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2016: le choc des jokers

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Pressentis pour être candidats à la présidentielle de 2016, un ancien Premier ministre et un Premier ministre en fonction, deux anciens speakers et un gouverneur peuvent se classer parmi les prétendants les plus sérieux… Préalable: allier condition nécessaire et condition suffisante en plus de pouvoir convaincre les indécis à l’issue des débats politiques
Entre tous les candidats issus de la Majorité ou de l’Opposition actuelle ou encore de leurs alliés respectifs, la victoire à la présidentielle reviendra à celui qui disposera d’un noyau régional ou géostratégique et aura le soutien des autres, susceptibles de lui permettre de glaner des voix en dehors de son fief naturel. Un pari que seuls peuvent prendre ceux qui passent pour les jokers: Matata Ponyo, le Premier ministre en fonction, son prédécesseur Adolphe Muzito; deux anciens speakers de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe et Evariste Boshab; et un gouverneur encore en poste, Moïse Katumbi. Projections. 
Des sources dignes de foi l’affirment. Joseph Kabila est déterminé à respecter le cycle électoral tel que prévu par l’institution compétente, la CENI. Il est même prêt à s’endetter pour relever ce défi, apprend-on. Ce cycle électoral devrait s’ouvrir par les locales, et les municipales, suivies des provinciales, des sénatoriales et des élections des gouverneurs.
La boucle sera bouclée avec les législatives nationales et la présidentielle de 2016. Les bookmakers évaluent déjà les chances de probables présidentiables. Selon plusieurs médias parus ces derniers jours à Kinshasa, une vingtaine de prétendants issus de l’actuelle majorité au pouvoir et ses alliés devraient prendre la course. Parmi eux, quatre PPRD: Evariste Boshab, Matata Ponyo, Aubin Minaku et Moïse Katumbi. Et un PALU: Adolphe Muzito. Côté Opposition, seule la candidature de Vital Kamerhe parait la plus sérieuse, l’UDPS étant menacée d’autodestruction avec la guerre de succession.
Voici que pour prétendre remporter cette bataille, le candidat doit remplir à la fois la condition nécessaire, c’est-à-dire, disposer d’un noyau dur, d’une base électorale propre, qu’elle soit régionale ou géostratégique. Et la condition suffisante: avoir le soutien des autres personnalités ou d’autres regroupements politiques pour espérer glaner des voix au-delà de son fief naturel.
Dans ces conditions, Muzito part avec les faveurs des pronostics. Pas encore officiellement investi, sa candidature ne fait guère de doute. Si cette dernière est validée, ses chances de réussite dépendraient avant tout du comportement de la province de Bandundu, d’une partie de la ville de Kinshasa, des tentacules Pende dans le Kasaï et de nouvelles conquêtes du PALU dans les Kivu et le Katanga.
L’ancien ministre du Budget sera naturellement soutenu par le Parti lumumbiste unifié -PALU-, la machine politique du patriarche Antoine Gizenga, le dieu de Bandundu arrivé 3ème au premier tour de la présidentielle de 2006 avec 13%, faiseur de roi au deuxième tour qui a vu Kabila l’emporter sur Jean-Pierre Bemba. Le Bandundu et sa diaspora kinoise ont une importance politique symbolique par le fait que cette province est symbolique du vote-consigne.
Un candidat 100% PALU, voilà qui devrait emballer la base électorale du parti. Voilà qui devrait rappeler, au moment où les instituts des sondages lancent leurs équipes sur le terrain, les prouesses de Gizenga à l’issue du premier tour de la présidentielle de 2006 et prendre en compte le fait que 2016 sera un scrutin à un seul tour. Quel que soit le cas de figure, le candidat PALU pourrait récolter entre 13% et 18%. Muzito peut faire mieux que son mentor si l’on tient compte d’un aspect de la condition  suffisante: sa cote parmi les fonctionnaires de l’Etat, bénéficiaires des effets de sa politique salariale.
Un score auquel peut aussi prétendre Moïse Katumbi. Le gouverneur du Katanga a encore créé le buzz le week-end dernier en annonçant son imminent départ de la tête de la province, démembrée en 4 provinces depuis la promulgation de la Loi sur le découpage. Mais dans sa forme actuelle, le Katanga peut lui servir d’une base électorale sûre avec le ralliement et le mot d’ordre de certains ténors comme Gabriel Kyungu, Charles Mwando Nsimba, Jean-Claude Muyambo, etc. Alors que la rétrocession n’a pas suivi, le fief de Katumbi devient le principal réceptacle des amertumes, des colères et des ressentiments.
Au noyau Katangais, Katumbi peut aussi compter sur son large réseau interne et sa popularité parmi les jeunes et les sportifs à travers le pays du fait de ses succès à la tête de TP Mazembe, le club le plus capé du pays et l’un des grands sur le continent. Katumbi met d’accord une partie de l’actuelle Majorité et une bonne frange de l’Opposition. Cela lui garantit aussi un atout redoutable. A suivre impérativement.
Candidat malheureux en 2011, Vital Kamerhe aura aussi son mot à dire lors de ce scrutin. Il passe pour l’unique prétendant sérieux issu de l’Opposition, capable de jouer un rôle lors de ce scrutin pendant que l’UDPS est menacée d’autodestruction à cause de la crise de succession entre la famille Tshisekedi et les autres cadres du parti, originaires d’autres provinces. Ancien président de l’Assemblée nationale, Kamerhe a su bénéficier du marteau pour se faire un nom à travers le pays. Il a renforcé sa notoriété en prenant la course en 2011. Classé 3ème avec 5% dont 3% engrangés dans les Kivu, son fief, il peut rêver d’améliorer sensiblement ses performances dans cette partie du pays parce que, sans Kabila, il n’y aura plus d’adversaire de taille.
En dehors, bien sûr, de Matata Ponyo. L’actuel Premier ministre peut aussi se targuer d’avoir un noyau, le Maniema, sa province d’origine, désormais lancée dans la dynamique de développement avec les travaux d’envergure dans le domaine des infrastructures: voirie, aéroport, hôpital, université… Il doit cependant travailler dur pour combler son retard par rapport à Kamerhe, originaire des Kivu comme lui, le seul à pouvoir sérieusement lui faire ombrage dans ce coin de la RD-Congo.
Des analystes disent qu’il lui serait difficile de convaincre ses concurrents du PPRD à le suivre. Hors du Maniema, Matata peut aussi compter sur son bilan pour récolter de précieuses voix dans le reste du pays où son image grandit. Située dans le Top 3, la RD-Congo lui doit sa place dans le dernier hit du FMI sur les meilleures croissances économiques mondiales.
Les recettes de la victoire
La série des jokers est bouclée par Evariste Boshab. L’ancien speaker est fils du Grand Kasaï. En plus des voix naturelles du terroir, il peut compter sur ses ramifications au sein de l’appareil du PPRD,  l’un des partis les plus implantés en RD-Congo, qu’il connait comme sa poche et où il compte des fidèles. L’homme a su, en son temps, faire passer le nombre de députés PPRD de 111 en 2006 à plus de 160 en 2011. C’est dire tout son sens d’organisation et sa grande capacité de mobilisation. Certains analystes lui suggèrent de s’inspirer du modèle Sarkozy et profiter de son mandat au ministère de l’Intérieur pour tisser davantage sa toile. Le SG du PPRD passe, pour certains, pour la figure de proue des acquis de la kabilie.
Un outsider: Aubin Minaku, avantagé par sa position dans l’appareil. Les fins analystes pensent qu’il doit travailler son image dans le Kwilu, bastion du PALU et songer sur comment pénétrer le Kwango avant de se vouer véritablement un destin national. Sa principale chance sera la discorde entre les candidats PPRD pouvant se targuer d’avoir une base-arrière, pensent certains bookmakers.   
C’est une évidence: l’issue de la présidentielle sera aussi fonction des alliances, des ralliements, du débat, du temps de parole et de l’espace rédactionnel utilisé par les candidats dans les médias, pondérés par le taux d’audience ainsi que les ressources financières dont ils disposeraient pour mener à bien la propagande, 2006 et 2011 n’ayant pas permis au grand public et aux électeurs au débat d’idées et au choc des projets susceptibles de favoriser le vote des indécis. Les moyens financiers, c’est, semble-t-il, un avantage sûr dont disposent Katumbi, Matata, Muzito et Boshab.
Le débat, c’est une des fortunes de Muzito, réputé pour son caractère doctrinaire et sa maitrise des dossiers économico-financiers. Un avantage que lui disputent certainement Boshab, Matata et Kamerhe, réputé aussi bon tribun. Orateur, Katumbi l’est également. Il le prouve chaque fois qu’il va au contact de la population katangaise ou des fans de Mazembe.
La décision de cette présidentielle à un tour ne se fera pas non plus sans le jeu d’alliances. Toutes les combinaisons sont possibles: un accord à trois Muzito-Katumbi-Boshab favoriserait la cohésion avec le pont Ouest-Centre-Sud-Est. Une alliance Katumbi-Matata-Muzito irait dans le même sens. Un deal Kamerhe-Katumbi-Muzito ou Kamerhe-Boshab-Muzito ou encore Matata-Kamerhe-Muzito. Ou des accords à deux. Celui des candidats qui saura négocier et rallier des meilleurs alliés, s’ouvrira la voie royale.
Mais, à la lumière de l’exécution de l’accord Kabila-Gizenga-Nzanga, les prochains deals doivent être clairs, fondés sur le long terme, avec des gages que l’un devrait laisser telle échéance à l’autre et vice-versa. Tout devra donc reposer sur la loyauté, la confiance et le respect des engagements. Reste à chaque probable candidat une organisation solide pour la mise en place d’une stratégie de conquête du pouvoir.
Achille KADIMA MULAMBA

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