La ville de Kinshasa s’apprête à connaitre un refonte profonde sous la houlette du gouverneur Daniel Bumba. Dans son programme d’actions baptisé «Kin ezo bonga», le nouveau locataire de l’Hôtel de ville de Kinshasa prévoit un axe pour l’aménagement de la ville, la construction de bâtiments publics urbains et l’érection d’une nouvelle ville. L’actuelle Kinshasa est bâtie sur un site bien particulier, choisi pour ses atouts géographiques: proximité du fleuve, plaine alluviale facile à urbaniser… Seulement, cette localisation a été vite confrontée aux réalités du temps et au boom démographique, occasionnant une «implantation des lotissements et équipements sans contrôle, ni respect des normes urbanistiques».
Dans son plan de guerre qu’il s’apprête à défendre devant les élus de Kinshasa, Daniel Bumba propose des «mesures de correction ou de sauvegarde pour les zones déjà urbanisées» et prévoit en même temps de nouveaux aménagements dans la prochaine urbanisation de Kinshasa pour en faire une ville moderne. Plusieurs actons sont prévues dans cet axe, dont la signature d’un protocole d’accord de collaboration avec les laboratoires existant en plus de doter la ville de son propre laboratoire géotechnique moderne. Cette ville idéale sera aussi une juridiction où l’autorité de l’État sera renforcée, surtout dans la réglementation du secteur de construction, avec obligation de recours à des personnes qualifiées en construction: architecte et ingénieur. Démolition des constructions illégales et irrégulières, évaluation des textes existants, démolition des lotissements dans les zones non aedificandi et des bâtisses sur les réseaux sociaux sont également prévues dans cette axe.
En même temps, Daniel Bumba veut matérialiser le rêve d’ériger une nouvelle ville de Kinshasa. Cette ville satellite doit normalement être construite dans l’Est de l’actuelle Kinshasa, dans la commune de Maluku, la plus vaste de Kinshasa mais qui est encore inoccupée. En construisant cette ville satellite, l’actuelle Kinshasa aura également droit à cure de jouvence avec la réhabilitation des bâtiments publics existants et leur embellissement. Aussi quatre marchés modernes, un par district, sont également projetés. Les marchés existants vont du reste être réhabilités.
Dans un autre axe consacré à la gouvernance financière, le gouverneur de Kinshasa rêve de booster le budget de la ville qu’il juge «nain» face aux grosses ambitions qu’il a de transformer la capitale RD-congolaise. Selon Bumba, ce budget ne permet pas aujourd’hui de relever les défis de développement d’une ville mégapole de 17 millions d’âmes et «soutenir tout programme de transformation de la ville de Kinshasa, ce qui constitue le facteur limitatif du développement de la ville». La solution proposée par Bumba est, entre autres de maximiser la mobilisation des ressources internes et externes, rationnaliser les dépenses, mettre en place une politique d’endettement stratégique axé sur le développement et respecter les procédures de passation des marchés publics. Ces mesures visent à faire face au «très faible rendement des impôts et taxes provinciaux par rapport au potentiel fiscal de la ville».
Les données statistiques disponibles font état d’un gros déficit d’impôt à Kinshasa. A titre illustratif, le répertoire de la DGRK reprend près de 300.000 propriétés immobilières assujettis à l’impôt foncier dans la ville de Kinshasa. Une chiffre bien loin de 1,2 millions de propriétés identifiées par des partenaires techniques et financiers en 2019. Les chiffres sont encore alarmant pour l’impôt sur le revenu locatif avec seulement 20.000 bailleurs et 100.000 locataires. Le problème fiscal de la ville sont dus notamment aux taux d’imposition exorbitants, comparés au pouvoir d’achat des Kinois. Cette disparité rend la fiscalité provinciale confiscatoire et moins compétitive. Le plan de guerre de Bumba prévoit également d’activer d’autres actes générateurs de recettes. Si la nomenclature des recettes renferme 246 actes à Kinshasa, seuls 7 contribuent pour l’essentiel au budget de la ville. Cette donne devrait donc changer avec Daniel Bumba. Comme celle du secteur de transport avec seulement 30000 véhicules qui paient la vignette sur près d’un million recensés.
Les réformes voulues par le nouveau gouverneur de la ville de Kinshasa ont pour objectif d’améliorer la «situation peu reluisante des finances» qui appelle à une «thérapie de choc», tant au plan des structures, des ressources humaines et matérielles que normatif et de gestion de la matière fiscale. Pour inciter la population à remplir son devoir fiscal, le plan Bumba propose l’organisation des «campagnes de sensibilisation et de consentement de la population au paiement des impôts et la promotion de la bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques provinciales».
Dans cette quête de rationalisation de gestion, le plan de guerre de Daniel Bumba insiste sur une mise en œuvre efficace et cohérente du budget et le strict respect des procédures de passation des marchés ainsi que la mise en place des mécanismes idoines et innovants de financement des projets de développement de la ville. C’est une «véritable révolution» qui se prépare dans la gestion des finances de la ville afin d’en faire un moteur de création d’emplois et de développement socioéconomique. «Ces actions découleront d’un plan de réforme de la gouvernance financière de la ville qui sera élaboré dès l’entrée en fonctions du gouvernement provincial», promet Bumba.
Kinshasa à l’ère de la numérisation
Cette révolution va s’implémenter dans une démarche de numérisation. La ville va notamment découvrir de nouveaux moyens de paiements des taxes, mettant à profit les paiements en ligne et le mobile money. Un effort sera également consenti pour élargir l’utilisation des outils performants de recoupement d’informations et de contrôle de cohérence et de détection d’inexactitude d’éléments déclarés.
Avant tout, il faudra pallier l’insuffisance des moyens logistiques, matériels et informatiques. Dans cet élan de modernité, il est également prévu la numérisation de la gestion de l’administration fiscale et l’interconnexion avec tous les intervenants dans la collecte des impôts et taxes mais aussi la mise en œuvre d’un système de gestion automatisée de la chaîne des recettes de la ville et l’interconnexion avec tous les intervenants dans la collecte des impôts et taxes et la digitalisation de tous les services et structures des régies financières de la ville, grâce à une application de gestion automatisée de la chaîne de la dépense.
Mettre en place la Fonction publique provinciale
La rationalisation des finances publiques de la ville passera également par la bancarisation des frais de fonctionnement de toutes les institutions provinciales et de la paie des agents et fonctionnaires, des membres du cabinet du gouverneur et des cabinets ministériels. L’ambition du gouvernement provincial est surtout de garantir la transparence de gestion.
Avec l’accompagnement de l’Agence provinciale du développement du numérique de Kinshasa -APDNK-, le gouvernement provincial compte tout mettre en œuvre pour une gestion moderne des agents avec des procédés numériques pour identifier les agents des services publics de la ville, constituer une base des données devant servir à la production régulière de l’annuaire du personnel de la ville mais aussi veiller à la présence effective des agents au lieu de service ainsi qu’à leur ponctualité.
Il sera désormais interdit formellement d’utiliser des notes de perception manuelles pour la collecte des taxes, droits et redevances à Kinshasa. Tous les logiciels et équipements informatiques à utiliser par les structures de la ville sera désormais soumis à l’homologation de l’APDNK.
Le point culminant de cette bouffée de numérisation sera la dématérialisation de l’administration urbaine. Ici encore, Bumba rêve grand. Il se propose de développer un portail internet regroupant divers services numériques: e-Santé, e-Environnement, e-Éducation, e-Transport, e-Taxes, e-Procurement, e-Justice, e-Tourisme, e-Agriculture, e-Social, etc. Dans un avenir proche, les Kinois pourront se procurer divers documents à distance, ce qui renforcera la réactivité administrative et renforcera la transparence et la confiance. Kinshasa va également déployer, à l’instar du gouvernement central, un intranet gouvernemental provincial prioritairement par fibre optique avec une perspective d’interconnexion avec celui le gouvernement central.
Pour protéger et assurer la souveraineté des données, le gouverneur Bumba a prévu, dans son plan d’action, de construire une Data center Edge et un cloud provincial connecté au Data center du gouvernement central. En attendant, l’hébergement provisoire des données de la ville sera fait dans un centre des données localisé à Kinshasa.
Aussi, pour atteindre l’objectif général d’un fonctionnement harmonieux des services publics tant déconcentrés que provinciaux, Bumba promet de doter les services publics d’un arsenal juridique clair sur leurs compétences respectives, tout en renforçant les capacités des agents. Sous Bumba, la Fonction publique provinciale pourra finalement voir le jour avec un personnel mieux motivé et travaillant dans de meilleures conditions. «Une fois le gouvernement provincial investi, le ministre provincial ayant la Fonction publique dans ses attributions aura notamment comme priorité de dresser un état des lieux de la gestion administrative de la Ville de Kinshasa et proposer la mise en place d’une commission de pilotage de la réforme de l’Administration publique dans la ville», explique le gouv’ dans son plan de guerre soumis à l’approbation des députés provinciaux. L’autre chantier de l’exécutif Bumba sera de mettre fin au dédoublement des structures ayant pratiquement la même mission. «L’exercice consistera à dissoudre les services faisant un double emploi et à examiner scrupuleusement la régularité ainsi que l’opportunité des actes d’engagement du personnel œuvrant dans les services publics de la ville afin de reconsidérer ceux qui ne sont pas conformes», poursuit le gouv’.
Dans le registre d’une gouvernance de proximité depuis la base, le plan Bumba prévoit de redynamiser la fonction des chefs de quartier et des chefs de rue, tout en plaidant pour l’octroi d’un statut juridique à la rue. Constat fait, les chefs de quartier se focalisent plus sur la délivrance des fiches parcellaires aux nouveaux acquéreurs de parcelles contre un certain prix dont la hauteur varie d’un quartier à un autre. Bumba veut voir davantage ces administrateurs au contact de leurs administrés œuvrer dans l’encadrement administratif de la population, de l’hygiène et de la salubrité publique dans leurs juridictions. Pour redynamiser cette fonction, le gouvernement provincial veut que les chefs de quartier soient désormais impliqués dans le suivi, au quotidien, de la collecte des déchets à partir des ménages jusqu’aux stations de transit et à leur évacuation vers le centre d’enfouissement ou de traitement.
Le petit commerce, monopole des Kinois
Dans l’axe suivant, portant sur l’économie et le développement, le plan Bumba entend mettre les batteries en marche pour formaliser l’économie kinoise, dominée par le secteur tertiaire. Sur cet axe, les actions, initiatives et préconisations du gouvernement provincial pour allier les interactions économiques actuelles et les nouvelles dynamiques de développement durable vont s’analyser à travers leur impact dans quelques secteurs, domaines ou activités de la ville de Kinshasa.
La stratégie de simplification fiscale a été proposée par le gouvernement provincial pour «accompagner le processus de conversion des acteurs de l’informel». Il sera également question de faire éclore l’économie circulaire. Dans ce même axe, Bumba projette de réhabiliter et entretenir régulièrement les routes et voies de desserte agricole. Des facilités vont être octroyées aux unités de transformation implantées à Kinshasa pour prendre en charge la production locale ainsi que celle en provenance des provinces avoisinantes. Cette politique va permettre de booster l’emploi et la formation professionnelle.
Pour le secteur du commerce de Kinshasa, le gouvernement provincial compter faire respecter les dispositions légales afin de décourager le commerce triangulaire. Bumba veut surtout mettre fin à l’exercice du petit commerce par les étrangers et à la concurrence déloyale. Une politique sera également déployée pour encourager les supermarchés à intensifier la présence des produits locaux. Pour protéger le pouvoir d’achat des Kinois.
«Destination Kinshasa», le prochain label tourisme de la ville
Faire de Kinshasa un pôle touristique de la RD-Congo et de la sous-région est l’autre projet de Bumba qui compte affirmer le label «destination Kinshasa» comme point d’orgue de la promotion du tourisme dans la capitale congolaise. Un portail digital de la ville de Kinshasa pour la promotion touristique de la ville est également prévu afin de favoriser une meilleure visibilité de la ville dans l’objectif d’impulser le secteur. Autre secteur sur lequel Kinshasa sous Bumba va s’appuyer est l’économie du climat. La ville promet d’être «attentive» et d’accompagner tous les projets éligibles au titre de reboisement, d’agroforesterie, de traitement des déchets.