Le ministre RD-congolais en charge des Affaires foncières, Aimé Sakombi Molendo, séjourne depuis le lundi 11 juillet à Nairobi où il prend une part active à la Conférence sur l’agribusiness qui se tient dans la capitale du Kenya. Lors de sa prise de parole en qualité de conférencier principal de ces assises, en lieu et place de son collègue de l’Agriculture empêché, le patron des Affaires foncières s’est appesanti sur l’attractivité de son pays pour les investissements agricoles et ce, eu égard aux régimes foncier et agricole en vigueur et aux opportunités qu’offrent les modifications législatives en cours.
Du haut de la tribune, il a eu les mots qu’il faut pour remercier vivement la Chambre du commerce RDC-Kenya ainsi que ses partenaires pour cette initiative combien louable qui lui permet d’échanger sur les différentes thématiques déterminées par les organisateurs de cette rencontre. Notamment le processus d’acquisition des terres par des investisseurs étrangers dans l’agriculture et toutes les mesures incitatives éventuelles y afférentes, la politique de sécurisation des droits fonciers qui favorisent les étrangers…
Tout en saluant la qualité des intervenants et le nombre des participants aussi bien en présentiel qu’en distanciel, y compris les thématiques choisies, le ministre Molendo a souligné que ce carrefour est une importante occasion offerte à son pays qui a besoin de ce genre de rencontres pour améliorer son attractivité. C’était, pour lui, le lieu et le moment de lancer un appel en direction de tous les investisseurs échaudés par les pratiques scandaleuses d’hier, lesquelles ont tant nui à l’image de la RD-Congo, pour leur dire que cette pratique est désormais révolue. Sans vous en dire plus, voici le discours prononcé par le ministre RD-congolais des Affaires foncières à la Conférence de Nairobi.
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Le discours du ministre des Affaires foncières, Aimé Sakombi Molendo, à la Conférence de Nairobi
Excellences Mesdames et Messieurs les Ministres ici présents;
Mesdames et Messieurs les organisateurs des présentes assises;
Mesdames et Messieurs les participants;
Distingués invités
C’est pour mon pays la République démocratique du Congo et pour moi-même, un privilège de monter à cette tribune, comme Conférencier principal en l’absence de mon Collègue de l’Agriculture en mission à Rome, pour plancher sur l’agro-industrie en République démocratique du Congo. De prime abord, je remercie vivement la Chambre de Commerce RDC-Kenya et ses partenaires, pour cette initiative louable qui nous offre l’opportunité d’échanger sur les différentes thématiques que vous avez déterminées; à savoir:
1. Le processus d’acquisition des terres par des investisseurs étrangers dans l’agriculture, et toutes les mesures incitatives éventuelles y afférentes;
2. Les Politiques foncières adoptées par le Gouvernement de la RDC qui favorisent les investissements étrangers;
3. La Politique de sécurisation des droits fonciers des opérateurs étrangers en général, et des opérateurs dans l’agri-business en particulier;
4. La vision du Gouvernement de la RDC sur le commerce bilatéral avec le Kenya et éventuellement avec la Communauté d’Afrique de l’Est.
Au regard de la qualité des intervenants, du nombre des participants en présentiel et en distanciel, ainsi que des thématiques choisies, ce carrefour est une opportunité intéressante offerte à mon pays, qui a besoin de ce genre de rencontres pour améliorer son attractivité, et réaffirmer son engagement irréversible dans la promotion des échanges sous-régionales. Pour terminer cette introduction, il est impérieux de préciser qu’en République démocratique du Congo, le secteur foncier que j’ai l’honneur de diriger à travers le ministère des Affaires foncières, est organisé distinctement du secteur agricole qui est l’apanage du ministère de l’Agriculture. Le foncier est régi par une loi qu’on pourrait qualifier de «général» -actuellement loi n°73-021 du 20 juillet 1973, modifiée une seule fois, le 18 juillet 1980, en cours de révision dans le cadre de la réforme foncière en cours-; tandis que l’agriculture est régie par une loi particulière -loi n° 11/022 du 24 décembre 2011-, également en cours de modification. En outre, je note que le thème relatif à la vision de notre gouvernement sur le commerce avec votre pays est une matière spécifique du ministère de la Coopération régionale. En tant que membre de l’Exécutif, je réaffirme ici la capacité foncière dont dispose la RDC pour accueillir des projets d’investissements bilatéraux avec la République du Kenya ainsi que d’autres Etats de l’Afrique de l’Est dans le Secteur de l’agriculture afin d’offrir à nos peuples, une autosuffisance alimentaire.
Mesdames et Messieurs,
Chers organisateurs,
Ce forum se tient au moment où, sous le leadership de Son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République et Chef de l’Etat, la RDC entre dans la phase finale du processus de la Réforme foncière entamée depuis l’année 2012. En effet, cela fait 10 ans que mon pays a lancé une réflexion nationale sur l’état de son secteur foncier, dans le but d’apporter des solutions appropriées, durables et consensuelles pour améliorer et optimiser la gouvernance foncière. Depuis lors, toutes les forces vives concernées par la gestion de la terre ont été mobilisées pour, ensemble avec les Experts de la Commission nationale de la réforme foncière, CONAREF en sigle, identifier les problèmes les plus pertinents et y remédier radicalement à travers la production de trois livrables que sont:
-Un Document de Politique foncière nationale;
-Une Nouvelle loi foncière;
-Un Plan national foncier.
Ce processus complexe au regard de l’immensité du pays, de sa mosaïque de cultures, de son rôle prépondérant dans la protection mondiale de l’environnement et des exigences de la mondialisation, a permis de doter la RDC d’un Document de Politique foncière nationale qui a été adopté en Conseil des ministres le 15 avril 2022. Au moment où je vous parle, l’Avant-projet de la Nouvelle loi foncière est programmé pour un débat en Conseil des ministres, avant son envoi au Parlement pour débat et adoption. Ces deux instruments importants, le Document de Politique foncière nationale et la Nouvelle loi foncière, traitent de la nouvelle réglementation foncière de la RDC, notamment en ce qui concerne la Sécurisation des investissements et des droits fonciers, l’harmonisation des textes des Lois et règlementations sur les ressources agricoles qui font partie des thématiques de cette conférence.
Mesdames et Messieurs,
Depuis trois ans, nous avons lancé le Renouveau de notre administration foncière avec la mise en œuvre de plusieurs réformes courageuses qui visent sa modernisation, pour en faire une administration de développement et un acteur de promotion de la paix sociale. Nous avons particulièrement mis l’accent sur l’amélioration du climat des Affaires en créant, avec l’Agence Nationale de Promotion des investissements, ANAPI en sigle, une Cellule de traitement des dossiers à caractère commercial qui a permis la diminution sensible des délais d’octroi des documents fonciers; ceci à la grande satisfaction des investisseurs qui apprécient beaucoup ce service sur mesure. Il était important de vous fixer sur ces nouvelles réalités qui participent efficacement à la transformation positive de mon pays. La RDC est engagée dans une mutation profonde et dynamique qui lui permettra, dans un avenir proche, de catalyser le développement de l’Afrique, en synergie avec les autres pays moteurs du continent parmi lesquels, le Kenya. Ceci dit, le moment est venu d’aborder les différentes thématiques qui nous réunissent ce jour. Le processus d’acquisition des terres par des investisseurs étrangers dans l’agriculture, Modalités et Incitations.
– Le régime foncier congolais permet aux étrangers, personnes physiques ou morales, d’accéder à la terre, pour des usages résidentiels, commerciaux et industriels; ceci pour une durée limitée à 25 ans renouvelables. Seuls les Congolais, personnes physiques, ont accès à la concession perpétuelle non limitée dans le temps.
– Le régime agricole exclut les étrangers, personnes physiques, de l’exploitation ou de la mise en valeur agricole des terres. Seules les personnes physiques congolaises sont autorisées à valoriser les terres à des fins agricoles. Pour les personnes morales -sociétés commerciales-, seules celles dont l’Etat Congolais ou les Congolais sont majoritaires (51% du capital pour l’Etat ou les Congolais) peuvent se livrer à l’exploitation agricole.
– Plusieurs mesures incitatives sont mises en place par la loi agricole à en marge des celles déjà prévues par le Code des Investissements, dont:
o Le Tarif préférentiel dans la consommation d’eau, d’énergie électrique et des produits pétroliers (art.40);
o L’Exonération de tous droits et taxes pour toute consommation d’eau et d’énergie produite par l’exploitant lui-même à des fins d’exploitation agricole (art.41);
o La Possibilité de recours à l’énergie «bois» et aux autres sources, telles que le biocarburant, le biogaz et la biomasse, lorsque celles disponibles ne sont pas suffisantes pour les besoins des activités agricoles (art. 42);
o L’Exonération des droits et taxes à l’importation des intrants agricoles importés, et destinés exclusivement aux activités agricoles, y compris ceux destinés à l’exploitation agricole de l’eau et de l’énergie (art. 72 et 41);
o L’Exonération des droits et taxes à l’exportation des produits agricoles (art.72);
o La Limitation à 0,25% de la valeur des produits exportés des redevances et frais en rémunération des services rendus par les organismes publics intervenant aux postes frontaliers (art.72);
o L’Exemption totale de l’impôt foncier sur les superficies bâties et non bâties, affectées exclusivement à l’exploitation agricole art. 74);
o L’Exemption totale d’impôt sur tout matériel roulant affecté exclusivement à l’exploitation agricole (art. 75).
Les modalités de sécurisation foncière sont les mêmes, qu’il s’agisse d’un investissement congolais ou étranger; à savoir:
• L’Attribution d’un titre provisoire d’une durée limitée: 3 ans pour les destinations résidentielles sur les terres urbaines ou 5 ans pour les destinations agricoles ou autres sur les terres rurales, suivant la destination, en vue de la mise en valeur;
• L’Attribution d’un titre définitif, d’une durée de 25 ans, renouvelables, sur constat de mise en valeur. Le défis auxquels le gouvernement fait face actuellement est celui de l’amélioration de la gouvernance foncière en vue d’inciter des investissements prives agricoles. Le processus est en cours avec l’élaboration de la politique et de la Loi foncière qui ont été validées par le gouvernement et en voie d’être soumis au Parlement pour approbation et ensuite promulguée par le Président de la République. Ainsi que vous vous en êtes rendus compte, l’état des lieux du secteur agricole n’est pas des plus attrayants pour le moment, néanmoins des efforts sont en cours en vue d’améliorer le climat des affaires d’une part et de l’autre, d’organiser la gouvernance du secteur productif agricole au sens large en vue d’attirer des investissements étrangers directs d’accroitre les investissements locaux et d’éclore le secteur de l’agriculture dans son ensemble. La loi portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture a été promulguée en décembre 2011. Cette loi avait comblé un vide juridique en apportant une assise juridique à la politique agricole de la RDC. La loi a eu notamment pour objectif d’augmenter la productivité agricole et la sécurité alimentaire dans le pays qui a un potentiel agricole important. Elle répondait à une demande formulée depuis longtemps par les organisations paysannes congolaises qui ont été consultées lors de son élaboration. Cette loi comportait d’importantes innovations, notamment: la création d’un fonds de développement agricole -FONADA- et sa gestion en synergie avec les institutions financières bancaires et non bancaires; l’implication des agriculteurs et des professionnels du secteur agricole dans le processus décisionnel. Il s’agit de la création d’un Conseil consultatif aussi bien au niveau national, provincial que local; la prise en compte des exigences des instruments internationaux relatifs à la conservation et à l’utilisation des ressources phylogénétiques; la prise en compte de la protection de l’environnement; le renforcement du mécanisme de surveillance des terres destinées à l’exploitation agricole production et l’institution d’une procédure de conciliation préalable à toute action judiciaire en matière de conflits de terres agricole. Néanmoins, dix ans après la promulgation de cette loi, celle-ci n’avait toujours pas connu des mesures d’application. Certains partenaires techniques et financiers, et surtout le secteur privé -Fédération des entreprises du Congo -FEC- qui n’étaient pas d’accord sur les mesures restrictives substantielles relatives aux acquisitions des terres agricoles par des entités agricoles étrangères et sur l’option de l’Etat de favoriser le contrôle de l’actionnariat des personnes morales par des nationaux. La pression politique avait amené les décideurs à demander au Parlement de revoir la loi, notamment la disposition de l’article 16 alinéa 2 sur les conditions d’attribution des terres agricoles en RDC. En dualité, il fallait atténuer des restrictions substantielles sur les acquisitions de terres agricoles par des entités étrangères et élargir l’impératif pour les nationaux de contrôler l’actionnariat des personnes. Le processus de révision de cette loi est en cours au niveau du Parlement. La Commission paritaire Parlement et sénat, mise en place, réexamine cette disposition en ce moment.
La volonté politique affichée par le Chef de l’Etat dans ses différentes prises de position en faveur du secteur agricole notamment dans ses déclarations relatives a la revanche du sol sur le sous-sol, est prometteur d’un avenir radieux pour le développement agricole en RDC.
Mesdames et Messieurs,
J’espère avoir rencontré, dans les grandes lignes, les préoccupations sur lesquelles les personnes ici présentes et toutes celles qui nous suivent en visio-conférence, voulaient être éclairées. Je ne peux terminer mon propos sans profiter de cet espace spécifique, pour lancer un appel à tous les investisseurs échaudés par les pratiques foncières scandaleuses d’hier, qui ont tant nui à l’image de mon pays; et leur dire que cette époque est révolue. Les portes de la RDC sont ouvertes, et je vous invite à venir apprécier les progrès réalisés par le nouveau leadership congolais incarné par son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, et le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde. Le Document de Politique foncière nationale et la Nouvelle loi foncière sont conçues pour sécuriser vos investissements.
Je réitère mes félicitations aux organisateurs de cet important forum d’échanges.
Je vous remercie.
Aimé SAKOMBI MOLENDO
Ministre des Affaires foncières