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Kagame: le nouveau fléau du Rwanda

Paul Kagame, le parrain de la rébellion du M23
Paul Kagame, le parrain de la rébellion du M23
Malgré les meurtres, les violations des droits de l’homme, le blocus contre les opposants et son soutien actif et suffisamment bien documenté dans les massacres et violences en RD-Congo, Kagame reste un leader adulé à Washington et Westminster. C’est comme s’il avait ‘’un permis de tuer’’
 
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe à travers le monde. L’assassinat de Patrick Keregeya est amputé au régime de Kagame. Son arrogante ministre des affaires étrangères ne s’est pas empêchée de le crier à demi-mot sur sa page Twitter et même de récidiver dans une interview sur RFI en déclarant que Kagame n’avait aucun compte à rendre à personne au sujet de cette mort tragique. Fidèle à sa réputation d’homme sans cœur, le potentat rwandais lui-même ne s’est pas empêché non plus de se réjouir de la mort de celui qui combattait son régime.
Et malgré les soutiens –désormais rares- qui continuent à lui assurer quelque espoir, le sort du régime de Kigali semble scellé. Le camouflet infligé à ce régime lors de la  publication du dernier rapport des experts des Nations unies sur la guerre à l’Est de la RD-Congo -rapport contesté par le Rwanda- et le dernier sommet de l’Union africaine ont fini de dissiper les derniers doutes sur la fragilité du pouvoir de la terreur au pays des mille collines. Si on y ajoute le fait que la présidence angolaise de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs -CIRGL- a déjà annoncé les couleurs en exigeant plus de dextérité dans le travail du mécanisme conjoint de contrôle et vérification des frontières, de nombreux analystes perçoivent clairement les signes d’un essoufflement certain de Kagame et ses soutiens. Des langues se délient de plus en plus pour condamner justement ces soutiens et démontrer la vraie nature du maître -absolu- de Kigali. Ci-contre, la retranscription fidèle d’un article repris par la presse britannique début janvier 2014.
Patrick Karegeya connaissait bien Paul Kagame. Les deux sont allés à l’école ensemble, et ont travaillé l’un aux côtés de l’autre dans les services d’intelligence de l’Ouganda, avant de lutter ensemble pour libérer leur pays des … génocidaires qui ont déclenché l’horreur dans leur Rwanda natal. Lorsque Kagame est devenu président, Karegeya a été placé comme le chef des renseignements extérieurs du Rwanda. Mais après une décennie, leurs désaccords, y compris sur les droits de l’homme et des attaques sur la République Démocratique du Congo, sont devenus trop profonds. Il a été relevé de ses fonctions, dépouillé de son grade de colonel et emprisonné. Une fois libre, il s’est enfuit, rejoignant plus tard trois autres éminents exilés afin de mener l’opposition au gouvernement de Kagame.
Connaissant si bien le président rwandais, Karegeya ne se faisait pas d’illusions sur ce qui pourrait lui arriver, surtout après que son ami Faustin Kayumba Nyamwasa a été assassiné en Afrique du Sud en 2010. “Le gouvernement rwandais ne peut tolérer aucune dissidence», avait-t-il prévenu l’an dernier.
“Il y a un plan délibéré pour nous achever.” C’est maintenant le tour du franc-parleur Karegeya, le corps brutalisé découvert dans la chambre d’un hôtel sud-africain de luxe. Une enquête pour assassinat a été lancée. Il semble qu’il aurait été étranglé, une corde des rideaux d’hôtel et une serviette ensanglantée retrouvés dans le coffre-fort de la chambre. Les autorités rwandaises nient toute complicité. Elles le font toujours, bien sûr. Cela fait partie de la tactique du régime, qui utilise d’habiles diplomates pour jeter la poudre aux yeux tout en enduisant les ennemis en erreur et exploiter la sympathie mondiale créée par le génocide.
Le Ponce Pilate des temps modernes
Nyamwasa, ancien chef de l’armée rwandaise qui a survécu à deux tentatives d’assassinat, a demandé qui d’autre pourrait vouloir tuer son ami. «Ce n’est pas la première fois, et ce n’est pas la dernière. La plupart d’opposants politiques au président Kagame sont en exil ou en prison ou sont morts. Il peut prendre tout son temps pour agir». Les premiers éléments de l’enquête affirment que la police envisagerait d’interroger un citoyen rwandais qui a rencontré Karegeya à une station de chemin de fer, puis est allé avec lui à l’hôtel dans le quartier chic de Sandton.
Pourtant, une chose est certaine. Au-delà de la mort d’un dissident d’envergure, les ennemis de Kagame -le despote tant aimé par les dirigeants occidentaux et les bailleurs de fonds- semblent avoir une étrange habitude de mourir dans des circonstances troublantes. Au fil des années, de nombreux et éminents militants, des juges et des journalistes, ont été tués. Ils ont été battus, décapités, abattus ou poignardés, tant au Rwanda qu’en exil. Certains étaient de bonnes personnes, d’autres non mais leur décès est intervenu après des accrochages avec Kagame.
“Nous ne connaissons pas encore les détails ni les mobiles de l’assassinat de  Karegeya, mais la méthode ressemble à celle utilisée de longue date par le gouvernement rwandais”, a déclaré Carina Tertsakian, chercheuse senior sur le Rwanda à Human Rights Watch. La stratégie de Kagame a toujours été claire dès le début de son ascension au pouvoir. Les transfuges et les dissidents ont expliqué en détail comment l’homme opère pour se débarrasser de ses rivaux. “Il pense que tous les opposants doivent mourir», a déclaré Karegeya l’année dernière. Ceux qui ont servi comme ses collaborateurs, officiers de l’armée et des gardes du corps ont dit que, même en exil ou pendant le maquis, il a éliminé tous ceux qui menaçaient son autorité.
Effacer le tableau
Après avoir pris le pouvoir à la faveur du génocide de 1994, son régime répressif a utilisé les assassinats, les arrestations arbitraires, la prison et le contrôle strict des médias pour maintenir sa domination. Un ancien collaborateur de Kagame a indiqué qu’il n’a jamais caché ce qui se passerait aux ennemis; même Paul Rusesabagina, le directeur de l’hôtel Rwanda, devenu un héros mondial au milieu de l’enfer du génocide, a dû entrer dans la clandestinité. Trop typique est l’histoire de Seth Sendashonga, ministre très respecté de l’Intérieur dans le gouvernement post-génocide.
Après avoir protesté contre les violations des droits de l’homme dans une série de notes adressées à Kagame, il a été licencié et est parti en exil au Kenya, où il est devenu un farouche opposant au régime. Après avoir survécu à une première tentative d’assassinat en février 1996, dans laquelle un homme arrêté avec une arme à feu s’est avéré être un employé à l’ambassade du Rwanda, il a été abattu à Nairobi deux ans plus tard. Une affaire qui présente des similitudes avec les récents attentats en Afrique du Sud. Il y avait une vague particulièrement agressive avant l’élection de 2010, où non seulement Nyamwasa a été la cible mais également un éditeur de journal assassiné, un politicien de l’opposition trouvé décapité et un professeur de droit tanzanien impliqué dans une affaire de génocide abattu.
Permis de tuer
L’année suivante, Scotland Yard a averti deux exilés en Grande-Bretagne que le commando rwandais avait été envoyé pour les tuer… Scandaleusement, même cela n’a pas empêché le flux de l’aide britannique et l’adulation dont bénéficie le dictateur. L’un des objectifs était René Mugenzi, un père de trois enfants et militant démocrate libéral. Il devait couper tout contact avec de nombreux autres exilés rwandais en Grande-Bretagne, de peur qu’ils ne soient des agents du gouvernement rwandais mis à ses trousses. Il vit encore en état d’alerte maximale de sécurité.
«Ce fait est très troublant pour moi et ma famille», soutient-il. “Vous sentez que tout peut arriver, surtout quand rien n’est fait au niveau international contre Kagame. C’est comme s’il avait un permis de tuer”. Et c’est là le point clé. Car malgré les meurtres, les violations des droits de l’homme, le blocus contre les opposants et son soutien actif et suffisamment bien documenté dans les massacres et violences en République démocratique du Congo, Kagame reste un leader adulé à Washington et Westminster.
Un chercheur attitré sur le Rwanda l’a décrit comme “probablement le pire criminel de guerre en fonction aujourd’hui.” Un autre universitaire de renom a conclu qu’il animait “une dictature ethnique, sociale et économique très bien gérée”. A la même époque, Bill Clinton le considérait comme “l’un de plus grands chefs de notre temps”. Tony Blair, un conseiller de Kagame, à qui il laisse parfois son jet privé, le salue comme «un leader visionnaire ». Il a droit à une adoration semblable parmi de nombreux conservateurs et les républicains. Le Rwanda a même été accueilli dans le Commonwealth, il y a quatre ans.
Cette hypocrisie répugnante, alimentée par la recherche désespérée d’un fonds de commerce, est illustrée par l’accueil réservé à Londres à Kagame à une réunion des ministres, en dépit du fait qu’il est inculpé par un juge espagnol, tandis que Théogène Rudasingwa, un des principaux opposants à Kagame basé aux États-Unis, se voyait refuser un visa pour participer à la même réunion.
Rudasingwa, ancien proche collaborateur et compagnon de Kagame, devenu un de ses principaux opposants aux côtés de Karegeya, est consterné par la réticence occidentale à reconnaître la criminalité de Kagame, malgré une profusion de preuves. Ainsi lorsque je lui ai demandé s’il était effrayé par le dernier assassinat de vendredi: “Non,” répondit-il. “Cela me rend plus déterminé. Je sais qu’il est en mission pour tuer chacun d’entre nous, mais nous allons le combattre jusqu’au bout.” Ce sont de belles paroles, étant donné ce qui est arrivé à un si grand nombre de ceux qui contestaient Kagame. Pourtant, la Grande-Bretagne, à notre honte, continue à soutenir ce tueur monstrueux de Kigali.
La traduction, le chapeau et les intertitres sont d’AfricaNews

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