Le Centre de dialyse de Kinshasa -CDK- est en perte de vitesse. Depuis près de deux mois, les activités sont paralysées et près de 50 travailleurs, que compte cette institution médicale de traitement des maladies des reins, sont cloués à la maison. Ayant eu vent de cette situation désastreuse, AfricaNews s’est hâté à creuser davantage. Selon des sources fiables, le CDK est entré dans une phase de rupture à répétition des intrants, due à la mauvaise gestion du Centre. «Cette situation tire ses origines au fait que le Centre de dialyse de Kinshasa est géré par trois personnalités: l’Hôtel de ville de Kinshasa ainsi que les ministères provinciaux des Finances et de la Santé. Ça ne va pas déjà à ce niveau. Aujourd’hui, tous les malades sont partis faute de médicaments, et il y a risque que le Centre ferme», ont-elles décrié, suggérant de confier la gestion de cette institution médicale aux experts médicaux et non aux politiciens.
Tout est parti de la rupture du contrat entre l’Hôtel de ville de Kinshasa et l’entreprise WAGENIA, chargée de fournir des intrants au Centre de dialyse de Kinshasa et d’entretenir les appareils du laboratoire. Selon les informations recueillies par AfricaNews, l’entreprise fournisseur a, après une année de collaboration, demandé la somme d’USD 100.000 au Centre comme convenu dans les clauses du contrat.
Incapable d’honorer la facture, le CDK a accepté de ne payer que les frais d’entretien des appareils assuré par deux ingénieurs de WAGENIA. L’entreprise partenaire de l’Hôtel de ville pour la fourniture du Centre a préféré jeter l’éponge. Elle s’en est allée avec ses deux ingénieurs. Déluge après le départ de ces techniciens. Le CDK a commencé à sombrer. Les 9 machines restées fonctionnelles sur les 10, sont progressivement tombées en panne semaine après semaine.
Pour ne pas courber l’échine, le Centre a recruté des techniciens pour tenter de stopper l’hémorragie mais en vain. Le service a semblé ne pas être de qualité. Aussi, faute d’une gestion orthodoxe des finances, le centre connait une série de ruptures des intrants. Selon une source proche du ministère provincial de la Santé, le système de gestion du centre mis en place par le gouverneur de la ville ne permet pas à cette structure médicale de s’épanouir. «Le comité de gestion du CDK n’a pas d’autonomie de gestion. En réalité, ce centre est géré par les ministères provinciaux des Finances et de la Santé. Ceci ouvre la voie au détournement, car on ne sait pas qui fait quoi?», a-t-elle fait savoir avant de suggérer de confier la gestion du Centre aux technocrates et non aux politiques. Et d’ajouter: «Aujourd’hui, c’est le ministre provincial des Finances qui envoie son conseiller en Afrique du sud pour aller chercher les intrants. Mais, ces intrants viennent en quantité très insuffisante par rapport au besoin. Son conseiller rentre très souvent à Kinshasa avec 80 ou 100 cartons d’acide qui ne couvrent que plus ou moins deux semaines de traitement des malades. Alors qu’avec les anciens fournisseurs, le centre recevait entre 400 et 700 cartons d’intrants qui couvraient plus d’une année de traitement des malades sans rupture».
Kimbuta moins informé des réalités du CDK?
Les sources auxquelles AfricaNews a eu accès ont, en plus, estimé que le Gouverneur André Kimbuta serait mal informé des réalités du centre de dialyse. Pour preuve, lors de la récente inauguration d’un centre de santé à Bandalungwa, le gouverneur aurait demandé au personnel soignant de cette nouvelle œuvre médicale de «ne pas suivre le mauvais exemple des infirmiers du CDK qui ont détruit ce centre». «Il y a un problème de gestion. D’abord au niveau du centre, puis au niveau des politiques qui se sont mêlés dans la gestion du CDK. Le Centre a été créé sur initiative du gouverneur de la ville de Kinshasa. C’est l’une des œuvres qu’André Kimbuta tient à cœur. Il ne peut pas en principe accepter la mort de ce centre. Son silence inquiète, mais on espère qu’il a la maîtrise de la situation, il est suffisamment informé sur les maux qui rongent le bon fonctionnement du centre. L’urgence s’impose donc pour qu’il puisse restructurer les choses au sein du CDK», a plaidé un médecin de la place.
Impayés, les travailleurs à la maison depuis plus d’un mois
Depuis l’instabilité des activités du centre, le personnel a commencé à toucher 30%, 40% voire 50% de son salaire. Avant la dernière rupture des intrants, intervenue en début du mois de juin, le centre ne fonctionnait plus normalement. Au lieu de trois rotations des malades -9 malades par tour de traitement- pour totaliser 27 malades par jour, suite à la faible quantité des intrants, deux rotations étaient possibles. Le centre se mettait à économiser les intrants pour couvrir deux semaines de traitement. Mais avec cette stratégie, 6 à 16 malades étaient soignés par jour.
A ce jour, le CDK est presqu’inactif depuis plus d’un mois. Tous les 50 travailleurs que compte cette institution médicale sont à la maison. Les intrants ne sont toujours pas là. Du côté du ministère des Finances, a-t-on appris, l’on a demandé à l’Administrateur Gestionnaire du CDK de donner USD 2.000 pour compléter la somme prévue pour l’achat des intrants. «Le centre n’a plus d’argent», aurait rétorqué l’AG selon nos sources.
Refusant de courber l’échine, les infirmiers du Centre ont constitué une délégation pour aller à la rencontre du gouverneur à sa résidence. La route du gouverneur leur avait été barrée par le député Henri Etoka qui leur a demandé de retourner, le gouverneur étant occupé. Tenaces, les infirmiers ont tout de même laissé leur mémorandum à la résidence du gouverneur. Aux dernières nouvelles, André Kimbuta aurait instruit le conseiller du ministre des finances de payer les salaires du mois de juin 2018 des agents du CDK. «On attend toujours. Rien n’est fait jusqu’à présent», explique-t-on. Pour rappel, le Centre de dialyse de Kinshasa avait été inauguré le 10 décembre 2016. C’est l’œuvre du gouverneur de la ville au profit du peuple. Une séance de dialyse coûtait 61 dollars et les examens de laboratoire ont été rendus gratuits sur demande d’André Kimbuta. Cette structure médicale des maladies des reins a donné de l’emploi à près de 50 RD-Congolais.
Tino MABADA
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