Comment libérer le patrimoine national de la République démocratique du Congo du joug des Arrêtés de prorogation relatifs aux permis d’exploration, des avenants aux Contrats de partage de production et des Protocoles d’accord en violation des dispositions de la Loi des Hydrocarbures de 2015 en vigueur
A l’heure de la transition écologique que la civilisation humaine est en train de connaître par une évolution vers un nouveau modèle économique et social répondant aux grands enjeux environnementaux, ceux du changement climatique, de la rareté des ressources, de la perte accélérée de la biodiversité et de la multiplication des risques sanitaires environnementaux, une modification structurelle profonde des modes de production et de consommation de l’énergie s’impose à toutes les sociétés.
La transition énergétique qui est l’un des volets de la transition écologique, est en progression car nous remarquons que les sociétés pétrolières à grands capitaux d’investissements se tournent vers les énergies renouvelables telles que l’énergie photovoltaïque, l’énergie éolienne et la construction des petites centrales hydroélectriques. Néanmoins, les énergies fossiles c’est-à-dire les hydrocarbures conservent toujours leurs parts en ce qui concerne les besoins de consommation énergétique mondiale.
La valorisation du patrimoine de la République démocratique du Congo à travers l’évaluation des potentialités pétrolières que regorgent nos bassins sédimentaires reste un défi à relever face aux contraintes géostratégiques et géopolitiques. Plusieurs contrats pétroliers signés sous la Loi de 1981 portant législation générale sur les Mines et les Hydrocarbures, ont été négociés par des sociétés pétrolières partant de l’année 2005 afin de découvrir des nouveaux gisements d’hydrocarbures. Parmi ces sociétés, nous pouvons citer: SURESTREAM, ENERGULF, SOCO, TULLOW OIL, NESSERGY, CAPRIKAT-FOXWHELP, COMICO et DIVINE INSPIRATION GROUP.
Cependant, seule la société SOCO a pu réaliser l’ensemble des travaux pétroliers après avoir foré trois puits secs dans le bloc Nganzi situé dans la province du Kongo-Central. Les autres sociétés ont réalisé partiellement et/ou pas des travaux pétroliers dans le bassin côtier, la cuvette centrale, le Graben Albertine et le Graben Tanganyika. Malheureusement, ces sociétés sont détentrices des droits d’hydrocarbures après près de 15 ans sans qu’une découverte ne soit mise en évidence et en violation des dispositions de la nouvelle Loi d’hydrocarbures de 2015 en vigueur. S’agit-il de la faiblesse de notre législation en matière d’hydrocarbures ou d’un manque de suivi de la part des autorités ayant les hydrocarbures dans leurs attributions?
Nous signalons que la plupart des contrats pétroliers de partage de production ont connu des avenants consacrant:
- l’entrée d’un nouvel opérateur;
- l’extension d’un permis d’exploitation en violation de la nouvelle Loi d’hydrocarbures de 2015 en vigueur, cas de renouvellement du permis d’exploitation de la concession offshore de la société PERENCO après approbation de l’avenant 8 à la date du 25 octobre 2017 et qui va expirer en 2043;
- la cession des parts d’intérêts en faveur d’une des parties au contrat ou d’une autre partie ayant sollicité la prise des participations dans le contrat dans l’objectif de permettre la finalisation des travaux pétroliers.
Ces avenants ont permis l’entrée aux contrats des sociétés telles que TOTAL, OIL of DRC et SOGEMIP sur base des capacités techniques et financières et/ou des influences politiques.
Outre les avenants, ces sociétés ont également bénéficié des arrêtés de prorogation des permis d’exploration pour des raisons multiples sans qu’aucune d’elles ne soit capable de finaliser les travaux pétroliers dans les blocs d’exploration.
De tous ces avantages accordés par l’Etat congolais aux sociétés pétrolières dans le souci de parvenir à des nouvelles découvertes des gisements pétroliers, nous constatons que celles en phase d’exploration n’ont pas rempli pleinement leurs obligations contractuelles et cette situation porte préjudice au Trésor public. C’est donc l’heure des bilans pour toutes les sociétés pétrolières détenant des blocs d’exploration en République démocratique du Congo car nous ne voulons pas vivre la mauvaise expérience du secteur des Mines.
Au moment où le nouveau gouvernement s’attend à l’amélioration des recettes, il revient au ministre des Hydrocarbures de faire le ménage dans son secteur afin de mettre un terme au régime des arrêtés de prorogation des permis d’exploration qui ont caractérisé ses prédécesseurs aux fins d’enrichissement personnel sans que des rapports techniques attestent le bien fondé de ses extensions d’une part et d’autre part l’analyse minutieuse des avenants en souffrance qui attendent une approbation présidentielle. Il est important de signaler que la majorité des contrats pétroliers ont déjà expiré malgré l’existence de certains arrêtés de prorogation des permis d’exploration en violation des dispositions transitoires de la nouvelle Loi d’hydrocarbures de 2015 en vigueur et/ou de son règlement. Le ministère des Hydrocarbures est appelé à organiser les appels d’offres des blocs d’exploration pétrolière tel que repris dans le programme du gouvernement adopté à la chambre basse du Parlement.
Tout en sachant que les droits d’hydrocarbures sont effectifs après l’obtention d’une Ordonnance présidentielle, les appels d’offres attendus doivent permettre à la République démocratique du Congo de changer l’image de sa politique pétrolière caractérisée par l’octroi des blocs d’exploration à des sociétés pétrolières n’ayant pas les capacités techniques et financières avérées pour mener les travaux d’exploration pétrolière.
Concernant les dirigeants congolais, il faut retenir que l’anarchie est partout quand la responsabilité n’est nulle part, et ils ne peuvent pas échapper à la responsabilité de demain en l’évitant aujourd’hui.
Henry MUTOMBO MIKENYI
Ecrivain, Chercheur en fiscalité et Expert en la lutte contre la corruption.