Plus de 45 jours après son arrestation et sa détention au secret, dans une cellule censée être définitivement fermée depuis deux ans, Monsieur François Beya, ancien Conseiller spécial du Président de la République en matière de sécurité n’est toujours pas informé des motifs précis de son arrestation et de son maintien en détention au-delà de la durée de garde à vue autorisée par la Constitution et les lois de la République.
Le maintien du concerné en détention jusqu’à ce jour ne trouve aucune explication dans aucune loi du pays. Sauf l’arbitraire peut justifier cet état chose. En dehors du communiqué martial, aux airs comminatoires des années sombres de la 2ème République, lu à la télévision nationale par le porte-parole du Président de la République et évoquant des «indices sérieux», personne ni une source officielle quelconque n’a divulgué aucune accusation formelle contre lui. Que dire!
Aussi sérieux soient-ils, ces indices n’ont jamais été portés à la connaissance du public de même que la menace éventuelle à la sûreté de l’Etat qu’il aurait pu représenter par ses propos, faits et gestes. L’absence, plus de 45 jours après, de l’information détaillée sur les personnes qui auraient pris part, d’une façon ou d’une autre, à la préparation matérielle d’un possible complot contre l’Etat, information déterminant avec exactitude, le rôle de chacune des personnes, leurs relations et le déroulement des faits, précipite l’opinion dans les spéculations de toute nature qui ne laissent pas indemne, la Présidence de la République.
Que gagnerait le Congo en exhumant ses vieux démons, quand on sait que sur base des simples communiqués de la Présidence de la République, des personnes dont l’innocence résonne dans nos mémoires jusqu’à ce jour comme l’ancien Premier ministre Evariste Kimba et les pendus de la Pentecôte, l’ancien ministre et député André Guillaume Lubaya et ses compagnons d’infortune du complot dit de Pâques, les colonel Biamwenze et major Kalume et bien d’autres victimes du procès dit de la Likopa ont perdu la vie dans des circonstances non élucidées jusqu’à ce jour et qui couvriront à jamais de honte, le pouvoir de la 2ème République.
Au demeurant, il est admissible qu’un citoyen qui du reste, n’est pas exempt de reproches et qui bénéficie de la présomption d’innocence conformément à l’article 17 de la Constitution puisse, dans un Etat dit de droit, être détenu au secret 45 jours après sans assistance judiciaire et ne soit pas transféré devant un magistrat compétent. C’est une mesure extrajudiciaire contraire aux lois de la République et aux principes élémentaires de l’État de droit. «Tous les Congolais sont égaux devant la Loi et ont droit à une égale protection des lois», ainsi dispose l’article 12 de la Constitution.
Est-il encore nécessaire de rappeler que la détention de l’ancien Conseiller spécial du Président de la République est, à ce jour, contraire aux dispositions de l’article 18 qui dispose que «toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle, et ce, dans la langue qu’elle comprend. Elle doit être immédiatement informée de ses droits. La personne gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil. La garde à vue ne peut excéder quarante-huit heures. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente. Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité».
De même, la privation à l’intéressé de son droit à l’assistance d’un avocat de son choix est également en contradiction fragrante avec les dispositions de l’article 19 de la Constitution qui dispose: «Nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent. Le droit de la défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité». Au regard de ces dispositions constitutionnelles, en l’absence des clarifications officielles et d’une procédure judiciaire régulière, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la détention de Monsieur François Beya est illégale. Elle constitue une tache de boue qui souille les institutions en place et met en cause tous les efforts de consolidation d’un éventuel État de droit en République démocratique du Congo.
Claudel Lubaya, député national