Christian Kakesse est dans sa toute première sortie sur la scène culturelle RD-congolaise. Pourtant ses œuvres sont déjà exposées à l’international. Christian Kakesse est designer et artiste visuel basé à Kinshasa, sa ville natale, qui influe significativement sur son travail artistique. Les motifs traditionnels sur les billets de banques, timbre postal ou affiches de cinéma ont marqué son regard dès l’enfance. Il fait ses études artistiques en Peinture puis la Communication visuelle d’où il décroche son diplôme de Licence en 2011 à l’Académie des beaux-Arts -ABA- de Kinshasa.
Christian Kakesse fait une sorte de voyage initiatique du point de vue artistique en Chine, au Nanjing University of the Art en Chine d’où il obtient son diplôme de Master en Design graphique en 2019. Ceci révèle à l’artiste sa voie, oriente son style vers son héritage culturel exprimé dans sa création via des symboles et différents objets traditionnels. Ses œuvres à Renouveau 3 invitent à voir, aux côtés des œuvres d’autres artistes comme Bulls Bulembi, Syntyche Mbembo et Stanis Mbwanga qui sont autant impressionnants.
«Kakesse interpelle notre responsabilité et l’impact de nos actions sur le monde et nos générations futures», constate un critique d’art. Pour lui, la technique de Christian Kakesse est une revendication à une esthétique originale typiquement africaine avec ses propres codes transversaux à la croisée des esthétiques occidentales ou orientales. Une remise en question des rapports esthétiques et conceptuels de notre espace de vie à l’ère de la mondialisation. Parfois ironiques voire métaphorique. L’entretien avec l’artiste en l’honneur a porté sur son œuvre «Fashionistas 2».
«Cette œuvre s’appelle ‘Fashionista 2’, j’avais créé une première série composée de 9 pièces et celle-ci c’est ‘Fashionistas 2’. J’ai utilisé l’acrylique sur la toile comme technique», a-t-il révélé.
Christian Kakesse utilise cette perfection de connaissance pour aborder des problématiques sensibles liées à des questions d’actualité, le changement climatique, les habitudes de consommation, l’économie, les nouvelles technologies ou encore l’industrie de luxe qui nous aliènent. Ainsi «Fashionistas 2» présente une certaine particularité. «La particularité de ‘Fashionistas 2’ c’est ce cocktail de nos valeurs traditionnelles que je mélange avec les éléments de la culture occidentale. C’est ce cocktail que je présente dans cette œuvre. Avec comme ingrédient la statue traditionnelle représentant un roi Kuba vêtu d’un pull à manches longues riche en motifs décoratifs de la culture italienne que l’on retrouve sur la marque ‘Versace’. En regardant de près on voit bien que ce sont des cultures opposées mais, aujourd’hui, avec la mondialisation, on se retrouve dans cet environnement métissé de la création. Et c’est ça la particularité de ce tableau», a souligné Kakesse.
Il se dégage une telle puissance de plaidoirie qui auréole la beauté de l’œuvre. Christian Kakesse le synthétise par la responsabilité de tout un chacun et un message qui nous pousse à murir des réflexions au-delà même les réalités présentes. «Le message principal c’est l’acculturation. Et les effets de l’acculturation sur nos habitudes de consommation. Aujourd’hui, nous comptons beaucoup sur la culture occidentale, si pas tout. Ça requiert un impact sur nos habitudes de consommation et nous sommes beaucoup plus des produits de la culture occidentale, même dans nos assiettes… Nos habitudes de consommation ont un impact sur notre économie, tout ce qui vient de l’Europe, de l’Amérique, de la Chine ou de l’Asie, c’est de l’argent qui rentre dans leur système économique et ce sont eux qui gagnent. On contribue à rendre leurs économies plus forte et à affaiblir notre propre économie», a-t-il expliqué.
Mais, pour ce membre du collectif «Studio Mission Impossible», chacun doit s’impliquer pour sortir l’Afrique de ce cercle vicieux. «D’où j’invite à réfléchir sur des alternatifs à prendre pour contourner ces systèmes qui affaiblissent notre pays. J’invite à la responsabilité, nous avons la responsabilité de revoir cette situation des choses qui se joue à notre détriment. C’est un combat que j’engage contre l’aliénation. C’est pourquoi ce que je mets en avant ce sont nos valeurs culturelles», a-t-il poursuivi. «Fashionistas 2» est installée dans la première pièce au-dessus à la galerie, après la montée de l’escalier, et n’attend que les regard des amoureux de l’art. C’est aussi une manière de vivre pour l’œuvre d’art. Ainsi, il vous invite à faire un tour sur Bukaka 158 à Bandalungwa.
Elrick ELESSE