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BIAC: encore une mauvaise nouvelle!

L’ambiance devant les guichets de la 4ème banque commerciale de la RD-Congo rappelait déjà les scènes vécues pendant les années Bindo. La tension risque de monter d’un cran avec ce communiqué laconique de la Direction transmis via SMS: «Cher client, le siège est dorénavant réservé aux entreprises. Ainsi, nous mettons à votre disposition l’ensemble des agences BIAC pour vos opérations privées»
«Il faut arrêter ce cash run sur la BIAC, l’arrivée de centaines de milliers de clients de banques via la bancarisation peut contaminer d’autres banques», craint l’ancien vice-Premier ministre du Budget, Daniel Mukoko Samba, sur Twitter. L’ex-argentier national n’exagère pas. La situation était dramatique lundi, mardi, mercredi et jeudi derniers devant le siège de la BIAC, la 4ème banque commerciale du pays, qui réfutait il y a 20 jours toute thèse de faillite, concédait juste «une tension passagère de liquidité après la brutale suspension du refinancement par la Banque Centrale du Congo et changeait, dans la foulée, sa direction avec le départ forcé de l’ancien directeur général Michel Losembe, remplacé par Anne Mbuguje. Au contraire, l’ambiance devant les guichets rappelle, à quelques exceptions près, les scènes vécues pendant les années Bindo, quand venus chasser leur mise en péril, les clients avaient décidé de décréter un état de siège. Le dernier communiqué de la Direction éloignant les clients particuliers du siège devrait rendre le climat plus lourd!
20 jours après la démission de Michel Losembe et la communication menée tambour battant tant par les autorités de la BIAC que du gouvernement et de la Banque Centrale du Congo, c’est la ruée des clients sur leurs dépôts. Preuve que les difficultés persistent. Pourtant, d’après les informations rapportées par Jeune Afrique, la BCC a finalement rouvert la ligne de refinancement sur ordre du Président de la République, interpelé par la dépréciation du franc congolais, l’augmentation du coût de la vie et la perte du pouvoir d’achat de la population. Dans son édition du 17 au 23 avril en circulation, le magazine affirme à ce sujet: «Le Chef de l’Etat a demandé au Premier ministre d’endiguer de toute urgence le phénomène pour éviter des tensions sociales». Et pour cause: la BIAC représente près de 400.000 épargnants dont dépendent naturellement 4 millions de personnes. Jeune Afrique en déduit que le Président a désavoué son Premier ministre dont les services ont publié une longue mise au point pour tenter de se justifier. A en croire la Primature, la surchauffe sur le marché de change s’explique, outre les déficits du trésor d’un montant de 162,7 milliards de francs congolais en décembre 2015 et de 54,63 milliards de francs congolais à la fin du premier trimestre 2016, le refinancement ou le concours accordé par la Banque Centrale aux banques commerciales à titre ponctuel pour des besoins de trésorerie.
«Après recoupement des informations, ce refinancement était accordé à la BIAC, en blanc, c’est-à-dire sans garantie -en cas de défaut de paiement, il n’était pas possible de réaliser la garantie parce qu’elle n’existait pas- et sous forme de revolving -par reconduction tacite. De ce fait, la BIAC est permanente au guichet de refinancement et, ce depuis juin 2015. Elle présente ainsi des problèmes structurés allant au-delà de seuls besoins de liquidité», affirmait le communiqué de la Primature, arguant que la sauvegarde de la BIAC, une banque systémique au regard de son réseau certes, «ne peut se faire au détriment de la préservation du patrimoine commun, entendez la stabilité du franc congolais!
Bousculades jusqu’à vouloir vider les derniers comptes!
Arguments battus en brèche au regard de données que la banque d’Elwyn Blattner a fournies à la presse étrangère: «les encours publics auprès de la banque avoisinent en effet les 85 milliards de francs congolais, soit 30% de son portefeuille de crédits, contre une moyenne de 10% pour le reste du secteur. Sur ce montant, près de 25 milliards de francs congolais ne sont pas recouvrables», rapporte Jeune Afrique. Et d’ajouter quelques détails en citant un financier de la Place: «Ces dettes ont pour la plupart été contractées grâce à la garantie de l’Etat signée par Augustin Matata Ponyo lorsqu’il était ministre des Finances». Mauvaise nouvelle.
Pour le magazine, il est possible que le gouvernement et la Banque Centrale aient eu derrière la tête l’idée de pousser Elwyn Blattner, le propriétaire de la BIAC, à y injecter de l’argent frais. Pour étayer cette thèse, on explique qu’en 2013, quand la Banque Centrale avait encouragé la nomination de Michel Losembe aux commandes de la BIAC afin de la restructurer et de la rendre attractive pour d’éventuels acquéreurs, la feuille de route établie pour ce faire prévoyait des investissements de 40 millions à 45 millions de dollars.
Mais, selon les informations recueillies par Jeune Afrique, Blattner n’a pu injecter que quelque 5 millions de dollars. Vrai ou faux, le peu d’argent que le gouvernement et la Banque centrale ont réinjecté dans le circuit de la BIAC donne un certain avantage au propriétaire de la banque commerciale. L’autre mauvaise nouvelle selon les observateurs, c’est que cet avantage risque d’être aléatoire. On constate que la confiance déjà effritée s’est brisée avec la chasse à l’épargne constatée ces derniers jours au siège et dans les agences, où certains déposants ont dormi à même le sol pour vider leurs dépôts -comme l’indique les images d’illustration-, inquiète pour les deux voire trois prochains mois, alertent les experts financiers. «Je reviendrai ici tout le jour, jusqu’au jour où je réussirai à retirer toute mon épargne», promet Nanou, une commerçante désabusée trouvée devant les guichets de l’agence BIAC en face du Supermarché Peloustore, Boulevard du 30 juin à Gombe. Comme elle, quelques épargnants affichent la même détermination. Parfois, il faut déployer les biceps pour avoir accès aux guichets qui ne désemplissent pas.
Interrogé jeudi par AfricaNews, Michael Blattner a cette réponse: «Comme il y a de l’argent à présent, tous les clients affluent pour retirer leur épargne au lieu de faire confiance à la banque. Les clients ne comprennent pas qu’une banque place leur argent et ne dispose pas de tous les dépôts en liquide. Mais comme il y a cassure de confiance, les clients veulent vider leurs comptes plus vite. On sert 800 personnes tous les jours». Quid du futur de la BIAC? «Seul l’avenir nous le dira», répond Michael Blattner, dépité.
A cette allure, les bousculades constatées entre lundi et jeudi pourraient perdurer tant que le dernier épargnant n’aurait pas vidé ses derniers comptes. «Il faut arrêter ce cash run sur la BIAC, l’arrivée de centaines de milliers de clients de banques via la bancarisation peut contaminer d’autres banques», plaide l’ancien vice-Premier ministre du Budget, Daniel Mukoko Samba, sur Twitter. L’ex-argentier national n’exagère pas. Noël Tshiani, haut fonctionnaire à la Banque mondiale, estime, lui, la page est tournée. «La BIAC ne va pas tenir le coup pendant deux mois», confie ce banquier expérimenté dans un message à AfricaNews. Losembe est parti, la BIAC, incapable de se faire payer ses dettes par le gouvernement, ne donne pas encore le signe de guérir de sa maladie.
Le climat devrait s’alourdir d’un cran avec ce dernier communiqué laconique éloignant le public du siège de la banque, transmis au public jeudi via SMS: «Cher client, le siège est dorénavant réservé aux entreprises. Ainsi, nous mettons à votre disposition l’ensemble des agences BIAC pour vos opérations privées». Et dire que les effets de cette crise de liquidité se font beaucoup plus sentir dans les agences.
Tino MABADA

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