La dernière éruption du Nyiragongo, survenue en mai dernier, a été une surprise désagréable aussi bien pour la population que pour les scientifiques. Nombreux sont ces scientifiques qui affirment que le volcan n’a pas émis des signaux avant de cracher ses laves. Benoit Smets, volcanologue belge et chercheur au Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, est l’un de ces hommes de la science qui se sont prononcés à ce sujet, quelques jours après son arrivée à Goma où il a pu s’imprégner de la réalité sur le terrain.
«Le volcan ne nous a absolument pas prévenu… Il n’y a eu aucun signe indiquant que le magma fonçait vers la surface. On a tous été surpris par ce qui s’est passé», a-t-il avancé sur les ondes de la RFI. Ce professeur de l’Université de Bruxelles a expliqué la récente éruption du Nyiragongo comme suit: «le Nyiragongo est un volcan particulier parce qu’il a un lac de lave dans son cratère principal. Pour alimenter ce lac de lave, il faut qu’une chambre magmatique proche de la surface, soit suffisamment importante. Probablement, l’éruption volcanique a eu lieu dans cette chambre magmatique peu profonde, comme elle est proche de la surface. Mais le magma quand il fissure la roche pour atteindre la surface, ça se produit en quelques dizaines de minutes maximum».
Tout en vantant le «réseau très moderne de surveillance» que possède l’Observatoire volcanologique de Goma -OVG-, Benoit Smets a, une fois de plus, affirmé qu’aucun appareil n’a émis une indication selon laquelle l’éruption allait se produire.
L’OVG toujours connecté à la surveillance du volcan
Député national, élu de Goma, passé ministre au gouvernement Sama Lukonde depuis fin avril 2021, Muhindo Nzangi a fait retentir un son de cloche similaire à celui du volcanologue belge en déclarant: «l’OVG, sur le plan technique, était connecté à la surveillance du volcan. Les instruments de surveillance du volcan étaient tous branchés et les données du volcan étaient surveillées tout le temps. La question, c’est le comportement du volcan qui n’a pas donné beaucoup de signes annonciateurs que ce soit du côté RD-congolais ou du côté rwandais. Nous co-surveillons le volcan. Même le côté rwandais n’a pas été capable de faire l’alerte puisqu’effectivement le volcan était imprévisible».
Alors qu’une certaine opinion a laissé entendre que l’OVG n’a pas été en mesure de tirer la sonnette d’alarme, faute entre de connexion Internet, d’arriérés de salaires, Muhindo Kasekwa a fait mentir cette opinion. Il a raconté: «Il y a trois mois, avec le député Muhindo Kasekwa, nous sommes allés voir le ministre de la Recherche scientifique qui était concerné par cette question pour régler le problème de l’OVG. C’était un problème interne où les agents contestaient leurs responsables. Avec le député Muhindo Kasekwa, nous avons obtenu de ce ministre la nomination du nouveau comité de l’OVG qui a organisé les choses».
Pour compléter Muhindo Nzangi, Benoit Smets a indiqué que l’information a été déformée. «L’OVG avait un projet avec la Banque mondiale qui finançait certaines de ses activités. Ce projet était fini. C’est vrai que l’OVG n’avait plus autant d’argent que quand il avait ce projet-là. Mais les capacités de surveillance de l’OVG ne seront absolument pas en cause au niveau de la détection de cette éruption. Personne n’aurait pu la détecter. Ça allait beaucoup trop vite», a souligné le chercheur belge, coupant court aux rumeurs qui tenaient pour responsable le gouvernement. Il a surtout confirmé que «les instruments fonctionnaient très très bien».
Brin d’espoir pour un retour imminent à la normale
A ce jour, a révélé Smets, le volcan est très calme. «On est en contact avec les spécialistes du lac Kivu qui ont l’air de dire que les chances d’avoir un problème avec le lac Kivu, sont très faibles», a-t-il fait savoir. De quoi attiser l’espoir d’un retour imminent à la normale. Muhindo Nzangi a fait noter qu’avec la baisse de la sismicité observée depuis deux jours, il y a lieu de «croire que la crise de l’éruption peut être derrière nous». Il a en outre rassuré qu’à partir du moment où la crise du volcan appartiendra au passé, le gouvernement va s’organiser en vue de «remettre la population sur la route de Goma. Nous voulons faire en sorte que la population rentre à Goma dans les bonnes conditions et que la riposte à donner en termes humanitaires, puisse rencontrer l’intérêt de la population».
Par ailleurs, Benoit Smets a quasiment balayé d’un revers de la main les informations qui tendent à faire croire que la catastrophe de 1986 au lac Nyos de Cameroun pourra se reproduire dans le Kivu. «Le lac Nyos se déstabilisait parce que la couche dans laquelle se mettait le gaz, a atteint la saturation. Ici, on a un lac Kivu qui est extrêmement stable où la couche sur laquelle se trouve le gaz n’est pas du tout à saturation. On est vraiment dans un lac qui est très stratifié, c’est-à-dire que les couches sont très bien définies. Il est très stable. Il faudra quelque chose de très important pour pouvoir le déstabiliser. C’est pour ça que les spécialistes du lac Kivu pensent qu’une éruption ne serait pas assez forte pour arriver à un scénario catastrophe comme c’est arrivé au Cameroun avec le lac Nyos», a rassuré ce spécialiste en volcanologie.
Laurent OMBA