Société

RD-Congo: menace sur les réseaux sociaux avant la fin du mandat de Kabila

Les autorités de Kinshasa ont demandé un filtrage ou une coupure des réseaux sociaux en République démocratique du Congo à partir de dimanche, moins de 48 heures avant la fin du mandat du président Joseph Kabila, selon les informations recueillies jeudi par l’AFP auprès d’opérateurs internet.
Les fournisseurs d’accès n’ont pas encore reçu d’injonction formelle des autorités et ont demandé que l’ordre leur soit donné par une note écrite détaillant les instructions des autorités, a appris l’AFP auprès de quatre entreprises opérant dans le secteur des télécommunications en RD-Congo.
Les opérateurs se sont vu présenter oralement les demandes du gouvernement mardi lors d’une réunion avec l’Autorité de régulation des postes et des télécommunications -ARPTC-, ont indiqué ces sources.
«Les instructions du gouvernement sont que tous les réseaux sociaux -Facebook, Whatsapp, etc.- soient bloqués à partir de 18h00 dimanche 18 décembre jusqu’à nouvel ordre», a indiqué à l’AFP le représentant d’un opérateur sous couvert d’anonymat.
La non-application de cette mesure se traduira par une révocation de la licence des opérateurs récalcitrants, a-t-on ajouté de même source.
«L’ARPTC nous a verbalement instruit de filtrer les connexions sur les réseaux sociaux», a indiqué un autre opérateur précisant que «des essais doivent se faire dans la nuit de jeudi à vendredi».
«On nous a demandé de faire du filtrage sur les réseaux sociaux», a dit un troisième opérateur, selon lequel les services de messagerie des réseaux sociaux pourraient dans ce cas fonctionner, mais sans la possibilité d’envoyer «des vidéos, des photos et de la voix».
Des «tests» doivent effectivement être réalisés pour confirmer ou non la faisabilité d’un tel filtrage, a ajouté cet opérateur, précisant qu’en cas d’impossibilité, il n’y aurait d’autre choix que de «couper l’accès» aux réseaux sociaux.
Néanmoins, les opérateurs ont demandé une notification formelle écrite, et non simplement orale de la mesure. «C’est dans l’air, mais nous attendons la confirmation» officielle, a déclaré un quatrième opérateur.
Ministre «pas informé»
Interrogé par l’AFP, le ministre des Télécommunications, Thomas Luhaka, a indiqué par sms qu’il n’était «pas informé» de ces mesures. M. Kabila est au pouvoir depuis 2001. Son mandat s’achève le 20 décembre et la Constitution lui interdit de se représenter. La présidentielle n’ayant pas été tenue à temps, il compte se maintenir au pouvoir au-delà du 20 décembre en vertu d’un arrêt controversé de la Cour constitutionnelle.
Les détracteurs de M. Kabila menacent d’appeler à des manifestations dans tout le pays à partir de lundi jusqu’à ce qu’il quitte le pouvoir.
Les réseaux sociaux sont le mode d’accès à l’internet le plus répandu en RD-Congo, pays parmi les moins développés de la planète, en raison de leur facilité d’emploi à partir d’un téléphone, et de leur coût relativement bas pour une population largement miséreuse.
Depuis 2013, plusieurs centaines de personnes ont été tuées dans des violences urbaines à caractère politique à Kinshasa et dans plusieurs villes du pays.
Lors de ces affrontements, les réseaux sociaux ont été le ferment de la mobilisation contre le pouvoir et le théâtre d’une véritable «bataille» destinée à soutenir les accusations réciproques de crimes que se renvoyaient dans ces cas-là le pouvoir et l’opposition.
L’appel à manifester lundi contre M. Kabila est pour l’heure suspendu à des négociations politiques sous l’égide de l’Église catholique en vue de trouver un compromis permettant d’organiser une transition politique jusqu’à l’organisation des élections.
Entamées le 8 décembre, ces négociations sont censées s’achever vendredi mais semblaient dans l’impasse jeudi matin.
Alors que le gouvernement affirme qu’«il ne se passera rien» le 19 décembre et les jours suivants, la communauté internationale craint que le pays, ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003 ne replonge dans une spirale de violence incontrôlable, faute d’accord politique d’ici à dimanche.
En janvier 2015, lors de violentes émeutes anti-pouvoir, les autorités avaient ordonné une coupure brutale de l’internet pendant 48 heures, qui avait complètement paralysé l’économie nationale, les banques notamment ne pouvant plus passer d’opérations. Après le rétablissement d’internet, les réseaux sociaux étaient restés coupés pendant plusieurs semaines.
«Cette fois-ci, les autorités ont compris la leçon», estime un opérateur. «Il ne s’agira pas d’un black-out d’internet qui a causé énormément de tort sur le plan économique», dit un autre.
Avec AFP

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