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Moïse Moni Della: plaidoyer pour les 13 parlementaires

L’histoire de la République démocratique du Congo est jalonnée par les hauts faits d’armes des dignes fils et filles de ce pays, à l’instar des précurseurs de l’indépendance comme Kimpa Vita, Simon Kimbangu, des pères de l’indépendance tels que Lumumba, Kasa-Vubu, Tshombe, Kamitatu, Bomboko, Gizenga.

Cette histoire est aussi marquée en encre indélébile par les vaillants, brillants et clairvoyants treize parlementaires et leurs compagnons qui ont osé tracer la voie de sa démocratisation, au prix du sang qui a coulé dans les rues, hôpitaux, prisons et cimetières pour qu’on parle aujourd’hui de la démocratie représentative avec comme couronnement l’accession de l’UDPS à la magistrature suprême. Même si cela n’est pas une fin en soi, c’est une étape importante pour appliquer le projet de société qui se résume par «Le Peuple d’abord». La finalité étant le mieux-être de tous.

Les treize parlementaires ont consenti des sacrifices exceptionnels, acceptant humiliations et autres traitements inhumains et dégradants pour ce noble combat. Maintenant que l’UDPS est au pouvoir, ils méritent la reconnaissance de toute la nation. Il est un devoir patriotique de gratifier et d’honorer ceux qui sont morts comme ceux qui sont encore vivants. Pour ceux qui sont encore en vie, n’attendons pas leurs morts pour faire des oraisons funèbres protocolaires avec les mêmes corolaires.

C’est ici l’occasion de saluer la mémoire de l’un des treize parlementaires qui vient de nous quitter: l’honorable Gabriel Kyungu. Aimons-nous vivants! Ce bon concept mis actuellement en valeur par le célèbre journaliste Paulin Mukendi avec son trophée Mwana Mboka, nous rappelle cette nécessité d’honorer nos héros vivants. 

Pour ma part, j’ajoute en disant: «aidons-nous vivants». Surtout reconnaissons la valeur des gens de leur vivant et gratifions-les. J’exhorte le Président de la République de penser à ces dignes fils. Quatre des treize parlementaires sont encore vivants. Il s’agit de Lusanga Ngiele, Kapita Shabangi, Dia Onken et Lumbu Maloba. Je suis révolté de constater que le Président Félix Tshisekedi se fait entourer des Mobutistes et Kabilistes patentés comme conseillés, hauts représentants et responsables des entreprises publiques, etc.

Ces Mobutistes et Kabilistes de première heure sont devenus des Tshisekedistes de dernière heure alors que des treize parlementaires peuvent bien assumer ce rôle de par leur expérience, compétence et connaissance du microcosme politique congolais. Tout au long de leur carrière aux côtés de Mobutu et de Kabila, ces nouveaux proches du président avaient comme mission de détruire l’UDPS, ses dirigeants et ses combattants. Ils sont aujourd’hui les grands bénéficiaires du combat et des sacrifices des treize parlementaires et des combattants de l’UDPS. Quel paradoxe! Quel sacrilège! Quelle abomination!  Quelle trahison! Oui, parlons de la trahison parfois collée aux treize parlementaires.

On évoque souvent l’Accord de Gbadolite de 1986. Sans commentaire de ma part, je mets à la disposition des Congolais pour la première fois cet accord que chacun puisse se faire une religion. Les faits sont sacrés, les commanditaires libres, dit-on. Je salue le rôle positif joué à l’époque de la clandestinité par les animateurs de G8, de la DPR -Direction politique rénovée- notamment Muntuntu, Omer Kamba, Omene Samba, Prof Mangala et quelques pionniers dont je faisais partie, qui avaient dénoncé cet accord qualifié de trahison et de capitulation. Dans le même registre, il faut noter une forte pression des représentants et militants de l’UDPS de l’extérieur -Corneille Mulumba en Belgique, Kadary au Canada, Lihau Marcel aux USA, Manara en France- qui ont dénoncé avec vigueur cet accord.

Les présidents Tshisekedi et Birindwa d’heureuses mémoires en tournée euro-américaine ont rejeté à leur tour cet accord et se sont mis en phase avec la position radicale de la base du parti de continuer la lutte. L’honorable Kanana et Lusanga Ngiele, restant au pays, n’ont pas accepté d’être coptés au comité central du MPR, ce qui signifie qu’ils ont eux aussi rejeté l’Accord de Gbadolite. À son retour au pays, Étienne Tshisekedi wa Mulumba va organiser un meeting inédit le 17 janvier 1988 à la place Pont Cabu, jour anniversaire de la mort de Lumumba. Le président Tshisekedi est arrivé en taxi déjouant ainsi la vigilance de la DSP, la garde pléthorienne de Mobutu qui avait focalisé son attention sur sa voiture.

J’avais échappé belle à l’arrestation, à la prison voire à la mort comme c’était le cas des dizaines de militants de l’UDPS et plus particulièrement du garde du corps d’Etienne Tshisekedi, alors secrétaire national chargé de l’organisation du parti. Un grand malabar de teint clair abattu à bout portant, lorsqu’il essayait de s’interposer entre les militaires de la DSP qui torturaient à mort Tshisekedi avant de l’emmener à la prison de Makala. Omer Kamba qui était tout prêt de Tshisekedi lors de ce meeting mémorable a été poignardé avec une baïonnette qui a transpercé ses poumons. Il a eu la vie sauve par miracle de Dieu et par un scénario digne d’un film d’Hollywood planifié savamment par le président Kibassa alors membre du Comité central du MPR après l’Accord de Gbadolite.

Ce scénario a permis d’évacuer Omer Kamba sans qu’il soit repéré, étant déguisé. Le meeting du pont Cabu organisé et tenu par Tshisekedi sous un régime policier et sanguinaire a consacré son leadership dans l’UDPS et plus tard comme leader incontesté et incontournable de l’opposition congolaise face au régime de Mobutu. Qui aurait cru à ce courage exceptionnel d’un homme d’exception? Quelques jours plus tard, Mobutu avait décidé d’arrêter tous les leaders et cadres de l’UDPS en activité qui ont refusé l’accord de Gbadolite.

C’est ainsi que j’étais arrêté le 9 mars 1988 à l’ISC/Gombe au bâtiment B, où j’étais étudiant en 2ème graduat, Option Gestion financière et président sectionnaire de l’UDPS dans cet Alma mater. J’ai été détenu successivement dans le sous-sol inondé d’une villa anonyme se trouvant tout près du port de Cicotra appartenant au défunt Seti Yale conseillé spécial de Mobutu. Après, j’étais acheminé aux cachots de l’AND -Agence nationale de documentation-, derrière la Banque centrale, à quelques encablures de la Primature, cellule 5.

Dans cette prison qui avait 6 cellules, j’étais détenu avec l’un des treize parlementaires, l’honorable Kanana Isidore, le fondateur Belanganayi, Gilbert Kankonde, Mathieu Mulaja, Ambassadeur Mukandila, Tshilumba, Serge Baluisha, Théo Kabeya, Bruno Kasonga, Kyungu Mukange, président fédéral de l’UDPS Katanga et cousin du président Kibassa. Joseph Kadima, directeur de la Snel et cousin de l’honorable Kanana. Edo Kasongo, Maman Pakassa du PALU d’Antoine Gizenga, ses deux filles et sa mère de plus de 75 ans, François Tshimpampa, Kabembo, Mwemedi -Lumumbiste-, Kabagambe…

En écrivant ces quelques mots de plaidoyer en faveur des treize parlementaires, au regard de leurs faits historiques, politiques et patriotiques, je ne fais que rendre justice et répondre à l’appel de Patrice-Emery Lumumba, qui disait que l’Afrique doit écrire sa propre histoire et non celle qui sera écrite en Allemagne, en France ou en Belgique.

Moïse Moni Della

Co-fondateur de l’UDPS

Porte-parole du peuple

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