il dénoncé.
Et d’avertir: «ce n’est pas ça l’Etat de droit en démocratie, respectons-le car, c’est celui-là qui nous guide tous. Et les magistrats ou les juges qui acceptent d’exécuter ce genre de projet, doivent savoir qu’un jour, ils en répondront. On peut dire qu’on peut échapper à la justice des hommes, il faut savoir qu’il existe aussi la justice de Dieu». De l’avis du patron de l’ACAJ, en cette période pré-électorale où le pays fait face à des défis sécuritaires majeurs, la tenue d’un pareil procès risque d’avoir un impact politique négatif sur l’opinion et remettre en question la volonté de restauration d’un Etat de droit en RD-Congo.
Olitho KAHUNGU