Doit-on auditer à nouveau le fichier électoral? Négative, selon le président de la Commission électorale nationale indépendante -CENI-, Denis Kadima. Affirmative pour le leader d’Ecidé, Martin Fayulu. Voilà qui constitue la pomme de discorde entre les deux personnalités qui ne sont pas disposées à mettre de l’eau dans leur vin. De quoi crisper davantage le processus électoral et pousser les églises catholiques et protestantes à proposer leurs services pour examiner les listes électorales ensemble avec les délégués de la Centrale électorale.
Fayulu, se sentant ragaillardi voire soutenu dans ses revendications, a vite mordu à l’hameçon, non sans faire de la proposition de ces deux confessions religieuses une condition sine qua non pour réintégrer le processus électoral. «Si, aujourd’hui, la CENI accepte que la CENCO et l’ECC diligentent un audit citoyen, nous déposerons nos candidatures dès demain», a-t-il confié récemment à Jeune Afrique.
Le candidat malheureux à la dernière présidentielle avait renoncé à présenter des candidatures à tous les scrutins de décembre 2023 pour ne pas cautionner la fraude électorale en gestation au bénéfice du Président Félix Tshisekedi et de son Union sacrée, selon ses explications.
Seulement, la CENI n’a pas mis longtemps pour réserver une fin de non-recevoir à la requête des ces deux confessions religieuses, faite à travers leur mission conjointe d’observation électorale. «La CENCO-ECC nous demande de co-gérer le processus électoral. C’est une aberration. Nous ne pouvons absolument pas prêter oreille à leur demande d’audit citoyen», a réagi Didi Manara, 2ème vice-président de la CENI.
Pourtant, ont expliqué catholiques et protestants, leur démarche, quoi qu’elle épouse on ne peut plus les revendications de Martin Fayulu, également partagées par d’autres leaders de l’Opposition, a le mérite de «décrisper cette crise autour du fichier électoral» et de «rassurer toutes les parties prenantes afin d’avoir des élections honnêtes et pacifiques dans le délai constitutionnel».
Niet, pour la CENI, foulant aux pieds les reproches de «n’avoir pas invité un organisme international indépendant pour l’audit externe du fichier électoral».
En mai dernier, l’Organisation internationale de la Francophonie -OIF- avait décliné l’appel de l’équipe Kadima pour procéder à l’audit externe du fichier électoral. «La durée impartie par votre institution rend la réalisation de cet exercice impossible», avait expliqué l’OIF. En 2018, la même OIF avait eu besoin d’une vingtaine de jours pour auditer les listes électorales. Cinq ans plus tard, Denis Kadima lui a proposé de faire le même exercice en 5 jours alors que le nombre d’électeurs a considérable augmenté par rapport au dernier cycle électoral.
L’OIF, dirigée par une rwandaise, avait aussi été récusée par une certaine opinion nationale, redoutant une menace contre la souveraineté nationale alors que les torchons n’ont cessé de brûler entre Kinshasa et Kigali depuis plusieurs mois.
A défaut de trouver une autre organisation internationale, comme souhaité par des Opposants, la CENI avait recruté un groupe de 5 experts nationaux et internationaux, qui seraient des «amis de Denis Kadima». A défaut de faire l’unanimité parmi les parties prenantes au processus électoral, ces experts avaient toutefois pu tenir le délai et faire le job. Et, le 22 mai, ils avaient présenté les conclusions de leur travail, avec comme principal renseignement: la radiation du fichier électoral de plus de 3.300.000 électeurs inscrits pour des raisons diverses. Ce qui a fait passer le total des électeurs validés de 47 millions à exactement 43.955.181.
Ce seul audit externe, critiqué par l’opposition et soutenu par le pouvoir, a été jugé suffisant et satisfaisant pour l’administration Kadima. Sur base de ses conclusions, la loi portant répartition des sièges a été adoptée au parlement, permettant à la CENI de lancer les opérations de collecte des candidatures aux différents scrutins. Ni la demande des églises ni les sorties de Fayulu, rien n’arrête le successeur de Corneille Nangaa à foncer vers le 20 décembre 2023, quitte à sacrifier le consensus et susciter des questions voire des inquiétudes sur la qualité de l’audit réalisé par les 5 experts.
Catholiques et protestants l’ont fait observer en soutenant que cet audit «ne favorise pas la perception d’une vérification indépendante et transparente». De son côté, Fayulu est convaincu que «si Kadima n’accepte pas cette demande -celle des églises catholiques et protestante-, c’est qu’il cache quelque chose».
Ce que Kadima cache, à en croire une chronique publiée début août par le leader d’Ecidé, est la fraude électorale au bénéfice de Félix Tshisekedi, annoncé candidat à sa propre succession. Ce sera un second «braquage électoral» pour Tshisekedi après avoir «volé la victoire» de Fayulu à la présidentielle de décembre 2018.
La fraude électorale en gestation, selon ce leader de Lamuka, a été préparée en 7 épisodes, dont celui concernant les opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs, déroulées entre décembre et avril dernier dans les trois aires géographiques tracées par la CENI. Ces opérations, selon Fayulu, ont constitué un «moyen de créer des électeurs fictifs qu’on utilisera pour gonfler les votes en faveur de M. Tshisekedi et les membres de l’Union sacrée».
LOI