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epuis le début de l’année 2016, la RD-Congo, à travers Tosi Mpanu Mpanu, a pris la présidence du groupe des Pays moins avancé -PMA- dans les négociations climatiques. Cet expert négociateur de la RD-Congo aura la lourde tâche de faire entendre les voix de membres de ce groupe qui sont en première ligne des conséquences des changements climatiques.Dans une interview accordée à AfricaNews, l’ancien élève de l’Ecole nationale de l’administration française -ENA- évoque les grands axes de sa présidence à la tête de ce groupe ainsi que les retombées de la 21èmeConférence des parties tenue à décembre 2016. Interview.
La RD-Congo préside à travers vous le groupe des Pays moins avancés -PMA-. Quelle est la vision de la RD-Congo dans cette institution?
Il s’agit d’un groupe de 48 pays vulnérables qui sont généralement peu émetteurs de gaz à effet de serre. Ces pays ont également les caractéristiques communes de représenter un faible PIB par habitant et un faible indice de développement humain -HDI-. Refusant d’aller dans les négociations en ordre dispersé, ces pays qui ont des priorités assez similaires se sont réunis au sein d’une coalition en vue de parler d’une seule et même voix. Le groupe de PMA a une posture morale très élevée lorsqu’il s’engage dans les négociations, parce que ces membres ne constituent pas les principaux responsables des problèmes climatiques à l’échelle mondiale mais en sont clairement les principales victimes. Toutefois, les PMA refusent de se réfugier dans un discours de victimisation et aspirent à adopter un mode de développement moins carboné et plus résilient face aux changements climatiques. Ils exhortent les pollueurs historiques à faire montre de leadership et à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre.La RD-Congo ne se considère pas vraiment comme présidente du groupe à proprement parler, mais plutôt comme une coordonnatrice. Son travail consistera donc d’abord à écouter les aspirations des pays membres afin de développer une position commune. Il faudra également s’assurer du respect du principe de solidarité entre membres. La RD-Congo déploiera tous ses efforts afin de s’assurer que la mise en œuvre de l’Accord de Paris tient compte des intérêts spécifiques du groupe des PMA, en particulier un traitement équilibré de la question de l’adaptation, la mise à disposition et l’accessibilité aux ressources financières, ainsi que la reconnaissance des circonstances nationales spécifiques et de la vulnérabilité des PMA.
Quels sont vos principaux axes prioritaires?
Tout d’abord, nous allons nous assurer que le compromis acquis à Paris rencontre bien les attentes de pays membres, qu’il n’empiète sur aucune de leurs aspirations. La deuxième phase est de nous engager dans la mise en œuvre de cet accord, mais aussi de nous préparer pour la COP 22 à Marrakech en novembre 2016. Alors que l’accord de Paris entre en vigueur en 2020, la présidence de la RD-Congo invitera les PMA à élaborer les projets en vue de tirer les meilleurs bénéfices des instruments existant sous la Convention Cadre de Nation Unies sur les changements climatiques.
Vous avez dirigé les négociations pour le compte de la RD-Congo à la COP 21 à Paris. Qu’est-ce que la RD-Congo peut attendre de cet accord?
Le principal enjeu à la COP 21 était d’aboutir, pour la première fois, à un accord universel et contraignant permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d’accélérer la transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone.Pour la RD-Congo, le résultat final devait être juridiquement contraignant et réserver un traitement équilibré entre atténuation et adaptation. En ce qui concerne le financement, nous souhaitions obtenir une obligation internationale sur les sources du financement et un ancrage dans l’accord des 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Nous souhaitions également une obligation internationale pour le renforcement des capacités et le transfert des technologies afin de soutenir l’action contre les changements climatiques. Il était également primordial à nos yeux, de nous assurer de l’inclusion de la REDD+ -réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts- dans l’accord de Paris compte tenu de l’importance des émissions de gaz à effet de serre de la RD-Congo provenant de la déforestation. Enfin, concernant, la transparence et la différenciation, nous exigions le strict respect des principes de la Convention -responsabilité commune mais différenciée, capacité respectives, droit au développement, etc.-, revendiquions de la flexibilité pour la RD-Congo et les pays africains, et sollicitions la fourniture d’un soutien adéquat en vue de nous conformer aux exigences renforcées de monitoring, reporting et vérification -MRV-. Nous estimons en tant que RD-Congo qu’à Paris aucune de nos lignes rouges n’a été transgressées. Nous accueillons favorablement cet accord qui est véritablement universel puisque toutes les 196 Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques l’ont adopté.L’accord tient compte du rôle des forêts tropicales et du mécanisme REDD+, un acquis important pour la RD-Congo.La RD-Congo tenait fermement à la confirmation du chiffre d’USD «100 milliard», puisqu’il s’agissait d’un engagement auquel avaient souscrit les pays développés en 2009 à Copenhague en vue de financer des projets dans les pays en développement. Je tiens à souligner que lorsqu’on parle de cet argent, il ne s’agit nullement de charité ni d’aide publique au développement, mais plutôt d’une responsabilité historique des pays développés. Je dois dire que la RD-Congo a eu gain de cause, car l’accord de Paris a essentiellement répondu à ses préoccupations, hormis, peut-être, sa dimension non juridiquement contraignante. Toutefois, l’accord reste politiquement contraignant. Le plus important est que cet accord ait jeté les bases d’une plus grande collaboration entre les Etats, de sorte qu’ensemble nous soyons plus efficaces que si chacun jouait de sa propre partition, en cavalier solitaire.
Christian Joseph MUTOMBO
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