ActualitésDossier spécial électionsPolitiqueSociété

Confessions religieuses: Mgr Utembi refuse d’appliquer la charte

Corruption, forcing, diktat,… ou démocratie? Une fois encore, les Confessions religieuses ne surprennent pas. Comme tous le craignons, elles ne se sont pas entendues sur la désignation du président de la Commission électorale nationale indépendante -CENI. Faute d’arriver à un consensus, le vote a été empêché. Et très vite, même alors qu’elles étaient en pleine discussion, Mgr Marcel Utembi, président de la plateforme et de la CENCO, s’est livré à une interview dans un média en ligne, accusant les autres de corruption, tentant ainsi malicieusement de jeter l’opprobre sur eux et finalement mettant, sans en faire cas, leur propre crédibilité à mal. Hypocrisie?

Curieusement, les «saints hommes» ont une charte qui règle la collaboration entre eux. Le contenu de ce document adopté en 2019-2020 et signé par tous, fait l’objet d’un consensus entre les 8. A le lire, on apprend qu’elle ne confère aucune suprématie à une ou deux Confessions sur les autres. Elle organise plutôt une collaboration basée sur des principes aussi bien divins que démocratiques entre elles.

Le mode de prise de décision dans la plateforme…

«En toute chose, les chefs des confessions religieuses recherchent de bonne foi le consensus  comme mode de prise de décision par excellence. A défaut du consensus, ils font recours à un vote transparent conformément aux valeurs affirmées à l’article 8. En cas de vote, chaque Confession religieuse exprime une seule voix. Le membre observateur ne participe pas au vote». Et l’article 8 susmentionné rappelle les valeurs promues par la plateforme. Notamment «la crainte de Dieu, la démocratie, le dialogue, la tolérance, l’intégrité, la vérité, la bonne foi, la réconciliation et le respect mutuel».

La règle est claire. Le consensus n’est pas une obligatoire.  Mais qu’est-ce qui a bloqué? Des déclarations faites de part et d’autre, on apprend que le 27 juillet 2021, après délibération, deux candidats étaient restés en lice. Il s’agit de Dénis Kadima, Directeur général d’EISA, dont tous les 8 étaient d’accord sur la qualité de son CV, et Cyrille Ebotoko, ancien agent électoral, superviseur technique provincial de la CEI à l’Equateur et actuel coordonnateur de la Commission épiscopale justice et paix de la CENCO. Il ne restait plus qu’un seul point à l’ordre du jour: l’établissement du procès-verbal.

Cependant, Mgr Utembi décidera unilatéralement de suspendre les travaux. «Sur proposition d’un expert -Ndlr: Eric Nsenga porte-parole du président de l’ECC-, Mgr Uembi, président de la séance, a imposé la suspension des travaux. Nous nous sommes opposés puisqu’on travaillait depuis 12 heures, et il était 21 heures. Il n’y avait pas de raison pour ne pas finir», a expliqué le révérend Dodo Kamba, président de l’Eglise du Réveil du Congo, lors d’un point de presse organisé par les six Confessions religieuses. Pour l’abbé Nshole et le Révérend Eric Nsenga, qui, les premiers, avaient animé une conférence de presse, «Mgr Utembi avait pris ses responsabilités et suspendu les travaux».

Mais de quelles responsabilités ont-ils parlé? La charte qu’ils ont tous voté, fixe sans équivoque les modes de prise de décision. Mgr Utembi, bien que président de la Plateforme n’a, selon la charte aucun pouvoir de décider seul. En effet, il semble que devant l’évidence du consensus des six confessions religieuses sur le choix de Denis Kadima, la CENCO et l’ECC, mises en difficulté, ont choisi de tout bloquer. Elles ont soupçonné, sans en avancer la preuve, renseigne-t-on, le Kasaïen Kadima d’être candidat du Président de la République et de corruption. Accusations qu’elles n’ont pas prouvées, même après la vérification annoncée. Selon le témoignage de l’Evêque général de l’ERC, le 27 juillet dernier, après débat, Mgr Utembi avait finalement décidé de les laisser continuer sans la CENCO et ECC. Mais abbé Nshole leur a demandé de sortir de la salle. Il a éteint les lumières et demandé à ses services de fermer les portes. En clair, il les a chassés du Centre interdiocésain. Un toupet.

Quand les règles établies n’arrangent pas, on les ignore!

Cependant, lorsque Mgr Utembi les invite à une autre réunion le 30 juillet dernier, malgré l’affront subi des jours avant, les six chefs religieux qui avaient déjà assumé leur responsabilité le même 27 en établissant un PV de désignation, ravalent leur fierté et répondent à l’invitation au même lieu d’où ils étaient chassés trois jours avant.

Dans son mot d’ouverture, Mgr Utembi annonce avoir envoyé «une invitation aux chefs des Confessions religieuses pour la poursuite des travaux, à condition de mettre de côté les candidats autour desquels on n’a pas pu dégager un consensus et d’examiner les candidatures». Puis: «dans le cas où manque un consensus sur cette proposition, il ne servira à rien de se réunir autour du processus de désignation des animateurs de la CENI». Puis Utembi toujours de conclure: «Ainsi, chaque Confession religieuse assumera sa responsabilité».

Pour beaucoup, le ton condescendant de ce prélat catholique ne laissait aucune place au consensus. Loin de la lettre et l’esprit de la charte qu’il a également signé, occulte les deux modes démocratiques de prise des décisions prévus. Sa proposition était à prendre ou à laisser: Ecarter les deux meilleurs candidats sélectionnés au bout d’un processus de 4 mois. Récupérer ceux qui étaient éliminés et en choisir deux autres en un jour. Illogique.

Les six autres Confessions ne mordent pas à l’hameçon. Dans le rapport de manque de consensus, elles relèvent que «les griefs relevés contre les deux candidats soit ne sont pas prouvés soit ne concernent pas directement les candidats». Et donc, pour elles, il convenait de passer au vote. «Le président de la plateforme n’a pas voulu organiser le vote dans ces conditions», dit le rapport signé par les 8 chefs religieux.  Ainsi, dans la même logique que le jour suit la nuit, la violation des règles a une fois encore conduit à l’impasse.

Le consensus n’étant pas obligatoire, la majorité a fait son choix… 

Le rapport de manque de consensus sera déposer à l’Assemblée nationale quelques heures après la réunion par le point-focal des Confessions religieuses, le patriarche Imam Moussa, et non le président de la plateforme comme on laisserait croire. Prenant leurs responsabilités comme le souhaitait d’ailleurs Utembi, les 6 Confessions membre de la plénière de la Plateforme déposeront leur PV de désignation de leurs délégués et une lettre de transmission expliquant toutes les péripéties du processus de désignation. Comme quoi, même les prélats catholiques, et la président de l’ECC ont du mal à respecter les textes quand ils ne sont à leur avantage.

Matshi Darnell

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page